lundi 12 juillet 2021

[Grann, David] The White Darkness

 



Coup de coeur 💓

 

Titre : The White Darkness

Auteur : David GRANN

Traducteur : Johan-Frédérik HEL GUEDJ

Parution : 2018 en anglais (Etats-Unis)
                   2021 en français
                   (Editions du Sous-Sol)

Pages : 160

 

  

 

 

 

 

PrĂ©sentation de l'Ă©diteur : 

Comme souvent dans les récits de David Grann, un homme est dévoré par son idéal.
Ce personnage d’un autre temps sorti tout droit d’un film de Werner Herzog, se nomme Henry Worsley. The White Darkness raconte son extraordinaire histoire. Celle d’un militaire britannique fascinĂ© par l’exemple d’Ernest Shackleton (1874-1922) et par ses expĂ©ditions polaires ; un homme excentrique, gĂ©nĂ©reux, d’une volontĂ© exceptionnelle, qui rĂ©ussira ce que Shackleton avait ratĂ© un siĂšcle plus tĂŽt : relier Ă  pied une extrĂ©mitĂ© du continent Ă  l’autre. Une fois Ă  la retraite, il tentera d’aller encore plus loin en traversant l’Antarctique seul, sans assistance.
Il abandonne tout prĂšs du but, dans un Ă©tat de santĂ© tel qu’il meurt quelques heures aprĂšs son sauvetage. Édifiant destin d’un homme perdu par une quĂȘte d’impossible, qui n’est pas sans rappeler Percy Fawcett, autre explorateur guidĂ© par une obsession, dont David Grann avait contĂ© l’histoire dans La CitĂ© perdue de Z.
“Tout le monde a son Antarctique”, a Ă©crit Thomas Pynchon, rien n’est moins vrai dans ce rĂ©cit magnifique qu’on ne peut lĂącher avant de l’avoir accompagnĂ© jusqu’à son terme.

 

Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :

Né en 1967 à New York, il débute sa carrière de journaliste au Mexique puis collabore à plusieurs journaux, parmi lesquels le New York Times Magazine et le Washington Post. Ancien rédacteur en chef de The New Republic et The Hill, David Grann est depuis 2003 journaliste au New Yorker. Salué par ses pairs, il fut finaliste du prestigieux National Magazine Awards en 2010. En France, La Cité perdue de Z. (2010) a paru aux éditions Robert Laffont. Les éditions Allia, qui comptent déjà à leur catalogue Un crime parfait (2009), Le Caméléon (2009) et Trial by Fire (2010), ont publié en janvier 2013 Chronique d’un meurtre annoncĂ©.

 

 

Avis :

En 2015, Henry Worsley, ancien officier de l’armĂ©e britannique, entreprend Ă  cinquante-cinq ans la traversĂ©e pĂ©destre de l’Antarctique, en solitaire et sans assistance. Ce n’est pas sa premiĂšre expĂ©dition polaire, puisque, depuis toujours fascinĂ© par Ernest Shackleton, il avait dĂ©jĂ  reliĂ© Ă  pied les deux extrĂ©mitĂ©s du continent, en Ă©quipe, menant Ă  bien ce que son prĂ©dĂ©cesseur n’avait pu terminer cent ans plus tĂŽt. RĂ©ussira-t-il ce nouvel exploit que les plus grands spĂ©cialistes jugent inouĂŻ ?

A pied, sans ravitaillement en cours de route, sans chiens ni voile pour l’aider Ă  tirer son traĂźneau sur les plus de mille six cents kilomĂštres de son pĂ©riple, Henry Worsley part pour ce qu’il estime quatre-vingts jours d’épreuves, au travers d’un dĂ©sert oĂč les tempĂ©ratures peuvent atteindre moins soixante degrĂ©s, les vents trois cent vingt kilomĂštres Ă  l’heure, et oĂč l’altitude moyenne de deux mille trois cents mĂštres s’accompagne de dĂ©nivelĂ©s abrupts parsemĂ©s de dangereuses et traĂźtresses crevasses. Y sĂ©vissent de terrifiants Ă©pisodes de whiteout, lorsque l’absence totale de visibilitĂ© dans un univers uniformĂ©ment blanc fait perdre tout repĂšre et jusqu’au sens-mĂȘme de lâ€˜Ă©quilibre. Survivre dans un tel environnement exige une condition physique, un mental et des capacitĂ©s hors normes. Ce dont notre homme dispose comme personne

 
AccompagnĂ© d'apprĂ©ciables photographies, le rĂ©cit embraye directement au plus profond de l’aventure, instituant dĂšs le dĂ©but une tension qui ne va pas lĂącher le lecteur. Henry Worsley est parvenu aux trois quarts de son trajet et, Ă©puisĂ©, il doute. Doit-il s’entĂȘter ou rester fidĂšle Ă  cette phrase qui a sauvĂ© son cher Shackleton plusieurs fois : “Mieux vaut un Ăąne vivant qu’un lion mort” ? La rĂ©ponse attendra la fin du livre, le temps d’un arrĂȘt sur image et d’un long flash-back, qui vont nous permettre de comprendre l’obsession d’Henry pour son hĂ©ros, l’influence de ce dernier sur toute sa vie et sa carriĂšre, et son inextinguible besoin de dĂ©passement de soi. Ce sont ainsi deux fascinants aventuriers, sĂ©parĂ©s d’un siĂšcle, que le rĂ©cit nous fait rencontrer, dans une narration fascinante qui fait la part belle Ă  leurs extraordinaires personnalitĂ©s, autant qu’aux incroyables rebonds de leurs destins. PlongĂ© depuis son fauteuil dans l’aventure la plus extrĂȘme, la plus dĂ©paysante et souvent la plus Ă©tonnante, le lecteur captivĂ© en prend plein les yeux. Il ne peut que frĂ©mir face au niveau d’engagement de ces hommes, constamment Ă  la limite du point de rupture, et que leurs incursions rĂ©pĂ©tĂ©es dans la zone rouge du danger exposent Ă  l’inĂ©luctable.

Les ultimes rebondissements du pĂ©riple d’Henry Worsley ne seront finalement pas ceux auxquels, ni lui-mĂȘme, ni le lecteur, pouvaient s’attendre. AprĂšs la trĂ©pidation et les sensations de l’aventure par procuration, ce dernier n’échappera pas Ă  l’émotion et restera songeur face Ă  la puissance de certains destins. Coup de coeur. (5/5)

 

Citations : 

Le succĂšs n’est pas une finalitĂ©, l’échec n’est pas une fatalitĂ© : c’est le courage de continuer qui compte.

Quatre ans plus tard, prenant son premier commandement, il commença Ă  mettre sur pied l’expĂ©dition Nimrod. Cette fois, ses trois compagnons et lui arrivĂšrent plus prĂšs du pĂŽle Sud que quiconque avant eux : quatre-vingt-dix-sept milles marins. (Le mille marin, utilisĂ© en navigation polaire, Ă©quivaut Ă  1 852 mĂštres.) Pourtant, inquiet du bien-ĂȘtre de ses hommes, Shackleton battit Ă  nouveau en retraite. AprĂšs son retour en Angleterre, il ne discuta pas de son Ă©chec avec son Ă©pouse, Emily, mais lui glissa : “Un Ăąne vivant vaut mieux qu’un lion mort, n’est-ce pas ?
– Oui, mon chĂ©ri, c’est aussi mon avis”, lui rĂ©pondit-elle.

Le 18 janvier 1915, Ă  moins de cent cinquante kilomĂštres du camp de base, l’Endurance se trouva prise dans la mer de glace – figĂ©e, selon la formule de l’un des hommes, “comme une amande au milieu d’une barre de chocolat”. La banquise flottante dĂ©rivait au large, emportant l’Endurance avec elle, et fin fĂ©vrier, avec le dĂ©but de l’hiver, Shackleton comprit que son Ă©quipage et lui-mĂȘme resteraient emprisonnĂ©s Ă  bord de leur navire enserrĂ© dans les glaces jusqu’à la fonte de novembre.
 
Ils restĂšrent plusieurs mois pris au piĂšge sous des tentes sur leur Ăźle de glace qu’ils baptisĂšrent “Patience Camp”. Frank Worsley se demandait “pourquoi les gens avaient toujours reprĂ©sentĂ© l’enfer comme un endroit oĂč il fait chaud” et non comme un royaume aussi “froid que la glace qui semble devoir devenir notre tombeau”.

Ainsi que le remarqua l’historien Max Jones dans son livre The Last Great Quest (“la derniĂšre grande quĂȘte”) paru en 2003, les hĂ©ros sont un reflet des sociĂ©tĂ©s qui les admirent.
 
Plus il Ă©tudiait l’Antarctique, plus elle lui semblait redoutable. Le continent s’étend sur prĂšs de quatorze millions de kilomĂštres carrĂ©s – davantage que l’Europe â€“ et l’hiver, quand ses eaux littorales gĂšlent, il double de taille. Approximativement quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’Antarctique sont couverts d’une calotte glaciaire qui se soulĂšve, s’abaisse et se plisse suivant une topographie trĂšs changeante. Cette calotte Ă©paisse par endroits de cinq mille mĂštres contient Ă  peu prĂšs soixante-dix pour cent de l’eau douce et quatre-vingt-dix pour cent de la glace de la Terre.
Pourtant, Ă  cause de trĂšs faibles niveaux de prĂ©cipitations, l’Antarctique entre dans la catĂ©gorie des dĂ©serts. C’est Ă  la fois le continent le plus sec et le plus haut, avec une Ă©lĂ©vation moyenne de deux mille trois cents mĂštres. C’est aussi le plus venteux, avec des rafales de vent atteignant trois cent vingt kilomĂštres Ă  l’heure, et le plus froid, avec des tempĂ©ratures qui chutent dans l’intĂ©rieur des terres Ă  moins soixante degrĂ©s. (Des scientifiques se sont servis de l’Antarctique pour tester des combinaisons spĂ©ciales destinĂ©es Ă  l’exploration de Mars, oĂč la tempĂ©rature moyenne est de moins cinquante-cinq degrĂ©s.)Plus il Ă©tudiait l’Antarctique, plus elle lui semblait redoutable. Le continent s’étend sur prĂšs de quatorze millions de kilomĂštres carrĂ©s – davantage que l’Europe â€“ et l’hiver, quand ses eaux littorales gĂšlent, il double de taille. Approximativement quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’Antarctique sont couverts d’une calotte glaciaire qui se soulĂšve, s’abaisse et se plisse suivant une topographie trĂšs changeante. Cette calotte Ă©paisse par endroits de cinq mille mĂštres contient Ă  peu prĂšs soixante-dix pour cent de l’eau douce et quatre-vingt-dix pour cent de la glace de la Terre.

Devant la station de recherche, une tige de mĂ©tal Ă©tincelant surgie de la glace Ă  hauteur de la taille Ă©tait surmontĂ©e d’un sextant en laiton. Les scientifiques de la base s’en servaient comme marqueur du pĂŽle Sud – l’endroit oĂč convergent toutes les lignes de longitude et oĂč la Terre ne tourne pas. Cette tige Ă©tant plantĂ©e dans une calotte glaciaire mouvante, elle devait ĂȘtre repositionnĂ©e tous les ans de quelques dizaines de centimĂštres, afin de coĂŻncider avec l’emplacement prĂ©cis du pĂŽle.

Il estimait qu’il lui faudrait trois semaines pour achever le reste de son pĂ©riple, et il espĂ©rait que le plus dur Ă©tait derriĂšre lui. Dans son journal, il avait Ă©crit : “Prions simplement que la route vers le nord soit beaucoup plus facile.” Pourtant, sur les pentes du dĂŽme Titan, il trouva l’ascension “mortelle”. Il avait perdu plus de dix-huit kilos et ses vĂȘtements sales lui pesaient. “Toujours trĂšs faible – les jambes comme des allumettes et les bras maigrichons”, notait-il dans son journal. Il avait les yeux creusĂ©s, ourlĂ©s de cernes. Ses doigts Ă©taient engourdis. Ses tendons d’Achille Ă©taient enflĂ©s. Ses hanches Ă©taient marbrĂ©es de contusions, Ă©raflĂ©es par les secousses du harnais. Il s’était cassĂ© une incisive en mordant dans une barre de protĂ©ine gelĂ©e et il avait plaisantĂ© avec l’opĂ©rateur d’ALE sur son allure de pirate. L’altitude lui provoquait des Ă©tourdissements et il avait des hĂ©morroĂŻdes sanglantes.

 

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