jeudi 29 février 2024

[Kramer, Pascale] Les indulgences

 

 

 

 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Les indulgences

Auteur : Pascale KRAMER

Parution : 2024 (Flammarion)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

Automne 1977, Clémence, treize ans, est venue aider au déménagement de sa grand-mère, veuve depuis peu. La présence attendue de Vincent, son oncle, semble électriser tout le monde. Vincent, cet homme à femmes, commissaire-priseur de renom, l’adolescente en est amoureuse ; cinq ans plus tard, elle en devient la maîtresse occasionnelle. Une fois sue, cette aventure ébranle la famille, et c’est vers Clémence que vont les reproches. Question d’époque ?
Suivant sur plusieurs décennies le fil de cet événement aux longs retentissements, Pascale Kramer ausculte les sensibilités amoureuses de trois générations d’épouses, mères et filles.
Avec l’art qu’on lui connaît pour mettre en scène nos inévitables ambiguïtés, elle explore l’esprit de chaque époque à travers le prisme des femmes et de leur part active dans l’évolution de leurs relations avec les hommes, ses excès comme ses indulgences.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Pascale Kramer est née en Suisse en 1961. Elle a publié dix romans, parmi lesquels Les Vivants (Calmann-Lévy, 2000), L’Implacable Brutalité du réveil (Mercure de France, 2005, Grand Prix du roman de la SGDL, prix Schiller et prix Rambert), Un homme ébranlé (Mercure de France, 2011), Gloria (Flammarion, 2013), Autopsie d’un père (Flammarion, 2016, Grand Prix suisse 2017 de littérature) et Une famille (Flammarion, 2018).

 

 

Avis :

Au travers d’une relation amoureuse interdite dans une famille de la grande bourgeoisie suisse à la fin des années 1970, Pascale Kramer ausculte avec finesse les rapports de domination et de pouvoir entre hommes et femmes avant #MeToo et, entre ambiguïtés et non-dits, la complaisance sociale et familiale ambiante.

Depuis ses treize ans, Clémence est éblouie par Vincent, son oncle, un quadragénaire charismatique et séducteur compulsif à qui tout réussit sous l’oeil de toute façon tendrement indulgent de sa mère, la très sélect Nancy, qui n’a jamais caché son faible pour ce fils si charmeur et si brillant. Lorsqu’à ses dix-huit ans la jeune fille se jette à son cou, l’oncle de près de trois décennies son aîné, stupéfait mais ravi de l’aubaine, a ses mots : « Que tu es folle et magnifique. » S’ensuit une brève liaison qui aurait pu demeurer clandestine si Anne-Lise, l’épouse que les innombrables infidélités de Vincent ont quand même fini par mener au bord du divorce, n’avait soudain, bien des années plus tard, jeté le pavé dans la mare familiale. A dire vrai, la surprise chez les uns et les autres n’est pas toujours totale, mais, maintenant qu’on en parle tout haut, c’est Clémence, la grande coupable aux yeux de tous, qui concentre la réprobation générale.

Toute la force du récit tient en sa magistrale approche des ambivalences et des ressentis contradictoires au sein de cette famille. Exposant tour à tour le point de vue des différentes femmes du clan, sur trois générations dont on découvre les espérances et les désillusions respectives, la narration met en évidence les mécanismes qui assurent à Vincent son impunité, toutes ces « indulgences » diversement motivées qui expliquent que, l’oncle suivant son seul bon plaisir au lieu de s’interroger sur cette nièce en mal d’amour entre une mère gravement malade et un père cannibalisé par les souffrances de son épouse, personne ne juge bon d’intervenir, puis, pour mieux se dédouaner de toute responsabilité, chacun trouve plus commode d’incriminer la seule Clémence. Le tableau s’avère d’autant plus subtil que, loin de tout manichéisme, Pascale Kramer met génialement en scène ses personnages dans toutes leurs nuances et leurs complexités. Dotée d’une forte personnalité, Clémence est tout sauf le stéréotype de la victime désignée. Aux prises avec ses démons, Vincent reste un père attentif et un époux aimant malgré tout.

En pleine effervescence #MeToo, Pascale Kramer signe un roman qui, se gardant de tout jugement, met subtilement en lumière la complexité des ambivalences sociales et familiales, ainsi que l’enchevêtrement des responsabilités. (4/5)

 

 

Citation :

[François] On ne m’enlèvera pas de l’idée que rien n’interdisait à ces femmes de dire stop. (...)
[Lenka] Moi non plus je n’ai jamais dit stop, tu sais. (…) Je ne suis pas différente des autres, et ce n’est jamais facile de dire stop. Elle aurait aimé ajouter, mais François était trop entier pour comprendre, que ce n’est pas facile quand il y a beaucoup à perdre, beaucoup d’avantages, de privilèges.


 

2 commentaires:

  1. Salut ! Voilà qui est intéressant ! Je suis justement en train de lire un essai sur l'inceste : interdit sur le principe mais hyper répandu dans les faits...

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