J'ai beaucoup aimé
Titre : Le secret du maître de thé
(Rikyû ni tazuneyo)
Auteur : Kenichi YAMAMOTO
Traducteurs : Silvain CHUPIN
et Yoko KAWADA-SIM
Parution : 2008 en japonais,
2012 en français (Gallimard)
Pages : 384
Présentation de l'éditeur :
Vers minuit, une forte pluie commença à battre les tuiles de la
toiture. Étendu dans sa chambre, Rikyû sentait son sang bouillir de
colère. La rage lui tenaillait les tempes. Son cœur tapait dans sa
poitrine... L'averse s'intensifia tout à coup, puis un éclair fulgura,
faisant jaunir le papier de la cloison, et le tonnerre gronda aussitôt.
«Le ciel a entendu ma fureur», pensa-t-il... Le visage simiesque
d'Hideyoshi envahit une nouvelle fois son esprit. Aucun motif sérieux ne
justifiait l'ordre de se suicider que celui-ci venait de lui faire
parvenir...
Le 28 février 1591, le shogun Toyotomi Hideyoshi ordonna effectivement à Sen no Rikyû, le plus grand maître de la cérémonie du thé de l'époque, de se suicider – ce qu'il fit. Mais pourquoi? Cette histoire bien réelle reste, après plus de quatre siècles, une grande énigme, qui a inspiré de nombreux écrivains et cinéastes japonais mais n'a jamais été résolue. On prétend, au Japon, que l'art très codifié de ce cérémonial autour du thé recèle un sortilège qui peut rendre fou le cœur des hommes. Dans ce roman, au fil des heures précédant l'aube fatale, Kenichi Yamamoto va nous faire découvrir comment son héros aura constamment cherché à atteindre l'extrême limite de la beauté, même si ce devait être au péril de sa vie.
Le 28 février 1591, le shogun Toyotomi Hideyoshi ordonna effectivement à Sen no Rikyû, le plus grand maître de la cérémonie du thé de l'époque, de se suicider – ce qu'il fit. Mais pourquoi? Cette histoire bien réelle reste, après plus de quatre siècles, une grande énigme, qui a inspiré de nombreux écrivains et cinéastes japonais mais n'a jamais été résolue. On prétend, au Japon, que l'art très codifié de ce cérémonial autour du thé recèle un sortilège qui peut rendre fou le cœur des hommes. Dans ce roman, au fil des heures précédant l'aube fatale, Kenichi Yamamoto va nous faire découvrir comment son héros aura constamment cherché à atteindre l'extrême limite de la beauté, même si ce devait être au péril de sa vie.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Kenichi Yamamoto est né à Kyoto en 1956. Romancier très populaire au Japon, il a reçu pour Le Secret du maître de thé le prestigieux prix Naoki.
Avis :
Rikyû, le plus grand maître de thé en ce Japon du 16ème siècle, est à ce point obsédé par son idéal de la beauté et par la recherche de la perfection dans son cérémonial, qu’il ne se rend même pas compte qu’il a fini par négliger ses proches et indisposer son entourage, s’attirant rancoeurs et jalousies, y compris celles d’Hideyoshi, le nouveau maître du pays. Alors que Rikyû vient de recevoir l’ordre de se suicider, le récit entame la chronologie à rebours des évènements qui l’ont mené à cette situation, dans un retour arrière sur toute son existence qui finira par dévoiler son drame secret : une tragédie personnelle qu’il aura, sa vie durant, tenté de transcender par l’intransigeante sublimité de son art.
S’inspirant d’un fait réel devenu légendaire au Japon, mais dont l’Histoire n’a pas retenu les motifs, l’auteur a librement imaginé le parcours et la psychologie des personnages qui ont amené un maître de thé aux apparences inoffensives à recevoir l’injonction suprême. Gommant tout mystère, il nous livre ainsi une version rationnelle et crédible de ce mythe qui a inspiré tant d’écrivains et de cinéastes japonais, solidement campée dans le cadre historique général de l’unification d’un Japon jusqu’ici divisé par les guerres féodales.
C’est pour le lecteur l’occasion de se plonger dans une culture aux traditions souvent singulières et étonnantes, au travers tout particulièrement de la cérémonie du thé, art extrêmement codifié, et parfait exemple de paroxysme du raffinement à la japonaise : on n’ignorera plus rien de ses significations bouddhiques et politiques à l’époque, des rivalités entre maîtres, de ses rites et de leurs différentes écoles, de son décorum et de ses objets si soigneusement choisis, de leur commerce et de leur symbolique.
Lent, poétique et fascinant, le récit imprègne peu à peu le lecteur d’une calme atmosphère à l’esthétisme soigneusement étudié, où Rikyû embaume ses sentiments pour l’éternité dans un art qui prend chez lui la dimension d’un sanctuaire : un art sur fond de mort, à la fois sublime et glaçant, pour une lecture dépaysante dont le plaisir est tout à la fois historique, culturel, artistique et esthétique. (4/5)
S’inspirant d’un fait réel devenu légendaire au Japon, mais dont l’Histoire n’a pas retenu les motifs, l’auteur a librement imaginé le parcours et la psychologie des personnages qui ont amené un maître de thé aux apparences inoffensives à recevoir l’injonction suprême. Gommant tout mystère, il nous livre ainsi une version rationnelle et crédible de ce mythe qui a inspiré tant d’écrivains et de cinéastes japonais, solidement campée dans le cadre historique général de l’unification d’un Japon jusqu’ici divisé par les guerres féodales.
C’est pour le lecteur l’occasion de se plonger dans une culture aux traditions souvent singulières et étonnantes, au travers tout particulièrement de la cérémonie du thé, art extrêmement codifié, et parfait exemple de paroxysme du raffinement à la japonaise : on n’ignorera plus rien de ses significations bouddhiques et politiques à l’époque, des rivalités entre maîtres, de ses rites et de leurs différentes écoles, de son décorum et de ses objets si soigneusement choisis, de leur commerce et de leur symbolique.
Lent, poétique et fascinant, le récit imprègne peu à peu le lecteur d’une calme atmosphère à l’esthétisme soigneusement étudié, où Rikyû embaume ses sentiments pour l’éternité dans un art qui prend chez lui la dimension d’un sanctuaire : un art sur fond de mort, à la fois sublime et glaçant, pour une lecture dépaysante dont le plaisir est tout à la fois historique, culturel, artistique et esthétique. (4/5)
Citations :
Quand on cueille les kakis à l’automne, on en laisse toujours un sur l’arbre, avec le souhait que la récolte sera abondante l’année suivante, et ce fruit est appelé kimamori (« garde de l’arbre »).
La vie est belle parce qu’elle est éphémère.
La beauté réside dans un petit défaut. Une beauté parfaite ne présente aucun intérêt.
(Jésuites portugais au Japon)
— En Europe, nous avons vu des églises et des tableaux magnifiques. Le palais du pape au Vatican a une magnificence sans égale dans le monde.
— Oui, ils expriment la gloire de Dieu.
Valignano revit les fresques grandioses de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. C’était là l’idéal de beauté réalisé par l’homme.
Itô Mancio semblait vouloir ajouter quelque chose.
— J’ai eu une enfance misérable, et je n’avais jamais vu au Japon un vrai palais. Mais, sur notre chemin, j’ai été frappé par la taille du château du Grand Rapporteur à Ôsaka. Il ne le cède en rien aux architectures d’Europe. Et cette demeure, elle est d’une telle propreté ! Bien sûr, cela n’atteint pas la magnificence de l’Europe, mais ne croyez-vous pas qu’il existe dans ce pays insulaire une esthétique complètement différente ?
Valignano s’humecta les lèvres. Que lui racontait ce jeune homme ? Le jésuite avait passé huit ans à lui enseigner la supériorité de l’Europe, et à peine rentré dans son pays natal, le voilà dans cet état ! Les Japonais étaient vraiment étranges.
(Jésuites portugais au Japon)
— En tout, les Japonais vont trop loin. Ce qui m’intrigue le plus, c’est la cérémonie du thé. C’est là que la bizarrerie voire l’étrangeté des Japonais se manifeste le plus nettement.
— Dans la cérémonie du thé, dites-vous ?
— Oui. Pourquoi les Japonais se réunissent-ils dans une aussi petite pièce pour boire une tisane qui est infecte, en marmonnant des choses incompréhensibles ? Pourquoi admirent-ils sans se lasser ces poteries qui ne valent rien ? Une habitude aussi stupide, tu comprends sûrement bien qu’il n’en existe nulle part ailleurs dans le monde.
(…)
— Le cha-no-yu est effectivement incompréhensible. Je me demande si les Japonais qui se passionnent pour la cérémonie du thé ne sont pas fous.
Valignano éprouva une grande satisfaction en entendant Chijiwa Miguel prononcer ces propos.
— C’est tout à fait exact. L’esthétique japonaise est clairement déformée et à l’opposé des normes du monde. Qui dans le monde pourrait comprendre pourquoi ils dépensent des sommes d’argent exorbitantes pour ces ustensiles minables ? Quelle valeur peuvent-ils bien leur donner ?
(…)
— Cet exemple suffit à démontrer que le Japon est un pays complètement isolé des autres civilisations. Votre mission, capitale, est justement d’éclairer ce peuple insulaire. Vous êtes d’accord ?
La vie est belle parce qu’elle est éphémère.
La beauté réside dans un petit défaut. Une beauté parfaite ne présente aucun intérêt.
(Jésuites portugais au Japon)
— En Europe, nous avons vu des églises et des tableaux magnifiques. Le palais du pape au Vatican a une magnificence sans égale dans le monde.
— Oui, ils expriment la gloire de Dieu.
Valignano revit les fresques grandioses de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. C’était là l’idéal de beauté réalisé par l’homme.
Itô Mancio semblait vouloir ajouter quelque chose.
— J’ai eu une enfance misérable, et je n’avais jamais vu au Japon un vrai palais. Mais, sur notre chemin, j’ai été frappé par la taille du château du Grand Rapporteur à Ôsaka. Il ne le cède en rien aux architectures d’Europe. Et cette demeure, elle est d’une telle propreté ! Bien sûr, cela n’atteint pas la magnificence de l’Europe, mais ne croyez-vous pas qu’il existe dans ce pays insulaire une esthétique complètement différente ?
Valignano s’humecta les lèvres. Que lui racontait ce jeune homme ? Le jésuite avait passé huit ans à lui enseigner la supériorité de l’Europe, et à peine rentré dans son pays natal, le voilà dans cet état ! Les Japonais étaient vraiment étranges.
(Jésuites portugais au Japon)
— En tout, les Japonais vont trop loin. Ce qui m’intrigue le plus, c’est la cérémonie du thé. C’est là que la bizarrerie voire l’étrangeté des Japonais se manifeste le plus nettement.
— Dans la cérémonie du thé, dites-vous ?
— Oui. Pourquoi les Japonais se réunissent-ils dans une aussi petite pièce pour boire une tisane qui est infecte, en marmonnant des choses incompréhensibles ? Pourquoi admirent-ils sans se lasser ces poteries qui ne valent rien ? Une habitude aussi stupide, tu comprends sûrement bien qu’il n’en existe nulle part ailleurs dans le monde.
(…)
— Le cha-no-yu est effectivement incompréhensible. Je me demande si les Japonais qui se passionnent pour la cérémonie du thé ne sont pas fous.
Valignano éprouva une grande satisfaction en entendant Chijiwa Miguel prononcer ces propos.
— C’est tout à fait exact. L’esthétique japonaise est clairement déformée et à l’opposé des normes du monde. Qui dans le monde pourrait comprendre pourquoi ils dépensent des sommes d’argent exorbitantes pour ces ustensiles minables ? Quelle valeur peuvent-ils bien leur donner ?
(…)
— Cet exemple suffit à démontrer que le Japon est un pays complètement isolé des autres civilisations. Votre mission, capitale, est justement d’éclairer ce peuple insulaire. Vous êtes d’accord ?
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