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Titre : Le vallon des lucioles (The Last Blue)
Auteur : Isla MORLEY
Traductrice : Emmanuelle ARONSON
Parution : en anglais en 2020 (Etats-Unis),
en français en 2021 (Seuil)
Pages : 480
Présentation de l'éditeur :
1937, Kentucky. Clay Havens et Ulys Massey, deux jeunes photographe
et journaliste, sont envoyés dans le cadre du New Deal réaliser un
reportage sur un coin reculé des Appalaches.
Dès leur arrivée, les habitants du village les mettent en garde sur une étrange famille qui vit au cœur de la forêt. Il n’en faut pas plus pour qu’ils partent à leur rencontre, dans l'espoir de trouver un sujet passionnant. Ce qu’ils découvrent va transformer à jamais la vie de Clay et stupéfier le pays entier. À travers l'objectif de son appareil, se dévoile une jeune femme splendide, Jubilee Buford, dont la peau teintée d’un bleu prononcé le fascine et le bouleverse.
Leur histoire sera émaillée de passion, de violence, de discorde dans une société américaine en proie au racisme et aux préjugés.
Inspiré par un fait réel, ce roman est une bouleversante histoire d'amour et un hymne à la différence.
Dès leur arrivée, les habitants du village les mettent en garde sur une étrange famille qui vit au cœur de la forêt. Il n’en faut pas plus pour qu’ils partent à leur rencontre, dans l'espoir de trouver un sujet passionnant. Ce qu’ils découvrent va transformer à jamais la vie de Clay et stupéfier le pays entier. À travers l'objectif de son appareil, se dévoile une jeune femme splendide, Jubilee Buford, dont la peau teintée d’un bleu prononcé le fascine et le bouleverse.
Leur histoire sera émaillée de passion, de violence, de discorde dans une société américaine en proie au racisme et aux préjugés.
Inspiré par un fait réel, ce roman est une bouleversante histoire d'amour et un hymne à la différence.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Isla Morley a grandi en Afrique du Sud puis s'est installée aux Etats-Unis où elle vit aujourd’hui. Son premier roman, Come Sunday, a obtenu le Janet Heidinger Prize, prestigieux prix littéraire féminin. Le Vallon des lucioles est son premier roman à paraître en France.
Avis :
En 1937, le journaliste Ulys Massey et le photographe Clay Havens parcourent le Kentucky à la recherche d’un sujet de reportage. Les habitants d’un village isolé des Appalaches leur signalent une famille à la peau bleue, discrètement installée au coeur de la forêt. Alléchés par le scoop, les deux hommes se retrouvent rapidement face à un dilemme : oseront-ils révéler au monde l’existence de ces gens, qui tentent tant bien que mal de se faire oublier pour échapper aux persécutions de leurs voisins ? Le cas de conscience dépasse bientôt Clay, tombé amoureux de la fille aînée Jubilee…
L’auteur s’est inspirée d’un fait réel pour imaginer cette histoire. A partir de 1800 et pendant près de deux cents ans en effet, une famille vivant en vase clos dans les collines du Kentucky s’est transmise, de génération en génération, le gêne de la méthémoglobinémie qui, par un défaut d’oxygénation du sang, bleuissait leur peau sans autre signe clinique. L’explication génétique et le remède ne furent trouvés que dans les années soixante, laissant dans l’intervalle ces hommes et femmes bleus dans une situation d’extrême isolement moral et social.
C’est ce dernier aspect du sujet, développé avec la même violence qui sévit alors largement contre les Noirs dans une Amérique raciste aux préjugés ancrés, qui constitue l’intérêt majeur du roman. La communauté villageoise réagit avec toute sa peur d’une différence inexpliquée et n’hésite pas à exprimer sa haine dans d’indicibles déchaînements. Ne reste à Jubilee et aux siens que la discrétion d’un effacement au sein d’une nature foisonnante, évoquée avec lyrisme, notamment au travers des prises de vue d’un photographe qui nous fait partager sa passion de l’image. Le récit est aussi l’occasion d’un embryon de réflexion sur le rôle des media et le droit à la discrétion. Dommage toutefois que la romance, si jolie soit-elle, vienne globalement trop s’imposer, volant quasiment la vedette aux thèmes de fond de ce livre, et les noyant dans un déluge de bons sentiments.
Le vallon des lucioles est au final une lecture agréable et prenante, sur un sujet original et intéressant, malheureusement traité sur un mode trop complaisamment romantique pour convaincre totalement. (3/5)
L’auteur s’est inspirée d’un fait réel pour imaginer cette histoire. A partir de 1800 et pendant près de deux cents ans en effet, une famille vivant en vase clos dans les collines du Kentucky s’est transmise, de génération en génération, le gêne de la méthémoglobinémie qui, par un défaut d’oxygénation du sang, bleuissait leur peau sans autre signe clinique. L’explication génétique et le remède ne furent trouvés que dans les années soixante, laissant dans l’intervalle ces hommes et femmes bleus dans une situation d’extrême isolement moral et social.
C’est ce dernier aspect du sujet, développé avec la même violence qui sévit alors largement contre les Noirs dans une Amérique raciste aux préjugés ancrés, qui constitue l’intérêt majeur du roman. La communauté villageoise réagit avec toute sa peur d’une différence inexpliquée et n’hésite pas à exprimer sa haine dans d’indicibles déchaînements. Ne reste à Jubilee et aux siens que la discrétion d’un effacement au sein d’une nature foisonnante, évoquée avec lyrisme, notamment au travers des prises de vue d’un photographe qui nous fait partager sa passion de l’image. Le récit est aussi l’occasion d’un embryon de réflexion sur le rôle des media et le droit à la discrétion. Dommage toutefois que la romance, si jolie soit-elle, vienne globalement trop s’imposer, volant quasiment la vedette aux thèmes de fond de ce livre, et les noyant dans un déluge de bons sentiments.
Le vallon des lucioles est au final une lecture agréable et prenante, sur un sujet original et intéressant, malheureusement traité sur un mode trop complaisamment romantique pour convaincre totalement. (3/5)
Citations :
- Les compagnies minières par ici ont lancé de vastes campagnes de recrutement dans le Sud pour embaucher des Noirs en leur offrant de les payer autant que les Blancs, et la main d’oeuvre n’a pas tardé à être moitié blanche, moitié noire. D’emblée ça paraît raisonnable, non ?
Havens devine où veut en venir Massey.
- Mais les mineurs blancs ne veulent rien avoir à faire avec les mineurs noirs.
- Exact ! S’exclame Massey. Ce qui signifie que l’enfer à côté des conditions dans lesquelles ils travaillent, c’est le paradis. Sans compter que les mineurs blancs ne vont jamais unir leurs forces aux mineurs noirs parce qu’ils ont trop peur que les Noirs ne leur prennent leur boulot. Et voilà : un syndicat faible et une grosse société qui se donne bonne conscience.
Toutes ces photographies représentent les sujets tels qu’ils semblent être, et non pas tels qu’ils sont. On croit toujours que la photographie ne ment pas mais c’est faux. Les photos ne montrent pas tout, elles omettent certains aspects, et ces omissions sont beaucoup plus sournoises que des mensonges intentionnels. (…)
Si j’étais un tant soit peu bon dans ce que je fais, on ne se dirait pas en voyant mon travail que le monde est effectivement tel qu’on le croit ; on prendrait conscience du peu de choses qu’on sait en vérité à son sujet. On s’interrogerait.
Malgré ce qu’on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs ; elles les étiolent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l’image elle-même, on néglige les moments qui ont mené jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu’on examine trop une photo, on oblitère – et plus vite que ça – les odeurs, les caresses, les battements de coeur.
Perdre quelqu’un, c’est comme être emporté par une crue, on manque de se noyer et on part à la dérive ; on ne choisit pas le moment où l’on retouche terre.
En les observant à présent, on pourrait penser que l’existence de ces gens n’était que pénible routine, du lever au coucher du soleil. Il n’y a aucune trace de sentiment sur leurs visages. Il était plus facile de les saisir montrant de l’affection à leurs mules plutôt que se laissant aller à une quelconque effusion les uns envers les autres. Les hommes ressemblent à des bêtes, uniquement faites pour récolter du charbon au fond d’une mine ou biner biner la terre ou se castagner, et les femmes affichent un masque mâtiné de graisse et d’inquiétude, leur regard se perdant au-delà de leurs enfants vers un futur qui n’arrive jamais assez vite. Si l’on se contente uniquement de ces photographies, seule la misère se dégage de cette époque : le goût de la terre, l’odeur de la sueur et le spectre des rêves perdus s’empilent tels des assiettes brisées. Un fardeau, voilà ce à quoi l’on songe lorsqu’on voit ces gens. Que peuvent-ils faire d’autre que porter un fardeau ?
Havens devine où veut en venir Massey.
- Mais les mineurs blancs ne veulent rien avoir à faire avec les mineurs noirs.
- Exact ! S’exclame Massey. Ce qui signifie que l’enfer à côté des conditions dans lesquelles ils travaillent, c’est le paradis. Sans compter que les mineurs blancs ne vont jamais unir leurs forces aux mineurs noirs parce qu’ils ont trop peur que les Noirs ne leur prennent leur boulot. Et voilà : un syndicat faible et une grosse société qui se donne bonne conscience.
Toutes ces photographies représentent les sujets tels qu’ils semblent être, et non pas tels qu’ils sont. On croit toujours que la photographie ne ment pas mais c’est faux. Les photos ne montrent pas tout, elles omettent certains aspects, et ces omissions sont beaucoup plus sournoises que des mensonges intentionnels. (…)
Si j’étais un tant soit peu bon dans ce que je fais, on ne se dirait pas en voyant mon travail que le monde est effectivement tel qu’on le croit ; on prendrait conscience du peu de choses qu’on sait en vérité à son sujet. On s’interrogerait.
Malgré ce qu’on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs ; elles les étiolent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l’image elle-même, on néglige les moments qui ont mené jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu’on examine trop une photo, on oblitère – et plus vite que ça – les odeurs, les caresses, les battements de coeur.
Perdre quelqu’un, c’est comme être emporté par une crue, on manque de se noyer et on part à la dérive ; on ne choisit pas le moment où l’on retouche terre.
En les observant à présent, on pourrait penser que l’existence de ces gens n’était que pénible routine, du lever au coucher du soleil. Il n’y a aucune trace de sentiment sur leurs visages. Il était plus facile de les saisir montrant de l’affection à leurs mules plutôt que se laissant aller à une quelconque effusion les uns envers les autres. Les hommes ressemblent à des bêtes, uniquement faites pour récolter du charbon au fond d’une mine ou biner biner la terre ou se castagner, et les femmes affichent un masque mâtiné de graisse et d’inquiétude, leur regard se perdant au-delà de leurs enfants vers un futur qui n’arrive jamais assez vite. Si l’on se contente uniquement de ces photographies, seule la misère se dégage de cette époque : le goût de la terre, l’odeur de la sueur et le spectre des rêves perdus s’empilent tels des assiettes brisées. Un fardeau, voilà ce à quoi l’on songe lorsqu’on voit ces gens. Que peuvent-ils faire d’autre que porter un fardeau ?
Belle chronique. Rapide et efficace. Mon ressenti est diablement voisin.
RépondreSupprimerNos avis convergent en effet :)
SupprimerMerci de votre visite et de votre gentil message.