lundi 15 avril 2019

[Zukerman, David] San Perdido






Coup de coeur 💓💓

Titre : San Perdido

Auteur : David ZUKERMAN

Editeur : Calmann Levy

Parution : 2019

Pages : 450








Présentation de l'éditeur :   

Qu’est-ce qu’un héros, sinon un homme qui réalise un jour les rêves secrets de tout un peuple ? 
Un matin de printemps, dans la décharge à ciel ouvert  de San Perdido, petite ville côtière du Panama aussi  impitoyable que colorée, apparaît un enfant noir  aux yeux bleus. Un orphelin muet qui n’a pour seul talent  apparent qu’une force singulière dans les mains.
Il va pourtant survivre et devenir une légende. Venu de nulle  part, cet enfant mystérieux au regard magnétique endossera  le rôle de justicier silencieux au service des femmes  et des opprimés et deviendra le héros d’une population  jusque-là oubliée de Dieu.

 

 

Avis :

Coincé entre la jungle panaméenne et la mer des Caraïbes, San Perdido porte bien son nom. Dans ce lieu de perdition des années cinquante, où l’on dit que chaque jour naissent un tortionnaire et sa future victime, se côtoient deux mondes : en bas, autour du port où le commerce le plus florissant est celui des charmes féminins, et aussi près de la vaste décharge où la vieille Felicia et tant d’autres viennent glaner leur pitance, sévissent la misère et l’exploitation humaine. Les salaires des dockers n’ont ainsi augmenté que de dix centimes de l’heure en trente ans. Sur les hauteurs se perchent les belles demeures, surplombées par le palais du gouverneur de la ville, où règne une forte promiscuité entre argent, vice, crime et corruption. S’y répand d’ailleurs une variété criminelle de la « fièvre jaune », qui frappe spécialement les dirigeants politiques, à la longévité étrangement courte…

Alors que rien ne semble pouvoir alléger un jour la condition d’en-bas ni contrecarrer les malversations d’en-haut, se développe à San Perdido une curieuse légende, teintée de mystère et d’espoir : celle d’un descendant des cimarrons, ces esclaves noirs en fuite qui, jusqu’à l’abolition de l’esclavage au 19e siècle, vivaient retranchés dans la jungle et harcelaient les colonies espagnoles. Et si cet homme avait le pouvoir de redresser certains torts ?

Dans une ambiance colorée au rendu très visuel, se déploie un récit captivant et rythmé, où la magie de la légende vient rendre plus supportable le quotidien des pauvres gens de San Perdido, leur faisant retrouver espoir et dignité.
Qu’est-ce qu’un héros sinon un homme qui réalise un jour le rêve secret de tout un peuple ? L’on se prend à croire à celui-là, à cet homme discret et imperturbable qui combat silencieusement et implacablement l’injustice. Il est entouré d’une galerie de personnages attachants, qui accompagnent le lecteur tout au long de l’intrigue, rendue crédible par l’authenticité des décors et la touchante humanité de ses protagonistes. Les expressions hispaniques, pour la plupart des insultes se passant de traduction, apportent quant à elles une touche de vie locale vraie et pimentée. 

Cette histoire envoûtante m’a emportée dès les premiers mots pour ne plus me lâcher avant son point final. Grand coup de coeur pour ce pittoresque voyage en Amérique latine, où le vert émeraude de la jungle et le bleu turquoise de la mer des Caraïbes cachent un dangereux combat entre l’ombre et la lumière. (5/5)

 

Citation :

Bientôt les touristes enfouissent le nez dans leur mouchoir et plissent les yeux de dégoût. Devant eux s’étend la décharge publique qui coupe San Perdido en deux, comme une plaie humide et purulente. On dit que les pauvres l’ont placée là pour ne pas sentir la mauvaise odeur des riches qui vivent au-dessus d’eux.

 

Le coin des curieux :

Au 16e siècle, le Panama comportait deux principales colonies espagnoles : les ports de Nombre de Dios sur la côte caraïbe et de Panama sur la côte pacifique, séparés par une jungle coupée uniquement de hautes montagnes. Cette zone hostile et peu accessible était le refuge de groupes armés composés d’esclaves noirs en fuite, appelés cimarrons (de « cima » [cime] et « marron »).  

Ces colonies de Noirs libres, appelées palenques, existaient dans de nombreux endroits de l’Amérique hispanique, où elles étaient une menace et une inquiétude pour les Espagnols qu’elles venaient régulièrement attaquer. 

C’est au Panama que les cimarrons furent les plus nombreux et acquirent le plus de pouvoir, s’alliant notamment avec les pirates français et anglais, comme Drake. Les plus grands conflits eurent lieu de 1549 à 1582, date à laquelle un accord de paix reconnaissant la liberté des cimarrons mit fin à leur mouvement organisé au Panama. La résistance des esclaves et des cimarrons continua néanmoins durant toute la période coloniale et ne disparut définitivement qu’avec l’abolition de l’esclavage au 19e siècle
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