J'ai beaucoup aimé
Titre : Le ciel est immense
Auteur : Feurat ALANI
Parution : 2025 (JC Lattès)
Pages : 272
Présentation de l'éditeur :
« Le ciel est immense, maman, vais-je me perdre ? » écrit
Adel à sa mère en 1967. Pilote d’exception, le jeune Irakien est envoyé
par l’armée de l’air pour être formé en URSS, avant de disparaître en
1974, entre Bagdad et Krasnodar. Trente ans plus
tard, son neveu Taymour ne supporte plus le mystère qui entoure
l’absence de cet oncle. Est-il vraiment mort en héros ? Sans relâche,
Taymour va défier les silences d’une famille et d’un régime, jusqu’à
s’inscrire à l’émission de recherche télévisée russe Zhdi Menya, « Attends-moi »…
Une
fresque magistrale, un voyage dans les dédales d’un secret de famille,
un roman pour faire revivre les disparus dans la mémoire intime et
collective.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Feurat Alani est né en France en 1980, de parents irakiens. Grand reporter, il a aussi réalisé de nombreux reportages pour la télévision française avant de fonder sa propre société de production. Prix Albert-Londres pour Le parfum d’Irak, il est l’auteur d’un premier roman acclamé par la critique, Je me souviens de Falloujah, prix du roman Version Femina, prix de la littérature arabe, prix Senghor du premier roman francophone, prix Amerigo Vespucci et finaliste du prix Goncourt du premier roman.
Avis :
Incantation douce portée par le vent de la mémoire, ce second roman de Feurat Alani prolonge un parcours façonné par l’engagement journalistique et la quête des origines. Après avoir sillonné l’Irak en tant que grand reporter, puis sondé les blessures de l’exil dans Je me souviens de Falloujah, l’auteur troque cette fois le témoignage pour la fiction, sans pour autant s’éloigner des faits réels ni de la mémoire familiale qui l’habite.
Un oncle pilote d’exception disparu dans un ciel sans réponse et une famille traversée par les silences : autant d’ombres qui accompagnent le narrateur Taymour, élevé en France, dans son voyage vers l’Irak. Il s’y rend comme on s’approche d’un mystère ancien, les poches pleines de photographies fanées et de questions sans écho. Ce pays inconnu l’accueille avec ses cicatrices, ses murmures et ses visages comme surgis d’un rêve interrompu.
Aussi fine qu’une veine sous la peau, la voix narrative creuse patiemment les strates de la mémoire familiale, comme on exhumerait des fragments d’os dans un désert. De mots retenus en phrases suspendues entre chagrin et tendresse, l’émotion circule à voix basse, portée par une esthétique qui privilégie l’ombre et le murmure à l’évidence et à l’explication.
Sur fond de tensions politiques et de souvenirs effacés de l’Irak des années 1970, le récit suit une quête intérieure, animée par le besoin de comprendre et de faire ressurgir ce que le silence a recouvert. À travers les gestes esquissés et les réminiscences morcelées, Taymour tente de retisser les fils d’une histoire familiale éclatée.
Dans cette mémoire en clair-obscur, les femmes occupent une place essentielle. Présences discrètes, elles veillent et protègent sans bruit, transmettant par leur silence une langue ancienne, faite de regards et de vérités enfouies. Cette parole muette nourrit la narration, révélant tout ce que les mots seuls ne peuvent contenir.
Feurat Alani déploie une écriture sensible, capable de faire dialoguer le réel avec l’imaginaire, l’intime avec l’histoire. La fiction ouvre une brèche où l’amour, la perte et la mémoire s’entrelacent dans une lumière fragile. Sous ce ciel immense, les vivants frôlent les absents, et la littérature, portée par le répons des souvenirs, se fait espace de transmission et de réparation.
Un oncle pilote d’exception disparu dans un ciel sans réponse et une famille traversée par les silences : autant d’ombres qui accompagnent le narrateur Taymour, élevé en France, dans son voyage vers l’Irak. Il s’y rend comme on s’approche d’un mystère ancien, les poches pleines de photographies fanées et de questions sans écho. Ce pays inconnu l’accueille avec ses cicatrices, ses murmures et ses visages comme surgis d’un rêve interrompu.
Aussi fine qu’une veine sous la peau, la voix narrative creuse patiemment les strates de la mémoire familiale, comme on exhumerait des fragments d’os dans un désert. De mots retenus en phrases suspendues entre chagrin et tendresse, l’émotion circule à voix basse, portée par une esthétique qui privilégie l’ombre et le murmure à l’évidence et à l’explication.
Sur fond de tensions politiques et de souvenirs effacés de l’Irak des années 1970, le récit suit une quête intérieure, animée par le besoin de comprendre et de faire ressurgir ce que le silence a recouvert. À travers les gestes esquissés et les réminiscences morcelées, Taymour tente de retisser les fils d’une histoire familiale éclatée.
Dans cette mémoire en clair-obscur, les femmes occupent une place essentielle. Présences discrètes, elles veillent et protègent sans bruit, transmettant par leur silence une langue ancienne, faite de regards et de vérités enfouies. Cette parole muette nourrit la narration, révélant tout ce que les mots seuls ne peuvent contenir.
Feurat Alani déploie une écriture sensible, capable de faire dialoguer le réel avec l’imaginaire, l’intime avec l’histoire. La fiction ouvre une brèche où l’amour, la perte et la mémoire s’entrelacent dans une lumière fragile. Sous ce ciel immense, les vivants frôlent les absents, et la littérature, portée par le répons des souvenirs, se fait espace de transmission et de réparation.
Une lecture prenante et touchante qui vous enveloppe, puis vous quitte
sans bruit, dans la mélancolie douce-amère des secrets irrattrapables. (4/5)
Si le silence a un pouvoir, la parole est sa seule révolte.
Citations :
Dire « Quand il neigera à Bagdad », c’était évoquer un événement aussi improbable qu’un hiver sans fin dans le désert.
— Ici, c’est la tradition, me précisa Auday. Toujours en faire trop. Plus que les autres.
Cette pratique portait un nom : être Doulaimi – du nom de la plus grande tribu de la province. Tout le monde, en Irak, pouvait être Doulaimi ; il suffisait d’exagérer sa générosité, dans les paroles comme dans les gestes. Si quelqu’un admirait ouvertement votre montre, on devait lui répondre : « Elle est à toi. » Bien sûr, on refuserait. Si l’on appréciait quelqu’un, un Doulaimi dirait : « Je te mets sur ma tête. »
— Perdre de sa hauteur pour élever l’autre, c’est une question d’honneur, tu vois ? m’expliqua Auday.
— Euh… pas vraiment. Auday désigna une maison.
— Ceux-là ne sont pas très généreux, ils n’ont offert qu’un mouton pour la naissance de leur enfant. Le voisin, lui, en a sacrifié trois, tu ne comprends toujours pas
— Un peu.
La générosité était un terrain de rivalité. Il fallait être celui qui sacrifierait le plus de moutons pour ses invités. On jugeait les familles là-dessus.
« Si tu veux le pouvoir, prends le parti. »
Ces mots provenaient d’une citation de Staline, que Saddam Hussein répétait comme un mantra. Ce jour-là, lorsqu’Adel avait naïvement proposé qu’une décision importante soit soumise à un vote interne, Saddam avait ricané en déclarant : « Ceux qui votent ne décident de rien. Ceux qui comptent les votes décident de tout. » À cet instant précis, Adel avait compris qu’il était en présence d’un homme prêt à tout pour le pouvoir.