mardi 23 décembre 2025

[Muzzio, Diego] L'oeil de Goliath

 





Coup de coeur 💓

 

Titre : L'oeil de Goliath (El ojo de Goliat)

Auteur : Diego MUZZIO

Traduction : Eric REYES ROHER

Parution : en espagnol (Argentine) en 2022,
                  en français (Phébus) en 2025

Pages : 208

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« Le jour se lève. Un épais rideau de brouillard encercle l’îlot. J’ignore quel jour on est. Cela n’a plus d’importance. Le temps, tel que le vivent la plupart des gens – ce lent enchaînement de secondes, de minutes, d’heures, de jours – , n’a aucune prise dans un lieu comme celui-ci. J’ai délaissé le rapport qui m’avait été commandé. À partir de maintenant, je m’attelle à la rédaction d’un second rapport, plus exhaustif (et insaisissable). Un rapport sur l’état de mon âme… »

Campé entre l’Édimbourg des années 1920 et les paysages désolés et hostiles de la Patagonie, mêlant traditions littéraires anglo-saxonnes et argentines, l’aventure, l’horreur et le gothique, L’Œil de Goliath explore avec panache la relation entre les hommes et leur double, les frontières floues entre ce que l’on considère comme des contraires absolus : le bien et le mal, la raison et la folie. Embarquez pour un voyage obsédant dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine...

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Diego Muzzio est né à Buenos Aires en 1969 et vit en France depuis près de vingt ans. Poète, novelliste, auteur pour la jeunesse, il signe, avec L’Œil de Goliath, son premier roman.

 

 

Avis :

S’il flotte quelque chose de Stefan Zweig – cette idée freudienne d’une force invisible qui travaille les êtres – dans les contours de cette histoire, le primo‑romancier argentin Diego Muzzio lui imprime pourtant un tour très personnel, en faisant de l’atmosphère, plus que de la psychologie, la véritable focale de son texte.

Cette atmosphère, on y plonge dès les premières pages, alors que, dans un silence rendu plus pesant encore par le trouble indéfinissable qui imprègne l’ouverture du récit, on assiste, dans l’Écosse des années 1920, à l’arrivée d’un mystérieux patient à l’asile dirigé par le docteur Pierce. Cet ancien combattant revenu des tranchées avec ses propres séquelles se consacre désormais à l’élaboration de protocoles de soins novateurs, à rebours des méthodes brutales alors en vigueur, pour apaiser les esprits meurtris par la guerre. L’homme qu’on lui amène n’est plus qu’une silhouette brisée, dont le seul viatique est le journal où il a consigné la naissance de son trouble avant de sombrer tout à fait. 

Le déchiffrage de ces pages griffonnées dans l’urgence fait basculer le récit dans le décor, cette fois tout à fait lunaire, d’une île perdue au sud de la Patagonie : un confetti de roche battu par les éléments, si isolé que le monde semble s’y dissoudre. Missionné sur place pour l'inspection d’un phare surnommé l’Oeil de Goliath, Bradley, ingénieur pourtant méthodique et parfaitement rationnel, se voit bientôt dépassé par ce qui tourne à l’épreuve de plus en plus déstabilisante. Entre l’isolement absolu, la perte progressive de tout repère, l’alliance traîtresse du vent et des vagues dans le surgissement sournois d’ombres et de voix inquiétantes, et même la bellicosité croissante des oiseaux ricochant dans la lumière du phare comme des entités malveillantes, tout concourt à fissurer les certitudes de cet homme habitué à tout expliquer. Dans ce décor minéral et hostile, la solitude agit comme un révélateur et, sapant les fragiles barrières érigées par la raison, confronte peu à peu l’esprit de Bradley aux spectres terribles qu’il croyait avoir terrassés.

Cette construction en abyme et la porosité entre les deux strates narratives – l’une rationnelle, l’autre hallucinée – crée un effet de résonance, lui aussi très zweigien, où le passé raconté devient une force active, presque autonome, qui travaille les personnages du présent. En faisant glisser son roman d’un espace mental à l’autre, en une montée savamment orchestrée du trouble et de l’angoisse, Diego Muzzio donne à sentir l’installation de la folie comme un glissement progressif, une dérive silencieuse où les repères se brouillent avant même que la raison ne cède. Cette déformation intime, en irriguant peu à peu toute la structure du roman, gagne aussi le lecteur : d’abord plongé dans un esprit méthodique qui se laisse envahir par ce qui lui échappe, il ressent à son tour une propagation diffuse, une vibration qui circule d’un récit à l’autre, puis bientôt d’un personnage à l’autre, jusqu’à l’envelopper lui‑même dans son halo d’incertitude.

Habile à laisser s’installer le trouble dans une atmosphère vibrant subtilement d’une menace sourde, Diego Muzzio tisse son récit d’une inquiétude d’autant plus hypnotique que le déséquilibre mental, ici produit d’un traumatisme qu’en cette époque d’après‑guerre l’on peine encore à reconnaître, semble pouvoir, dans les mêmes circonstances, gagner n’importe qui. Preuve en est le dénouement qui, dans l’implacable déplacement qu’il opère, réserve au lecteur un ultime frisson qu’il n’avait pas vu venir. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

L’imagination est la seule arme pour combattre la réalité.

Ainsi en était-il venu à concevoir que certaines formes de folie puissent se rapprocher du vertige qui nous saisit face au spectacle de l’infini ; à ceci près, pensait le médecin, que le contemplateur occasionnel peut se détourner des astres selon sa volonté, tandis que pour le malade cette même expérience est à la fois incontrôlable et permanente.


 

dimanche 21 décembre 2025

[Kelly, Julia R.] L'enfant des vagues

 



J'ai aimé

 

Titre :  L'enfant des vagues 
             (The Fishermann’s Gift)

Auteur : Julia R. KELLY

Traduction : Claire DESSERREY 

Parution : en anglais en 2025
                  en français en 2026 (JC Lattès)

Pages : 408 

 

 

 


 

 

Présentation de l'éditeur : 

Écosse, hiver 1900. Un petit garçon vient s’échouer sur la plage d’un village de pêcheurs. Il ressemble étrangement au fils de l’institutrice, Dorothy, disparu en mer plusieurs années auparavant. Lorsque Skerry est enseveli sous la neige, Dorothy accepte de s’occuper de l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse rentrer chez lui. Mais, à mesure que le passé refait surface, les secrets de cette communauté très soudée resurgissent. Et Dorothy doit se confronter à nouveau à Joseph, le pêcheur solitaire qu’elle a passé les dernières années à fuir…

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Julia R. Kelly a été professeur d’anglais. Elle vit dans le Herefordshire, où son compagnon et elle ont élevé leurs cinq enfants. En 2021, elle remporte le Blue Pencil First Novel Award pour un texte devenu depuis son premier roman, L’Enfant des vagues.

 

 

Avis :

En 2021, le Blue Pencil First Novel Award, un prix littéraire britannique destiné à repérer et soutenir les nouveaux auteurs de fiction, distinguait Julia R. Kelly pour le manuscrit qui devait devenir ce premier roman.

L’histoire nous emmène sur une petite île écossaise au tournant du XXe siècle : un monde resserré, cerné par les falaises et le fracas des vagues, où les maisons de pêcheurs s’agrippent les unes aux autres pour mieux tendre le dos au gros temps et à l'isolement hivernal. Dans ce paysage âpre, tantôt nappé de brouillard, tantôt étincelant de givre sous la neige qui étouffe les chemins, les habitants vivent au rythme des marées et des tempêtes, gestes et caractères façonnés par la rudesse du climat. Minuscule constellation de toits accrochés à la lande, le village fonctionne comme un seul organisme, chacun dépendant des autres dans un huis clos où les solidarités nécessaires n’empêchent pas la fermentation des humeurs.

Au cœur de cet équilibre précaire, un rien peut suffire à rompre l’harmonie et faire enfler la houle des ressentiments et des commérages. Lorsque la mer rejette sur la grève, à demi-mort, un enfant de six ans ressemblant trait pour trait à celui qu’elle avait ravi, lors d’une nuit de tempête quelque vingt‑cinq ans plus tôt, à l’institutrice Dorothy, c’est tout un passé que l’île croyait enseveli qui remonte à la surface. Alternant entre les deux époques, le récit dévoile peu à peu le long mûrissement des forces qui avaient mené au drame : rivalités amoureuses, jalousies sourdes, défiance envers cette jeune femme venue d’Édimbourg, droite et silencieuse, que les insulaires n’ont jamais vraiment adoptée. Les malentendus, nourris par le mutisme de ces gens taiseux, se mêlent aux légendes locales de fantômes hantant la mer, instillant une ambiguïté presque fantastique. À travers la psyché de Dorothy se dessinent le deuil impossible d’un enfant et la culpabilité qui ronge, acmé d’un imbroglio lentement mais inextricablement noué autour d’amours contrariées, de mal d’enfant, de convenances étouffantes et de violence conjugale alcoolisée.

Julia R. Kelly déploie une trame au potentiel indéniable. Un lieu magnétique, une atmosphère chargée de brumes et de passions, des thèmes qui convoquent l’ombre des sœurs Brontë ou de Daphne du Maurier : tout semble réuni pour un récit envoûtant, mêlant paysage, légendes et tourments intérieurs dans un même souffle romanesque et gothique. C’est pourtant de la hauteur même de ces promesses que naît un certain désappointement. La langue, fluide et agréable, demeure d’une simplicité contemporaine qui peine à rejoindre l’ampleur plus âpre et intemporelle que suggère le décor. L’atmosphère, sensible et soignée, n’atteint pas tout à fait cette intensité tellurique que l’on attendait, celle qui fait des éléments – la mer, le vent, la lande – des forces souveraines, presque vivantes. À cela s’ajoute une tentation de la romance, parfois un peu facile, qui laisse entrevoir un dénouement apaisé là où l’on espérait une noirceur plus assumée, ce qui affaiblit la portée dramatique promise. 

Reste un premier livre sincère, porté par de belles intuitions, une construction maîtrisée et un sens réel du drame intime. S’il frôle parfois une profondeur plus sombre sans s’y abandonner pleinement, il n’en laisse pas moins entrevoir une voix prometteuse, encore en devenir mais déjà attachante. (3/5)


 

vendredi 19 décembre 2025

[Brasseur, Diane] L'accouchement

 




 

J'ai beaucoup aimé

Titre : L'accouchement

Auteur : Diane BRASSEUR

Parution : 2026 (Allary Editions)

Pages : 256








 

Présentation de l'éditeur :  

 « Quelques jours avant mon accouchement précipité, alors que je ne lui avais pas parlé de mes maux de ventre, mon père m’a envoyé la carte postale d’un ange peint en rouge, rigolo et inquiétant comme un gribouillage d’enfant. Ange gardien, le titre du tableau était écrit au verso, à côté de ces mots tendres : “Ce petit ange vient dire bonjour au petit bonhomme à venir.” C’était un mois et demi avant mon terme, le cachet apposé par la poste fait foi. Par quelle étrange prémonition mon père a-t-il été frappé ? »

Pour son quatrième roman, Diane Brasseur renoue avec la veine intime de son premier livre, Les Fidélités. D’une écriture clinique et puissamment romanesque, elle fait le récit d’un événement aussi ordinaire qu’extraordinaire : la mise au monde d’un enfant.



Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Diane Brasseur est romancière et scripte pour le cinéma. Elle est l’auteure de trois romans publiés chez Allary Éditions : Les Fidélités, traduit dans 8 pays, Je ne veux pas d’une passion et La Partition.



Avis :

Après deux premiers romans consacrés aux dilemmes amoureux, puis un troisième ancré dans sa mémoire familiale, la romancière et scripte de cinéma Diane Brasseur s’engage cette fois dans une veine autobiographique. L’accouchement retrace avec intensité les dernières semaines d’une grossesse compliquée par une prééclampsie, une expérience qui aurait pu basculer vers le drame. Loin de tout pathos, elle adopte une écriture précise, presque chirurgicale, qui déroule chaque instant avec la rigueur d’un compte à rebours et installe une tension dramatique digne d’un roman à suspense. 

Le récit s’ouvre sur une inconscience, les premiers signes de la prééclampsie glissés sous les radars laissant la narratrice rêver encore à son scénario idéal de naissance. Pour le lecteur, en revanche, chaque détail est déjà une alerte qui assombrit l’horizon. L’écriture, avec ses phrases brèves et ses chapitres resserrés, bat comme un cœur affolé et scande l’attente heure après heure. Peu à peu, le texte se transforme en une marche inexorable vers l’orage. 

En épousant la chronologie des faits sans introspection, Diane Brasseur restitue la stupeur de l’épreuve. Privée d’anticipation, elle avance à l’aveugle dans l’inconnu, cherchant à conjurer sa peur par des signes et des superstitions. Mise en mots d’une expérience intime, son récit est aussi une manière d’affronter la fragilité du corps et la violence du réel.

Ce texte aurait pu se réduire à un simple témoignage. Pourtant, en choisissant l'urgence et la sidération plutôt que le recul et l’analyse, Diane Brasseur dépasse ce cadre. Sa rigueur dessine en creux tout ce qui n’est pas dit : les variations émotionnelles, la relation au corps médical, la confrontation à la douleur et à la peur. Le livre rappelle ainsi, avec la force du choc, les réalités physiques et les risques de la maternité, escamotés derrière une perception idéalisée – marketée même – de la naissance. On nous promet des échographies glamour, des accouchements transformés en spa, des berceaux design assortis au salon et des récits calibrés pour Instagram. Face à ce mirage publicitaire, Diane Brasseur oppose la vérité nue du corps qui vacille et de la peur qui s’installe, révélant une vulnérabilité humaine que nous préférons oublier.

En partageant la bascule d’un rêve en cauchemar, ce récit personnel rappelle que toute existence se confronte tôt ou tard à sa fragilité. Mais si l’épreuve impose sa brutalité, elle ouvre aussi sur une issue lumineuse : la naissance advient, et avec elle la possibilité de transformer la peur en force et l’expérience en parole. Un livre écrit comme pour reprendre une respiration coupée, exprimant – derrière le soulagement d’une fin heureuse –  la sidération d’être rappelé, en plein rêve de bonheur, à notre condition humaine. (4/5)




Du même auteur sur ce blog :

 
 

 

 

mercredi 17 décembre 2025

[Paulin, Frédéric] Que s'obscurcissent le soleil et la lumière

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Que s'obscurcissent le soleil 
            et la lumière

Auteur : Frédéric PAULIN

Parution : 2025 (Agullo)

Pages : 384

 

 

 

  

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« Si la guerre ne finit jamais, qui donc verra la fin des combats ? Qui donc verra la fin des larmes des veuves, de la détresse des orphelins, de la souffrance des pères ? Qui donc, si ce n’est ceux qui sont morts à la guerre ? »
Fin d’année 1986, Paris est à feu et à sang. Il faut alors trouver rapidement un coupable pour calmer l’opinion publique. La piste Abdallah, bien que hautement improbable, est choisie, car la raison d’État prévaut souvent sur la vérité, comme le commissaire Caillaux ne le sait que trop bien. À l’international, Michel Nada a fort à faire car les enjeux sont colossaux : la crise des otages qui dure depuis plusieurs années maintenant vient se mêler de manière toujours plus cynique à la course à la présidence de 1988 entre Mitterrand et Chirac. Au Liban, la guerre reprend de plus belle après une brève accalmie, opposant cette fois les chrétiens entre eux, en plus de la lutte fratricide entre chiites, et le pays se retrouve bientôt avec deux gouvernements. Cette macabre comédie cessera-t-elle un jour ? Dans le dernier volet de sa trilogie libanaise, Frédéric Paulin nous emmène jusqu’aux derniers jours d’un conflit long de quinze ans et qui, comme il avait débuté, s’achève dans le chaos, avec, comme toujours, le peuple libanais pour seul véritable perdant.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Frédéric Paulin écrit des romans noirs depuis presque dix ans. Il utilise la récente Histoire comme une matière première dont le travail peut faire surgir des vérités parfois cachées ou falsifiées par le discours officiel.
Ses héros sont bien souvent plus corrompus ou faillibles que les mauvais garçons qu’ils sont censés neutraliser, mais ils ne sont que les témoins d’un monde où les frontières ne seront jamais plus parfaitement lisibles. Il a notamment écrit Le monde est notre patrie (Goater, 2016), La peste soit des mangeurs de viande (La Manufacture de livre, 2017) et Les Cancrelats à coups de machette (Goater, 2018).

 

 

Avis :   

Après Nul ennemi comme un frère et Rares ceux qui échappèrent à la guerre, Frédéric Paulin clôt sa trilogie géopolitique avec un dernier volet consacré aux ultimes années du conflit libanais, entre 1986 et 1990. Le récit reprend là où il s'était brutalement interrompu. Paris reste secouée par les attentats, les services secrets s’agitent et les ramifications de la guerre civile débordent largement de Beyrouth. On retrouve les mêmes personnages fictifs, mêlés aux figures historiques, pour cette suite troublante de réalisme, qui, miroir de la complexité d’un conflit dense et opaque, se déploie dans un entrelacs de lieux et de temporalités. 

Dans ce troisième tome, Frédéric Paulin resserre encore l’étau autour de ses protagonistes, pris dans les jeux d’ombres et les brutalités du renseignement et de la diplomatie. À mesure que le conflit s’intensifie, leurs trajectoires se referment inexorablement, jusqu’à leur effacement. Marqués par la fatigue et le doute, ils dessinent une humanité en lutte, ni héroïque ni cynique, mais désespérément impuissante dans sa lucidité. Leur disparition, brutale ou silencieuse, scelle la trilogie dans une impasse tragique, reflet fidèle d'une guerre sans issue.

L’écriture, tendue et précise, saisit les tensions invisibles, rend palpable l’attente, la peur et l'usure, là où l’éthique s’efface devant les calculs politiques. Elle accompagne les scènes de marchandage autour des otages, réduits à des leviers électoraux dans la rivalité entre Chirac et Mitterrand, révélant un monde où les vies humaines sont reléguées au rang de variables dans une stratégie de conquête du pouvoir. 

Frédéric Paulin explore les marges de l’histoire contemporaine avec une acuité sans fard, attentive aux failles humaines autant qu’aux rouages politiques. Certaines scènes, saisies dans leur âpreté, claquent comme des déflagrations : une exécution dans un couloir, un regard échangé avant la mort, une ville qui s’effondre sous les bombes. Ce sont des fulgurances de réel, des fragments de vérité assemblés avec une exactitude quasi documentaire.

Pourtant – est-ce une certaine lassitude, avec près de 1300 pages cumulées sur toute la trilogie ? – on en vient parfois à souhaiter une respiration, tant la précision irréprochable finit par pétrifier l’émotion et la mécanique narrative, si maîtrisée, par lisser les aspérités. L’intérêt ne faiblit pas, mais l’intensité s’émousse, comme si le récit, à force de lucidité, se tenait à distance de ce qu’il fait ressentir.

Que s’obscurcissent le soleil et la lumière referme une trilogie ambitieuse, tendue, d’une cohérence remarquable. Frédéric Paulin y poursuit son entreprise de dévoilement, entre fiction et histoire, sans jamais céder à la facilité du spectaculaire ni à l’illusion du dénouement. Si ce dernier volume laisse parfois l’émotion en retrait, il confirme la puissance d’un regard : celui d’un écrivain qui interroge les zones grises du pouvoir et les mécanismes souterrains qui façonnent les conflits contemporains. Une lecture exigeante, dérangeante par sa lucidité, impitoyable dans sa vision du politique – et nécessaire. (4/5)

 

 

Citations :

Est-ce que la légalité est une frontière ? La juge Gagliago elle-même n’en est plus certaine. Est-ce que la légalité est une frontière lorsque les politiques mentent, se renient, font d’un petit juge le coupable de leurs magouilles ? Est-ce que la légalité a un sens lorsqu’il s’agit d’assassiner un assassin ?

Sur le terrain, les combats continuent. Édouard Nada a aussi accepté l’inacceptable : dans son pays, les combats ne sont plus le moyen d’atteindre des objectifs stratégiques ou politiques, non, ce ne sont que l’expression pathologique de chefs de guerre, et des miliciens qui leur obéissent. Ces gens se battent entre eux uniquement pour affirmer leur présence. Les anciens alliés se retrouvent désormais ennemis et l’on se massacre au sein d’une même confession : chiites contre chiites, Palestiniens contre Palestiniens, et chrétiens contre chrétiens. La Syrie et l’Iran exacerbent ces conflits, certes. Mais les Libanais sont assez fous pour se battre entre eux, sans l’aide de l’extérieur.

 

 

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lundi 15 décembre 2025

[Desarthe, Agnès] L'oreille absolue

 




 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : L'oreille absolue

Auteur : Agnès DESARTHE

Parution : 2025 (L'Olivier)

Pages : 144 

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« C’était un hiver lumineux et sec où rien ne semblait devoir mourir. »
Un petit garçon intenable rencontre un homme au bout du rouleau. Une femme retrouve son amant disparu. Un musicien prépare un concours avec un jeune prodige qui ne sait pas lire une note. Deux adolescents filent à moto sans casque. Ces personnages – et bien d’autres encore - semblent n’avoir aucun lien entre eux, si ce n’est que tous appartiennent à la même harmonie municipale. Mais une fillette timide promise à un brillant avenir les observe sans qu’ils le sachent. Elle comprend qu’un fil les relie tous et qu’un sort a suspendu pour un temps les drames individuels. Que ce fil vienne à rompre, et tous tomberont. La musique, alors, s’arrêtera.
Dans cet admirable roman polyphonique, Agnès Desarthe s’amuse à nouer et dénouer les destins par le seul jeu de l’écriture.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Agnès Desarthe a publié onze romans aux Éditions de l’Olivier, dont Un secret sans importance (prix du Livre Inter 1996), Dans la nuit brune (prix Renaudot des lycéens 2010), Ce cœur changeant (Prix littéraire du Monde 2015), L’Éternel fiancé (Prix de l’héroïne Madame Figaro, 2021) et Le Château des rentiers (en lice pour le Goncourt 2023).

 

 

Avis :

Bref et dense, écrit dans l’esprit d’une musique de chambre, L’oreille absolue fait résonner les obsessions d’Agnès Desarthe – quête de sens, mémoire intime et collective, communauté comme espace fragile où se jouent accords et dissonances de l’existence – en une partition littéraire dont la musicalité constitue le véritable moteur narratif.

L’histoire se tisse autour de nombreux personnages, rassemblés par l’harmonie municipale de leur petite commune. Jeunes ou vieux, chacun trouve sa place dans l’ensemble, en une communion qui suspend le cours ordinaire de la vie, comme une trêve lumineuse et magique où le temps s’arrête et la fatalité se tait. 

Dès lors, le roman se déploie comme une pièce musicale, chaque voix y allant de son récit de vie comme en autant de couplets, ponctués par un refrain poétique et lancinant, qui rappelle ce que, des cruautés de l’existence, la musique fait oublier : « C’est un hiver lumineux et sec où rien ni personne ne doit mourir. » 

Comme une incantation, ce refrain tisse un lien fragile entre des voix disparates, qui, en croisant leurs trajectoires solitaires vers un destin provisoirement suspendu, composent une mosaïque sonore à l’image des existences dessinant ensemble la trame de l’humanité. 

Par-delà la métaphore musicale, c’est l’écriture elle-même qui se fait instrument : phrases brèves ou amples, reprises et variations, silences ménagés comme des pauses. Plus qu’un don technique, l’« oreille absolue » est ici une disposition à l’écoute, une manière d’accueillir la pluralité des chants et de leur donner place dans le tissu du récit.

Aussi belle soit-elle, la portée métaphorique du texte ne se révèle qu’à l’issue d’un effort d’écoute, grâce à une disponibilité à la polyphonie et à ses dissonances. Ce n’est qu’en traversant une désorientation initiale que l’on accède à la justesse de cette composition littéraire, où la musique figure une humanité vulnérable et souffrante, mais capable, l’espace d’un instant, de se tenir ensemble et d’oublier sa condition mortelle.

Au final, L’oreille absolue rappelle que la littérature, comme la musique, n’offre pas de réponses mais une expérience : celle d’un déplacement, d’une écoute qui déroute avant d’éclairer et qui fait surgir, au cœur du chaos, une forme de sens partagé. Elle apparaît ainsi une consolation face à la condition humaine, suspendant un instant la conscience de notre finitude solitaire et inexorable, et ouvrant à la possibilité d’un accord fragile mais commun. Un roman exigeant, brillant et subtil, où musique et écriture se rejoignent dans l'art délicat de panser l'âme. (4/5)

 

Citations :

– Tu connais le nom des notes ? 
– J’ai pas besoin de le connaître, elles le disent. Elles font leur son et en même temps, elles crient leur nom de note.

Comme lui, les habitants du village, réunis dans la salle des fêtes pour le concert de Noël, revivent pêle-mêle peines et joies brassées par la musique, car c’est un hiver lumineux et sec où rien ni personne ne semble vouloir mourir, si bien que pour un temps, seuls les souvenirs, comme des guirlandes colorées dans la nuit, occupent les esprits et font verser des larmes ou monter des sourires.

 

 

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samedi 13 décembre 2025

[Delerm, Philippe] Le suicide exalté de Dickens

 




 

J'ai aimé

 

Titre : Le suicide exalté de Dickens

Auteur : Philippe DELERM

Parution : 2025 (Seuil)

Pages : 132 

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Une flambée d’humanité. Voici ce qu’aura été la vie de Charles Dickens, avant qu’il ne meure d’épuisement, à cinquante-huit ans. C’est un pan peu connu de la vie d’un des plus grands écrivains que Philippe Delerm nous donne à découvrir dans ce récit court et captivant. Dickens a consumé les dix dernières années de sa vie dans des tournées de lectures publiques, à la façon d’une rock star littéraire du XIXe siècle. Écosse, Angleterre, États-Unis : il se donnait corps, voix et âme pour incarner les personnages de ses plus grands romans (Olivier Twist, De grandes espérances, Pickwick…). Personnages qu’il disait préférer à ses propres enfants… Il aura fait de la littérature une œuvre vivante. Sitôt refermé ce livre, on ne rêve plus que de replonger dans l’œuvre de celui qui a inventé le roman moderne, le grand Charles Dickens.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Né en 1950, Philippe Delerm a consacré sa vie à la littérature. Professeur de français de nombreuses années, auteur de plus de cinquante livres salués par la critique et le prix des libraires en 1997, il est aussi un lecteur intime de nombreux écrivains, dont Marcel Proust ou Charles Dickens.

 

 

Avis :

Philippe Delerm dévoile une facette méconnue de Charles Dickens dans ce court roman qui voit l’écrivain, exalté jusqu’à la démesure, consumer ses dernières années en tournées de lectures publiques. Acteur de ses propres textes, il incarne ses personnages avec une énergie théâtrale qui fascine les foules, mais dans une dépense de soi si absolue qu'elle le mène à l’épuisement fatal. 

On connaissait Philippe Delerm pour sa célébration des plaisirs minuscules, un thème prolongé en réflexion sur le bonheur dans Sundborn, consacré au peintre impressionniste Carl Larsson et à sa sublimation artistique des instants fugaces. Cette fois, en lieu et place de la légèreté de l’éphémère, l'auteur déploie une dramaturgie de l’excès. Il explore la face sombre de la création, où l’art se fait sacrifice, et choisit chez Dickens le contrepoint à ses œuvres précédentes : l’ivresse tragique de l’absolu, révélant une continuité secrète entre émerveillement et démesure. Il interroge ainsi la condition de l’artiste, partagé entre la célébration de la vie et le vertige de l’anéantissement. 

Le récit se lit comme une mise en abyme de la création littéraire : Dickens, en se donnant tout entier à ses personnages, devient lui-même figure romanesque, emportée par la force de son propre imaginaire. Au-delà de l'anecdote biographique, Philippe Delerm capte l’intensité d’un moment et restitue la vibration d’une existence qui s'épuise dans l’acte artistique. Limpide et musicale, l’écriture oscille entre ferveur et fragilité.

Dans cette image de l’art poussé à son point de rupture, Dickens se fait miroir d’une condition plus vaste : celle de tout créateur qui, en donnant sa voix et son corps à son œuvre, risque de s’y perdre. En refermant cette parabole sur la fragilité et la grandeur de l’acte créateur, l’on garde l’impression d’avoir approché l’art dans sa forme la plus ardente, au seuil de la folie. Philippe Delerm offre un texte grave et lumineux, qui interroge la place de l’artiste dans le monde et rappelle que la création, dans son excès comme dans sa délicatesse, est toujours une manière de vivre au bord de l’absolu.

S’il séduit par la force de son intuition poétique et par sa manière de transformer une anecdote biographique en réflexion sur la condition de l’artiste, c’est néanmoins sur une impression prégnante de frustration que s’achève cette lecture ramassée, guidée par un regard volontairement partiel qui choisit – de façon un peu forcée, comme l’illustre son titre à l’accroche excessive ? – ce qui sert son propos. Aimant décidément à saisir au vol les éclats de vie comme des taches de lumière réfractées au travers d’un vitrail coloré, Philippe Delerm magnifie l'instantané, mais au prix d’une certaine légèreté. Entre sobriété formelle et intensité poétique, un livre que l’on aurait aimé oser l’épaisseur sans renoncer à la grâce. (3,5/5)

 

Citations :

Dans les salles où se font ses lectures, on rit à en perdre le souffle, on sanglote, toute pudeur abolie. C’est beaucoup plus que de la sympathie. On enlève toutes les bornes. On aime d’amour le Dickens qui se donne. Il a déjà tout livré de lui en écrivant ses livres. Mais sur scène, il devient ses propres personnages, et le public les devient à son tour. Cela ressemble à de l’idolâtrie, et c’est bien davantage : la légende se répand du nord de l’Écosse à toute l’Angleterre. Les spectateurs savent ce qu’ils viennent chercher, mais à chaque fois semblent stupéfaits de ce qu’ils trouvent. Une flambée d’humanité. Et Dickens est heureux. Et Dickens se consume.


En 1861, il écrira à Forster : « Les grandes foules que je vois chaque jour paraissent m’aimer comme on aime un ami personnel ! » 


Toutes ces foules frémissant dans les spectacles. Tous ces banquets où l’auteur Charles Dickens fut célébré. Et en regard, cette mélancolie persistante : par ses parents, sa femme, ses enfants, et même sa maîtresse, Dickens n’a pas su se faire aimer comme il s’est fait aimer par ses romans.

 

jeudi 11 décembre 2025

[Levison, Iain] Arrêtez-moi là !

 


 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Arrêtez-moi là ! (The Cab Driver)

Auteur : Iain LEVISON

Traduction : Fanchita GONZALEZ BATLLE

Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2002, 
                  en français en 2011 (Liana Levi)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Charger un passager à l’aéroport, quoi de plus juteux pour un chauffeur de taxi? Une bonne course vous assure une soirée tranquille. Ce soir-là, pourtant, c’est le début des emmerdes… Tout d’abord la cliente n’a pas assez d’argent sur elle et, pour être réglé, il vous faut entrer dans sa maison pourvue d’amples fenêtres (ne touchez jamais aux fenêtres des gens!). Plus tard, deux jeunes femmes passablement éméchées font du stop. Seulement, une fois dépannées, l’une d’elles déverse sur la banquette son trop-plein d’alcool. La corvée de nettoyage s’avère nécessaire (ne nettoyez jamais votre taxi à la vapeur après avoir touché les fenêtres d’une inconnue!). Après tous ces faux pas, comment s’étonner que deux policiers se pointent en vous demandant des comptes? Un dernier conseil: ne sous-estimez jamais la capacité de la police à se fourvoyer!
Dans ce roman magistral, Levison dissèque de manière impitoyable les dérives de la société américaine et de son système judiciaire.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Iain Levison, né en Écosse en 1963, arrive aux États-Unis en 1971. À la fin de son parcours universitaire, il exerce pendant dix ans différents métiers – chauffeur de poids lourds, peintre en bâtiment, déménageur ou encore pêcheur en Alaska –, sources d’inspiration de son récit autobiographique.

Le succès arrive en France avec Un petit boulot, livre devenu culte, encensé par la critique et les libraires. Dans ses six romans suivants, Iain Levison poursuit sa critique drôle et cinglante de la société américaine et de ses dérives, s’attaquant aussi bien à l’armée et la justice qu’aux hommes politiques.

Plusieurs de ses romans ont été traduits à l’étranger et trois d’entre eux ont été adaptés au cinéma : Arrêtez-moi là ! réalisé par Gilles Bannier, avec Reda Kateb et Léa Drucker (2014) ; Un petit boulot réalisé par Pascal Chaumeil, avec Roman Duris et Michel Blanc (2016) ; Une canaille et demie (Canailles) réalisé par Christophe Offenstein, avec François Cluzet, Dora Tillier et José Garcia (2022).  

 

Avis:   

Romancier du réel préoccupé par les injustices contemporaines, Iain Levison ne cesse, depuis ses premiers romans, de dénoncer les dérives sociales et institutionnelles d’une plume acérée, qui sous couvert d’humour noir, révèle l’absurde et le tragique du quotidien. Bien avant son tout dernier ouvrage, Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, où il met en scène la lassitude d’un avocat commis d’office, il s’était déjà attaqué à la machine judiciaire américaine avec Arrêtez-moi là ! (The Cab Driver, 2002). 

Ce récit implacable raconte la descente aux enfers de Jeff Sutton, chauffeur de taxi texan dont la vie bascule lorsqu’une série de hasards fait de lui le coupable idéal dans une affaire de disparition d’enfant. De la coïncidence à la présomption, puis à l’accusation formelle, la mécanique judiciaire s’emballe, jusqu’à brandir la menace de la peine capitale, laissant à l’accusé la lourde tâche de prouver son innocence dans un système qui préfère un coupable douteux au doute de la recherche de vérité.

Iain Levison excelle à peindre l’ordinaire pour dévoiler l’arbitraire institutionnel. Jeff Sutton, citoyen lambda à mille lieues du héros, voit sa vie basculer pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Ce destin banal soudain broyé rappelle de manière glaçante que nul n'est à l'abri de l'injustice. Avec une retenue qui met d’autant mieux en lumière l’absurde, l’auteur déploie un style dépouillé et tendu pour exposer la logique froide et déshumanisante des procédures, l’indifférence des autorités et la solitude de l’accusé face à une machine inarrêtable. L’humour noir, discret mais incisif, renforce l’effroi en révélant l’ironie cruelle d’un système qui se prétend rationnel tout en reposant sur des préjugés et des raccourcis. 

Par-delà l’histoire singulière de Jeff Sutton, Arrêtez-moi là ! interroge plus largement la fragilité du principe de justice dans une société obsédée par l’efficacité et, en ultime horizon, le recours à la peine capitale. Sobriété du style et ironie corrosive – encore discrète par rapport à ses ouvrages ultérieurs – achèvent de rendre ce récit captivant, déployant une puissance politique et morale qui transcende le roman judiciaire et, près d’un quart de siècle plus tard, demeure d’une brûlante actualité. (4/5)

 

 

Citations :

Les jours se confondent. Je me demande si je deviens fou. Comment le savoir ? Je suis l’homme le plus équilibré que je connaisse, mais mon entourage se résume désormais à un psychopathe complet. Les cadres de références ont été déformés. La folie d’hier est la normalité d’aujourd’hui.

Tu n’es pas innocent jusqu’à ce qu’il soit prouvé que tu es coupable, ça marche dans l’autre sens. Il faut prouver que tu es innocent. S’il y a un doute sur ton innocence, qu’est-ce que les jurés ont à gagner en te laissant libre ? Ce n’est pas un problème pour eux si tu passes le reste de ta vie en prison pour quelque chose que tu n’as pas fait. Quand ils retournent à leur poste dans un bureau quelconque, il leur suffit d’être à peu près sûrs d’avoir éloigné un mauvais sujet. 

La vérité c’est qu’une fois que vous savez que d’autres êtres humains peuvent vous mettre dans une cage, vous comprenez que votre liberté, et tout ce que vous tenez pour acquis dans votre vie, dépendent entièrement du caprice de quelqu’un de plus puissant que vous. Votre café du matin, vos promenades dans le parc, votre accès à Internet… vous ne les avez que parce que personne n’a décidé que vous ne devriez pas. Et une fois que vous savez à quel point votre place dans la société est réellement fragile, vous ne pouvez plus l’ignorer après avoir été libéré. C’est ancré en vous. Vous avez vu derrière le rideau, et vous êtes pour toujours une denrée avariée.

Tout ce que fait vraiment la richesse c’est de vous permettre de neutraliser la dureté du monde.

 

 

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