Coup de coeur 💓
Titre : Si j'écris... #MoiAussi
Auteur : Maya R.
Parution : Chèvre-feuille étoilée (2021)
Pages : 118
Présentation de l'éditeur :
Pendant un an, entre 4 et 5 ans,
l’auteure de ce récit fut agressée sexuellement par un homme de son
entourage. Par peur, honte et sentiment de culpabilité, elle ne dit rien
à ses parents mais dessine, puis, très tôt, se confie à son journal
intime.
À l’époque où sur les
réseaux sociaux les témoignages ne cessent de se multiplier sous les
hashtags #MeToo, ainsi que les manifestes pour que la peur change de
camp, ce recueil de textes et de dessins apporte sa pierre à l’édifice.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née en 1957 à Paris. Maya R. a
vécu majoritairement en Algérie de 1958 à 1976, puis s’est installée en
France. Elle a poursuivi des études d’architecture à Paris UP1 et
Montpellier, où elle a obtenu son diplôme en 1986, tout en élevant sa
fille Émilie née en 1981. Elle a aussi suivi une licence d’art plastique
en 1979/1980 à l’université de Vincennes.
Femme de ménage, auxiliaire dans un hôpital psychiatrique, surveillante puis enseignante contractuelle de technologie dans des collèges pour financer ses études, elle a pu vivre la condition des sans-grades vulnérables face à leur hiérarchie.
Plus tard, architecte D.P.L.G., elle a exercé comme salariée puis indépendante à une époque ou les femmes étaient encore rares dans ce métier. Elle s’est formée tout au long de sa vie pour être respectée professionnellement et pour porter les valeurs écologiques auxquelles elle est attachée. Elle a pris sa retraite depuis janvier 2020.
Issue de deux parents artistes, elle écrit et dessine depuis son enfance.
Femme de ménage, auxiliaire dans un hôpital psychiatrique, surveillante puis enseignante contractuelle de technologie dans des collèges pour financer ses études, elle a pu vivre la condition des sans-grades vulnérables face à leur hiérarchie.
Plus tard, architecte D.P.L.G., elle a exercé comme salariée puis indépendante à une époque ou les femmes étaient encore rares dans ce métier. Elle s’est formée tout au long de sa vie pour être respectée professionnellement et pour porter les valeurs écologiques auxquelles elle est attachée. Elle a pris sa retraite depuis janvier 2020.
Issue de deux parents artistes, elle écrit et dessine depuis son enfance.
Abusée sexuellement un an durant, entre ses 4 et 5 ans, par un homme de son entourage, l’auteur a toujours conservé le silence, ne parvenant à s’exprimer que dans ses dessins et dans son journal intime. Désormais parvenue à la soixantaine, et après une vie à lutter contre la honte et le sentiment de culpabilité qui continuent à l’étreindre inexorablement, elle entreprend de rassembler ses dessins et ses écrits d’hier et d’aujourd’hui, pour nous livrer son témoignage. Il aura fallu pour cela que la vague #MoiAussi l’encourage à enfin oser prendre la parole.
Comment ne pas se sentir autant consterné qu’indigné, à la lecture de ce court, mais si touchant livre, d’abord par les agressions répétées, secrètement subies dans l’enfance par l’auteur, puis par le traumatisme porté silencieusement sa vie durant ? Pour la victime, la peine est double, et à perpétuité, puisqu’au choc des agressions viennent s’ajouter, d’une part l’impunité du coupable, d’autre part le poison d’une honte et d’un sentiment de culpabilité éternellement entretenus par le silence et l’indifférence. Il est ainsi grandement dérangeant de constater, que des signaux envoyés par l’enfant, puis par l’adulte qu’elle est devenue, personne n’a jamais eu cure. Il n’est pas jusqu’aux psys, consultés dans les années quatre-vingt, qui ne minimisèrent les faits et leur impact sur l’auteur, l’empêchant durablement dans son travail de reconstruction.
Comment ne pas se sentir autant consterné qu’indigné, à la lecture de ce court, mais si touchant livre, d’abord par les agressions répétées, secrètement subies dans l’enfance par l’auteur, puis par le traumatisme porté silencieusement sa vie durant ? Pour la victime, la peine est double, et à perpétuité, puisqu’au choc des agressions viennent s’ajouter, d’une part l’impunité du coupable, d’autre part le poison d’une honte et d’un sentiment de culpabilité éternellement entretenus par le silence et l’indifférence. Il est ainsi grandement dérangeant de constater, que des signaux envoyés par l’enfant, puis par l’adulte qu’elle est devenue, personne n’a jamais eu cure. Il n’est pas jusqu’aux psys, consultés dans les années quatre-vingt, qui ne minimisèrent les faits et leur impact sur l’auteur, l’empêchant durablement dans son travail de reconstruction.
Phase essentielle dans la résilience de l’auteur, ce témoignage est aussi un appel et un sincère plaidoyer, à l'ombre des écrits de Boris Cyrulnik : le sauvetage des victimes passe d’abord par la libération de leur parole. Il faut développer l’écoute, apprendre à détecter les signaux faibles, encourager l’expression des enfants abusés, notamment au travers de la création artistique. Malgré la gravité du sujet, les courts textes qui jalonnent le cheminement de l’auteur, les dessins qu’elle commente et décode, se parcourent avec une étonnante facilité. Exempts de pathos et de colère, ses mots sont le résultat d’une profonde maturation. Choisis avec le plus grand soin, ils impressionnent par leur profondeur et par ce délicat souci d’autrui que savent développer les personnes qui ont souffert.
Etape courageuse dans le parcours personnel de l’auteur, précieux éclairage pour mieux écouter et aider les enfants victimes de pédophilie, ce témoignage bouleversant ne laissera personne indifférent. Remarquablement rédigé, il bénéficie également d’une grande qualité d’impression qui met en valeur ses si parlantes illustrations. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Si le paradis sur terre est éphémère, l’enfer est une prison durable, quand il passe entre autres par la peur, la honte et le mépris de soi.
Je sais qui tu as épousé, je sais que tu l’as souvent battue. Plus tard, bien plus tard, je te plaindrai. Combien d’autres hommes te ressemblent ? Que vous a t-ton fait pour vous conduire à ressentir ce dégoût, ce rejet, vis-à-vis du plaisir féminin ? Peut-être représente-t-il une menace à vos yeux, car si vous n’arrivez pas à le satisfaire, vous craignez la honte de l’adultère ? Probablement, pour en arriver là, faut-il avoir souffert ou manquer totalement de confiance en soi. Quand on s’aime soi-même, quand on aime tout court, rien de l’autre ne peut devenir repoussant. Des gens heureux me l’ont dit. Sans l’avoir vérifié, je les crois.
On mystifie l’autre et on se fait mal quand on accepte une relation exempte d’attirance. Dans des domaines aussi délicats que la sexualité, chaque mot, chaque acte, selon leur niveau de sincérité, peut mener au paradis comme en enfer. La théorie est inutile, l’intuition et l’honnêteté sont les seuls recours possibles. Mais quand on est jeune, on l’ignore. Il faudrait aider les jeunes à attendre la lumière de l’amour.
Malgré tout, je ne me sentirai jamais normale. Des fantômes resteront toujours cachés dans mes oubliettes, de temps en temps, ils sortent la tête, ils grimacent. Au début, j’ai cru les avoir domptés, même si j’en ai occulté certains. En fait, c’est ma peur que j’ai apprivoisée. Elle reste sensible.
C’est une machine infernale, ce piège à honte. Il n’est même pas nécessaire de subir la brûlure du noir regard de l’autre, l’érythème de sa déception, ses aboiements de reproches. Il suffit de les imaginer. Les autres vivent-ils la même chose que moi ? Quand bien même l’indemne, le normal, s’abstiendrait de toute réaction, au moment où je l’imagine détenteur de mon secret, non seulement je revis mentalement les scènes passées comme si j’y étais toujours, mais en plus, j’ai une peur atroce d’être souillée par son mépris et son dégoût. La honte, telle un poison, se diffuse lentement, contaminant chacune de mes cellules. Progressivement, ma joie se dilue, mon assurance s’efface. L’effet toxique de ma crainte déforme chacune de mes pensées, chacune de mes paroles l’exhale, chacun de mes gestes le contient. A un stade avancé, le monstre, tel un alien, prend possession de moi, le miroir me renvoie une image méconnaissable, je me sens gauche et laide.
Je sais qui tu as épousé, je sais que tu l’as souvent battue. Plus tard, bien plus tard, je te plaindrai. Combien d’autres hommes te ressemblent ? Que vous a t-ton fait pour vous conduire à ressentir ce dégoût, ce rejet, vis-à-vis du plaisir féminin ? Peut-être représente-t-il une menace à vos yeux, car si vous n’arrivez pas à le satisfaire, vous craignez la honte de l’adultère ? Probablement, pour en arriver là, faut-il avoir souffert ou manquer totalement de confiance en soi. Quand on s’aime soi-même, quand on aime tout court, rien de l’autre ne peut devenir repoussant. Des gens heureux me l’ont dit. Sans l’avoir vérifié, je les crois.
On mystifie l’autre et on se fait mal quand on accepte une relation exempte d’attirance. Dans des domaines aussi délicats que la sexualité, chaque mot, chaque acte, selon leur niveau de sincérité, peut mener au paradis comme en enfer. La théorie est inutile, l’intuition et l’honnêteté sont les seuls recours possibles. Mais quand on est jeune, on l’ignore. Il faudrait aider les jeunes à attendre la lumière de l’amour.
Malgré tout, je ne me sentirai jamais normale. Des fantômes resteront toujours cachés dans mes oubliettes, de temps en temps, ils sortent la tête, ils grimacent. Au début, j’ai cru les avoir domptés, même si j’en ai occulté certains. En fait, c’est ma peur que j’ai apprivoisée. Elle reste sensible.
C’est une machine infernale, ce piège à honte. Il n’est même pas nécessaire de subir la brûlure du noir regard de l’autre, l’érythème de sa déception, ses aboiements de reproches. Il suffit de les imaginer. Les autres vivent-ils la même chose que moi ? Quand bien même l’indemne, le normal, s’abstiendrait de toute réaction, au moment où je l’imagine détenteur de mon secret, non seulement je revis mentalement les scènes passées comme si j’y étais toujours, mais en plus, j’ai une peur atroce d’être souillée par son mépris et son dégoût. La honte, telle un poison, se diffuse lentement, contaminant chacune de mes cellules. Progressivement, ma joie se dilue, mon assurance s’efface. L’effet toxique de ma crainte déforme chacune de mes pensées, chacune de mes paroles l’exhale, chacun de mes gestes le contient. A un stade avancé, le monstre, tel un alien, prend possession de moi, le miroir me renvoie une image méconnaissable, je me sens gauche et laide.
A cette honte, s’associe souvent la culpabilité. Comme beaucoup, j’ai pensé : « Je suis responsable d’avoir accepté. Si les autres voient le mal et pas moi, c’est que quelque chose en moi est profondément malsain. » On imagine rarement que le malsain, c’est justement celui qui voit le mal partout.
Pauvre, pauvre humanité, tu parcours les étoiles, mais tu ne réussis pas à régler les problèmes affectifs de tes membres sur la Terre.
Depuis le début de ce témoignage, je mesure l’importance et le poids des mots. D’abord les mots pour libérer, ensuite les mots pour comprendre, puis enfin, peut-être, les mots pour résoudre. Dire permet dans un premier temps d’espérer être entendu, reconnu, et surtout respecté. Dire est insuffisant si les mots se perdent, sont incompris, voire instrumentalisés.
Pauvre, pauvre humanité, tu parcours les étoiles, mais tu ne réussis pas à régler les problèmes affectifs de tes membres sur la Terre.
Depuis le début de ce témoignage, je mesure l’importance et le poids des mots. D’abord les mots pour libérer, ensuite les mots pour comprendre, puis enfin, peut-être, les mots pour résoudre. Dire permet dans un premier temps d’espérer être entendu, reconnu, et surtout respecté. Dire est insuffisant si les mots se perdent, sont incompris, voire instrumentalisés.
Bonjour,
RépondreSupprimerBeau billet, bien sûr d'actualité, mais touchant. Il révèle
que ce sujet n'est certes pas un épiphénomène mais surtout un grave problème qui existe depuis très - trop - longtemps...
Bonjour,
SupprimerMerci pour votre commentaire.
Un problème d'une ampleur longtemps insoupçonnée. On a d'autant plus mal au coeur en lisant ce livre que l'auteur enfant s'est exprimée à sa façon, sans être entendue. Puis plus tard, adulte, sans plus de résultat. Il faut cesser d'être sourd, aveugle et muet : les victimes ne peuvent "cicatriser" dans le silence et l'indifférence...