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Titre : Chiens des Ozarks (Ozark Dogs)
Auteur : Eli CRANOR
Traduction : Emmanuelle HEURTEBIZE
Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2023
en français en 2025 (Sonatine)
Pages : 304
Présentation de l'éditeur :
Taggard, Arkansas. Chômage et récession frappent durement cette petite
ville des monts Ozarks. C'est là que vit Jeremiah Fitzjurls, un vétéran
du Vietnam, en compagnie de sa petite-fille, Joanna, qu'il élève seul au
milieu de sa casse automobile. Pour protéger celle-ci d'un monde
extérieur de plus en plus hostile, Jeremiah lui a transmis tout son
savoir, en particulier sur le maniement des armes et l'autodéfense. Mais
aucune ressource n'est suffisante quand les Ledford, une famille de
suprémacistes blancs de la région, dealers de meth, décident de s'en
prendre à la jeune fille. Jeremiah comprend alors que plus rien
n'arrêtera la violence, sinon peut-être la violence.
Avec Chiens des Ozarks, salué dès sa sortie par une critique unanime,
Eli Cranor brosse avec un réalisme inquiétant, quasi documentaire, un
portrait de la vie dans les monts Ozarks. Entre les forces brutes de la
nature et une société plus sauvage que jamais, quel espoir reste-t-il
pour l'humain ? Il fallait un écrivain de la trempe d'Eli Cranor pour
répondre.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Eli Cranor a grandi à Russellville, dans l'Arkansas, élevé par deux
parents enseignants qui lui ont transmis le goût de la lecture et de
l'écriture. Sportif prometteur, il devient un temps footballeur
professionnel en Floride puis entraîneur, avant de revenir s'installer à
Russellville avec sa femme pour enseigner l'anglais et élever ses
enfants. Il est l'auteur de deux romans,
Don't Know Tough (2022) et
Chiens des Ozarks (2023), tous deux salués par la critique et
par ses pairs. Depuis 2023, il est également écrivain résident au
département des arts et humanités de l'université Arkansas Tech, et
professeur au département d'anglais de cette même université.
Avis :
Eli Cranor n’a que deux livres à son actif, mais déjà une longue liste de prix littéraires. Pour la première fois traduit en français, il nous plonge dans une Amérique profonde angoissée par le déclin et qui, aux prises avec le chômage, la prolifération des armes et l’addiction aux narcotiques, se replie sur elle-même dans un violent mélange de paranoïa et de racisme. En ces lendemains de réélection de Trump, portrait noir et sensible d’une Amérique qui ne rêve plus.
Depuis que la fermeture de sa centrale électrique a sonné le glas de sa prospérité, la petite ville de Taggard, dans l’Arkansas, n’est plus que l’ombre d’elle-même, hantée d’immigrants acceptant des salaires de misère et de groupuscules suprémacistes attisant haine et racisme sur fond d’abrutissement à la méthadone. C’est là que Jeremiah vit de sa casse automobile, terrible symbole des reliefs d’une splendeur américaine déchue. Vétéran du Vietnam traînant ses fantômes et les cicatrices d’un drame familial, il a transformé les lieux en bunker, les classiques littéraires y côtoyant les armes de guerre, pour, son addiction à l’alcool temporairement remisée, y élever sa petite-fille Joanna à l’abri de la violence du monde.
Sa mère disparue et son père condamné à perpétuité pour le meurtre d’un fils Ledford, une famille suprémaciste connue pour ses actes de violence et son implication active dans le trafic de drogue, la jeune fille n’a pour sa part que des préoccupations tout à fait ordinaires à la veille de son départ pour l’université. Favorite de l’élection qui doit consacrer la reine du Homecoming dans son lycée, elle vient d’arracher à son grand-père la permission de minuit dont, en lieu et place du bal, elle compte bien profiter pour rejoindre en secret son petit ami. Sauf que, sortie des radars de Jeremiah, la voilà une proie rêvée pour les Ledford assoiffés de vengeance. Le vieil homme qui pensait pourtant se contenter d’assurer passivement leur sécurité va devoir reprendre les armes pour sauver une Joanna à son tour rattrapée par la violence de réalités aux antipodes du rêve américain.
Efficace et enlevé de bout en bout, ce polar dans la plus pure tradition du rural noir s’inspire d’un fait divers. Sous la fulgurance de la violence qui vient faire voler en éclats tout espoir de vie rangée, comme si, dans ces contrées abandonnées à leur agonie, la tragédie n’était qu’une longue cascade sans échappatoire, le récit sans complaisance se fait miroir d’une Amérique oubliée et misérable, laissée à ses pires démons. Ici, pas de bons ni de méchants purs et durs, mais des hommes et des femmes malmenés par l’injustice, les épreuves et le malheur, des anti-héros réagissant avec les moyens du bord, vaillance solitaire et fatiguée pour les uns, bêtise et rancoeur désespérée pour les autres.
Au travers d’un drame humain aux complexités tout sauf manichéennes, Eli Cranor réussit une peinture forte et frappante du malaise des oubliés d’un rêve américain fracturé. Une lecture aussi haletante que d’actualité. (4/5)
Depuis que la fermeture de sa centrale électrique a sonné le glas de sa prospérité, la petite ville de Taggard, dans l’Arkansas, n’est plus que l’ombre d’elle-même, hantée d’immigrants acceptant des salaires de misère et de groupuscules suprémacistes attisant haine et racisme sur fond d’abrutissement à la méthadone. C’est là que Jeremiah vit de sa casse automobile, terrible symbole des reliefs d’une splendeur américaine déchue. Vétéran du Vietnam traînant ses fantômes et les cicatrices d’un drame familial, il a transformé les lieux en bunker, les classiques littéraires y côtoyant les armes de guerre, pour, son addiction à l’alcool temporairement remisée, y élever sa petite-fille Joanna à l’abri de la violence du monde.
Sa mère disparue et son père condamné à perpétuité pour le meurtre d’un fils Ledford, une famille suprémaciste connue pour ses actes de violence et son implication active dans le trafic de drogue, la jeune fille n’a pour sa part que des préoccupations tout à fait ordinaires à la veille de son départ pour l’université. Favorite de l’élection qui doit consacrer la reine du Homecoming dans son lycée, elle vient d’arracher à son grand-père la permission de minuit dont, en lieu et place du bal, elle compte bien profiter pour rejoindre en secret son petit ami. Sauf que, sortie des radars de Jeremiah, la voilà une proie rêvée pour les Ledford assoiffés de vengeance. Le vieil homme qui pensait pourtant se contenter d’assurer passivement leur sécurité va devoir reprendre les armes pour sauver une Joanna à son tour rattrapée par la violence de réalités aux antipodes du rêve américain.
Efficace et enlevé de bout en bout, ce polar dans la plus pure tradition du rural noir s’inspire d’un fait divers. Sous la fulgurance de la violence qui vient faire voler en éclats tout espoir de vie rangée, comme si, dans ces contrées abandonnées à leur agonie, la tragédie n’était qu’une longue cascade sans échappatoire, le récit sans complaisance se fait miroir d’une Amérique oubliée et misérable, laissée à ses pires démons. Ici, pas de bons ni de méchants purs et durs, mais des hommes et des femmes malmenés par l’injustice, les épreuves et le malheur, des anti-héros réagissant avec les moyens du bord, vaillance solitaire et fatiguée pour les uns, bêtise et rancoeur désespérée pour les autres.
Au travers d’un drame humain aux complexités tout sauf manichéennes, Eli Cranor réussit une peinture forte et frappante du malaise des oubliés d’un rêve américain fracturé. Une lecture aussi haletante que d’actualité. (4/5)
Citations :
Jeremiah avait compris il y a fort longtemps qu’un livre pouvait être une arme et, fidèle à lui-même, il s’était constitué un arsenal.
Entergy Corps avait présidé au destin de Taggard pendant près de cinquante ans, attirant les familles aisées des États avoisinants : Mississippi, Tennessee, Missouri, Louisiane, Oklahoma et Texas. Même ces cinglés de cow-boys d’Alamo avaient fait le voyage et franchi les montagnes pour réclamer leur part du boom nucléaire. Dans les années 1960, Taggard affichait la plus forte croissance des villes du pays. Mais les gens s’étaient mis à tripoter leurs thermostats, à réfléchir à des trucs comme la « consommation d’énergie » sans parler de la compétition avec le gaz naturel, le vent et les panneaux solaires. Ce qui ne tarda pas à précipiter Nuclear One et Taggard dans un déclin inexorable.
Par le passé, Bunn avait essayé de se tenir à carreau, quand les garçons étaient petits. Il avait un boulot honnête à la centrale nucléaire, il colmatait les fuites sur les conduits, réparait les rivets de la vieille tour de refroidissement. Tout avait changé quand Nuclear One avait fermé ses portes et l’usine de poulets ouvert les siennes. Bunn avait perdu son emploi et les Mexicains avaient déferlé sur Taggard. Un afflux tel qu’il avait inspiré à Bunn l’idée de créer sa propre section locale du KKK.
Il s’était documenté sur l’histoire de sa famille et les origines du clan Ledford, des Écossais d’Ulster, un groupe ethnique communément appelé « Scotch-Irish » aux États-Unis. Des gens droit sortis du plus crasseux tonneau de scotch de toute l’Irlande du Nord. Des gens qu’on avait écrasés, ostracisés, piétinés depuis la nuit des temps. Ils étaient venus ici, au début du xixe siècle, avec l’espoir de dompter les Ozarks et de creuser leur propre sillon à partir de rien, en quête d’une terre dont ils pourraient faire leur patrie.
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