mercredi 18 mars 2020

[Haushofer, Marlen] Le mur invisible





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le mur invisible (Die Wand)

Auteur : Marlen HAUSHOFER

Traductrices : Liselotte BODO,
                      Jacqueline CHAMBON

Parution : en allemand (Autriche) en 1963,
                en français en 1985 chez Actes Sud 

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Voici le roman le plus célèbre et le plus émouvant de Marlen Haushofer, journal de bord d'une femme ordinaire, confrontée à une expérience - limite. Après une catastrophe planétaire, l'héroïne se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s'être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers, prend en main son destin dans un combat quotidien contre la forêt, les intempéries et la maladie. Et ce qui aurait pu être un simple exercice de style sur un thème à la mode prend dès lors la dimension d'une aventure bouleversante où le labeur, la solitude et la peur constituent les conditions de l'expérience humaine.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Après des études de philologie allemande à Vienne, Marlen Haushofer (1920-70) se marie et élève deux enfants. Tiraillée entre ses devoirs de mère au foyer et ses ambitions littéraires, elle est obligée d'écrire son oeuvre tôt le matin ou la nuit. C'est à partir de 1946 qu'elle publie ses premiers contes dans des journaux ; suivront ensuite des nouvelles et des romans. Son oeuvre, dont la plupart des protagonistes sont des femmes, est marquée par l'intrusion de troublantes fantasmagories dans la banalité du quotidien. Avec Le Mur invisible (1963), son talent est enfin reconnu dans son pays mais elle disparaît déjà en 1970, à 50 ans. Plus tard, ce sont les féministes qui ont révélé son travail au grand public. Désormais, elle fait partie de ces femmes-écrivains dont les héroïnes sont inoubliables.

 

 

Avis :

Alors qu’elle séjourne dans un chalet isolé en forêt alpine, la narratrice se retrouve coupée du monde par la brusque apparition d’un mur de verre, au-delà duquel toute vie semble avoir disparu. Tout en explorant la vaste zone giboyeuse de son côté du mur, elle tâche d’organiser sa survie, avec pour seule compagnie quelques animaux domestiques.

Le récit n’apportera jamais d’explication sur ce mur et cette apocalypse soudaine : ils ne sont que les prétextes quasi symboliques d’une robinsonnade et d’une réflexion sur la condition humaine. Brutalement ramenée à ses besoins les plus fondamentaux, contrainte à un rude investissement physique pour assurer une survie assujettie à la nature, au rythme des saisons et à l’exploitation durable et raisonnée de ses ressources environnementales, cette femme va vite découvrir un nouvel ordre du monde, à des lieux de ses anciennes préoccupations désormais bien dérisoires, et où elle va expérimenter une forme de bonheur et d’harmonie inédits pour elle.

S’insurgeant contre l’orgueil de l’homme si sûr de sa prééminence sur terre et de son importance individuelle, Marlen Haushofer évoque notre vulnérabilité et notre finitude, questionnant nos choix et le véritable sens de la vie. Loin des artifices et de la fuite en avant de la société actuelle, débarrassée des perpétuelles insatisfactions égoïstes de ses semblables, notre survivante apprend à vivre pleinement le moment présent, à trouver la paix de l’esprit dans l’amour des créatures qui l’entourent et dans l’humble conscience de faire partie d’un tout.

Intriguée par le début étrange de cette histoire, parfois étreinte d’un sentiment de longueur mais portée par l’écriture fluide et agréable, je referme ce livre troublée par cette désillusion si désespérée qu’elle aboutit à la préférence de la solitude et de l’amour des bêtes, au pénible commerce des hommes. Tout l’esprit du livre me semble contenu dans cette citation :


Les choses arrivent tout simplement et, comme des millions d’hommes avant moi, je cherche à leur trouver un sens parce que mon orgueil ne veut pas admettre que le sens d’un événement est tout entier dans cet événement. Aucun coléoptère que j’écrase sans y prendre garde ne verra dans cet événement fâcheux pour lui une secrète relation de portée universelle. Il était simplement sous mon pied au moment où je l’ai écrasé : un bien-être dans la lumière, une courte douleur aiguë et puis plus rien. Les humains sont les seuls à être condamnés à courir après un sens qui ne peut exister. Je ne sais pas si j’arriverai un jour à prendre mon parti de cette révélation. Il est difficile de se défaire de cette folie des grandeurs ancrée en nous depuis si longtemps. Je plains les animaux et les hommes parce qu’ils sont jetés dans la vie sans l’avoir voulu. Mais ce sont les hommes qui sont sans doute le plus à plaindre, parce qu’ils possèdent juste assez de raison pour lutter contre le cours naturel des choses. Cela les a rendus méchants, désespérés et bien peu dignes d’être aimés. Et pourtant il leur aurait été possible de vivre autrement. Il n’existe pas de sentiment plus raisonnable que l’amour, qui rend la vie plus supportable à celui qui aime et à celui qui est aimé. Mais il aurait fallu reconnaître que c’était notre seule possibilité, l’unique espoir d’une vie meilleure. Pour l’immense foule des morts, la seule possibilité de l’homme est perdue à jamais. Ma pensée revient sans cesse là-dessus. Je ne peux pas comprendre pourquoi nous avons fait fausse route. Je sais seulement qu’il est trop tard.

 

 

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