lundi 7 février 2022

[Swift, Graham] Le grand jeu

 



 

J'ai (finalement) beaucoup aimé

 

Titre : Le grand jeu (Here We Are)

Auteur : Graham SWIFT

Traductrice : France CAMUS-PICHON

Parution : en anglais en 2020,
                   en français (Gallimard) en 2021

Pages : 192

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Un vent de magie souffle sur la jetée de Brighton au cœur de l’été 1959. C’est dans le théâtre de cette station balnéaire anglaise que se produisent chaque soir Jack Robbins, Ronnie Deane et Evie White. Cet époustouflant trio offre aux vacanciers du bord de mer un spectacle de variétés à nul autre pareil. Sur les planches, ils deviennent Jack Robinson, malicieux maître de cérémonie, Pablo le Magnifique, magicien hors pair, et Eve, sublime assistante au costume étincelant. Le succès ne se fait pas attendre et leur numéro se retrouve bientôt en haut de l’affiche. Le charme n’opère d’ailleurs pas uniquement sur scène : au fil de l’été, les deux amis succomberont l’un et l’autre à celui, irrésistible, d’Evie. Au risque de tout perdre.
Avec délicatesse et maestria, Le grand jeu nous plonge dans les coulisses des spectacles de magie et redonne vie à une époque disparue. Graham Swift révèle une fois de plus son talent de conteur et livre une bouleversante histoire d’amour, de famille et de mystère.

  

Un mot sur l'auteur : 

Né à Londres en 1949, Graham Swift est l'auteur de romans et de recueils de nouvelles qui l'ont classé parmi les écrivains les plus remarqués de sa génération. Traduits dans de nombreuses langues, ses livres lui ont valu plusieurs prix littéraires. Trois d'entre eux ont été adaptés au cinéma. Le grand jeu est son onzième roman.

 

 

Avis :

Cet été 1959 à Brighton, le spectacle de variété animé par le présentateur vedette Jack Robinson rencontre un succès inédit. Les estivants se bousculent pour assister à l’époustouflant numéro de magie de Ronnie Deane - alias Pablo le Magnifique -, assisté de sa sublime compagne Eve - Evie White à la ville. Si Jack et Evie sont montés très jeunes sur les planches, Ronnie doit sa vocation au hasard. Evacué à la campagne par sa mère juste avant le Blitz en 1940, il a passé les années de guerre chez les Lawrence, un couple âgé sans enfant qui l’a choyé. C’est dans leur propriété de l’Oxfordshire, qu’ébloui, l’enfant des quartiers populaires de Londres a découvert l’art de la prestidigitation, au cours d’une initiation qui devait s’avérer décisive pour son avenir. Mais, à Brighton, Jack tombe lui aussi sous le charme d’Evie. Le triangle amoureux risque bien de compromettre la belle affiche du spectacle…

Le grand jeu est l’un de ces romans dont les immenses qualités n’apparaissent qu’après maturation dans l’esprit du lecteur. Ainsi, ce n’est qu’en toute fin de sa lecture, jusqu’ici dominée par un contrariant sentiment d’ennui et l’impression que l’alchimie n’opérerait jamais, que ce qui m’était apparu comme les errements un peu décousus de la narration, dans un dédale de retours en arrière et d’allusions au fil conducteur bien peu apparent, a pris sens tout d'un coup. Enfin, l’émotion est alors apparue, en une bouffée de nostalgie et de tristesse, et une soudaine révélation : quel magnifique personnage que ce Ronnie.

Un peu comme Evie et Jack réaliseront avec retard, dans une confusion de remords plus ou moins avoués et coupables, le formidable panache de Ronnie et l’irréparable conséquence de leurs choix, le lecteur met donc du temps à cerner l’ampleur du « grand jeu » au coeur du récit : un idéal de scène autant que de vie, chez un homme, qui, ébloui dans l’enfance par l’amour inespéré d’un père de substitution, n’aura de cesse, son existence durant, d’en sublimer le magique héritage.

Alors, avec Ronnie, la magie devient poésie pure. Elle semble la projection transcendée d’un miracle d’émotions et de marques d’amour reçues dans l’enfance, et que l’homme s’entend à préserver des flétrissures qui viennent habituellement faire oublier aux adultes leurs rêves et leurs éblouissements d’enfants. Et si c’est bien cette poésie et cette pureté d’émotion qui émerveillent tant ses spectateurs, c’est aussi le doute quant au bien-fondé de leur sacrifice, motivé par l'ambition et le choix du matérialisme, qui continue longtemps à hanter Evie.

Cette histoire doucement triste, qui vient d'une très jolie façon nous rappeler combien souvent nos peurs et nos priorités matérielles nous font oublier le vrai sens de la vie, transforme presque en coup de coeur une lecture pourtant commencée dans l'ennui, et qu'il faut peut-être reparcourir une seconde fois pour en apprécier toute la profondeur. (4/5)


Citations :

Or qu’y a-t-il de plus extraordinaire : que les magiciens puissent transformer une chose en une autre, même faire disparaître et réapparaître les gens, ou que les gens puissent être présents un jour – ou, tellement présents – et plus le lendemain ? A tout jamais. Elle aurait pu dire ce genre de choses lors du déjeuner avec Georges, mais elle ne le fit pas. Et George aurait pu l’écouter et répondre : » Eh bien, Evie, voilà qui demande réflexion. » Toutes choses étant relatives.

Ecoute-moi, George, puisqu’on est là pour honorer la mémoire de ce vieux Jack, qu’y a-t-il de plus extraordinaire : que les acteurs se transforment en ces autres personnes – comment diable s’y prennent-ils ? - ou que les gens deviennent de toute façon ce qu’on n’aurait jamais pensé qu’ils puissent être ? Evie White. Danseuse de revue. Bête de scène. Toujours prête, au fond. Et même ancienne assistante d’un magicien. Mais, comme la suite le montra, femme d’affaires intraitable qui avait l’œil à tout.


 

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