lundi 1 avril 2024

[Sizun, Marie] 10, villa Gagliardini

 




J'ai beaucoup aimé

 

Titre : 10, villa Gagliardini

Auteur : Marie SIZUN

Parution : 2024 (Arléa)

Pages : 234

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

C’est au 10, villa Gagliardini que Marie Sizun a décidé de retourner. Un voyage tout intérieur, vers le lieu des premières années, qui enferme pour toujours le mystère des débuts. C’est là qu’elle grandira. L’appartement est un refuge, une île merveilleuse où, malgré les difficultés financières et familiales, la petite vivra dans un monde de fantaisie et de joie. Puis la porte s’entrouvre sur le monde : l’école, les amies, la découverte du cinéma et de la littérature. Les jalons sont posés, qui deviendront l’oeuvre à venir. Mais plus que le récit d’une enfance, c’est surtout l’histoire d’un combat pour trouver sa place.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Marie Sizun est née en 1940. Elle a été professeur de lettres en France puis en Allemagne et en Belgique. Elle vit à Paris depuis 2001 mais revient régulièrement en Bretagne où elle aime écrire.
En 2008 elle a reçu le grand Prix littéraire des Lectrices de ELLE, et celui du Télégramme, pour La femme de l'Allemand ; en 2013 le Prix des Bibliothèques pour Tous ainsi que le Prix Exbrayat, pour Un léger déplacement ; en 2017 le Prix Bretagne pour La Gouvernante suédoise.

 

 

Avis :

Entrée définitivement en littérature à l’âge de la retraite, Marie Sizun a mis beaucoup de son enfance dans ses romans, évoquant son père dans « Le père de la petite » ou le quartier de ses jeunes années dans « Eclats d’enfance ». Jamais encore elle n’était parvenue à évoquer l’appartement et l’intimité familiale d’autrefois : « cet endroit d’amour, de solitude et d’effroi » que, tant d’années après, elle revisite enfin dans un récit cette fois à la première personne, tout en tendresse et émotion.

C’est un minuscule appartement au papier gris – une pièce, une cuisine et pas de salle de bains – au deuxième étage d’un immeuble de briques rouges, dans le XXe arrondissement de Paris. En ces années 1940, son père prisonnier en Allemagne, la très jeune Marie y vit seule avec « maman », en une fusion faite de rires et de fantaisie qui relègue le monde au-delà de la fenêtre. Lorsque, à ses quatre ans et demi, cet inconnu autoritaire qu’est son père revient, l’enfant vit un « séisme », une « éclipse » dont elle se réjouira qu’elle ne dure que deux ans avant que la vie d’avant ne reprenne son cours, cette fois avec en plus un petit frère et l’ombre nouvelle de la mélancolie maternelle. Après le divorce de ses parents, Marie prend de plus en plus d’ascendant à la maison, multipliant les initiatives – plus ou moins heureuses – avec le petit frère et bientôt la petite sœur née de choux inconnus, pendant que, ancienne dessinatrice de mode, leur mère s’efforce de joindre les deux bouts comme vendeuse dans un grand magasin. La relation mère-fille finira même par s’inverser, la mère épuisée cachant sous son exubérance une si grande fragilité qu’elle la mènera un temps jusqu’à Sainte-Anne.

Avec une infinie douceur éloignant toute trace d’amertume ou de misérabilisme, l’élégante et pudique plume de Maria Sizun ausculte l’éveil de l’enfant qu’elle a été, racontant « l’histoire d’un devenir », le cheminement d’une jeune âme qui, face aux difficultés des siens, se découvre l’envie farouche de lutter contre le déclassement social, cruellement ressenti dans sa confrontation à l’extérieur du cocon familial, en particulier à l’école. De ces premières expériences, de l’intime vers l’ouverture au monde, la personnalité de Maria Sizun sortira à jamais transformée. Elles seront le tremplin vers une autre vie, vers une œuvre littéraire aussi, avec pour socle la mémoire d’un îlot de fantaisie, d’une bulle de bonheur engendrée en marge des contingences sociales par l’exubérance libre et joyeuse de sa mère.

Entre lucidité et tendresse, Marie Sizun nous offre un récit enchanté, vibrant d’amour autant filial que maternel, tout entier investi dans ces murs qui, eux non plus, n’ont presque pas bougé avec le temps, au 10 villa Gagliardini. Un amour irréductible, indifférent aux contingences sociales, qui a donné à l’auteur la force de devenir la femme et l’écrivain qu’elle est aujourd’hui, et qui touche le lecteur droit au coeur. (4/5)


 

Citations :

Qu’avait donc de particulier cet appartement, si petit, si gris, si inconfortable, pour nous charmer à ce point l’un et l’autre ? Rien sans doute, sinon son parfum de liberté et de tendresse.
 
Je refermai la fenêtre. Je partis en claquant la porte derrière moi. Et j’eus le sentiment que je laissais là, dans l’appartement, un monde, notre monde, le souvenir inoubliable de ce que nous avions été dans ce petit espace, les uns pour les autres, et que plus jamais nous ne retrouverions. Quelque chose qui était au-delà de la maladie et de la mort, au-delà de la vie à venir, et qui nous soudait à jamais.


 

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