samedi 6 avril 2019

[Lynch, Paul] Grace





 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Grace

Auteur : Paul LYNCH

Traducteur : Marina BORASO

Parution : 2017 en anglais, 2019 en français

Editeur : Albin Michel

Pages : 496






 

 

Présentation de l'éditeur :   

Irlande, 1845. Par un froid matin d’octobre, alors que la Grande Famine ravage le pays, la jeune Grace est envoyée sur les routes par sa mère pour tenter de trouver du travail et survivre. En quittant son village de Blackmountain camouflée dans des vêtements d’homme, et accompagnée de son petit frère qui la rejoint en secret, l’adolescente entreprend un véritable périple, du Donegal à Limerick, au cœur d’un paysage apocalyptique. Celui d’une terre où chaque être humain est prêt à tuer pour une miette de pain.
Après Un ciel rouge, le matin et La Neige noire, le nouveau roman de Paul Lynch, porté par un magnifique personnage féminin, possède une incroyable beauté lyrique. Son écriture incandescente donne à ce voyage hallucinatoire la dimension d’une odyssée vers la lumière.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Paul Lynch est né en 1977 dans le Donegal et vit aujourd'hui à Dublin. Son premier roman, Un ciel rouge, le matin (Albin Michel, 2014), a été unanimement salué par la presse comme une révélation et finaliste du Prix du Meilleur Livre étranger. A suivi La Neige noire (Albin Michel, 2015), récompensé par le Prix Libr’à Nous et largement plébiscité par les lecteurs.

 

 

Avis :

1845 en Irlande. Le mildiou anéantit la culture de pommes de terre, base de l’alimentation des paysans. Une terrible vague de famine déferle sur le pays jusqu’en 1852, jetant hors de chez eux des millions de pauvres gens et réduisant la population d’un quart, par l’effet conjugué de l’émigration et des décès.
Lorsque la catastrophe survient, Grace vit déjà très pauvrement avec sa mère et ses petits frères. Ils ne mangent guère à leur faim, et seul le droit de cuissage qu’exerce le propriétaire sur leur mère leur permet de garder leur maison. Quand l’homme se met à lorgner Grace, la mère décide de protéger sa fille en la faisant partir, travestie en garçon. Jetée sur les routes sans ressources, Grace commence une longue errance, en compagnie de son petit frère Colly qui, de diverses façons, la soutiendra indéfectiblement tout au long de leur interminable périple.

Dans des paysages frappés de désolation, Grace va se mêler aux hordes errantes de mendiants, de brigands et d’assassins, et, de son regard d’enfant bien vite devenu femme, découvrir le climat apocalyptique d’une Irlande ravagée par la faim, peuplée de pauvres hères réduits aux pires extrémités pour survivre. Les pas de Grace vont bel et bien lui faire traverser ce qui ressemble à l’Enfer, jusqu’au bout de l’innommable, là où vous ne pourrez plus lire sans frémir d’horreur.
Pourtant, au plus profond du désespoir, au bord de la folie et de l’anéantissement, subsiste chez Grace l’instinct de vie, une capacité à se réfugier dans une autre réalité et à se raccrocher aux plus infimes lambeaux d’humanité.

Aucun récit de la Grande Famine irlandaise ne m’avait fait sombré aussi près de l’atroce réalité. Je referme ce livre avec une sensation prégnante de cauchemar, un peu celle ressentie devant un tableau de Jérôme Bosch. Si cette traversée de l’Enfer m’a parfois semblé un peu longue, elle constitue un très bel hommage à toutes les victimes anonymes et oubliées de cet épisode meurtrier de l’Histoire. (4/5)

 

 

Citations :

Elle oriente le miroir vers sa mère qui sort de la maison avec son châle rouge, et quand elle le jette sur ses épaules, on dirait un pêcheur prenant dans son filet toute la lumière du jour.

Comment les choses ont-elles pu tourner ainsi ? Sa vie semblable à une pierre projetée au loin par une main étrangère.

Un sextuor de pivoines en bouquet près d’une riche demeure, et voilà qu’elles s’écartent pour révéler la septième. Elles ont d’abord comme un air de dédain au spectacle des humbles créatures qui défilent devant elles, et puis elles s’avancent avec un petit balancement approbateur et s’inclinent par-dessus le fatras pourrissant de la palissade, qui pousserait un soupir si elle avait le moyen de s’exprimer.

Les feuilles tremblent doucement. Elles se défont peu à peu de leur lumière, l’abandonnent à la nuit en chuchotant leur détresse, et demain tout recommencera. 

 

 

Le coin des curieux :

La Grande Famine survint en Irlande entre 1845 et 1852, lorsque le mildiou venu du continent anéantit la culture de la pomme de terre, alors aliment de base des paysans, c’est-à-dire de la grande majorité de la population. 
Cette monoculture était la conséquence d’une loi répressive instituée par Cromwell en 1649 après la révolte des catholiques irlandais : interdisant le droit d’aînesse lors de la transmission des terres détenues par les catholiques, elle émietta et fragilisa les exploitations qui se concentrèrent alors sur la culture de la pomme de terre, nourrissante et peu gourmande en espace. Nombre des paysans irlandais n’étaient d’ailleurs pas propriétaires de leurs terres et payaient un loyer à un landlord britannique et protestant.

Face à la famine, le gouvernement britannique ne prit aucune mesure : les ports irlandais continuèrent à exporter des denrées alimentaires, au profit des landlords et des négociants dont l’armée protégea les convois pour l’Angleterre. On vit des landlords expulser leurs métayers incapables de payer leur loyer. L’armée britannique ne partagea pas ses réserves alimentaires, alors parmi les plus importantes d’Europe. L’Angleterre tenta même de bloquer l’arrivée de bateaux de vivres envoyés par le sultan ottoman.


La Grande Famine fit un million de victimes et provoqua l’émigration de près de deux millions d’Irlandais, ce qui eut pour effet de réduire d’un quart la population du pays.
Elle entraîna le déclin de la langue gaélique, symbole de la résistance irlandaise que les Britanniques ne parvenaient pas à éradiquer : jusqu’alors parlée par 90% de la population, elle tomba à 20% en 1860. Aujourd’hui, elle n’est plus parlée dans la vie courante que par 2% des Irlandais.


Une autre conséquence fut une exacerbation du nationalisme irlandais, au travers du mouvement révolutionnaire et nationaliste Jeune Irlande, actif au milieu du XIXe siècle.

 

 

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