vendredi 23 février 2024

[Attlee, Helena] Le violon de Lev

 




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Titre : Le violon de Lev
            (Lev's Violin)

Auteur : Helena ATTLEE

Traduction : Grégoire LADRANGE

Parution :  2021 en anglais,
                   2023 en français (Omblage)

Pages : 248

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Pendant un concert dans une petite ville du pays de Galles, Helena Attlee est captivée par le son d’un violon dont le timbre est différent de tous ceux qu’elle a entendus auparavant. Elle rencontre le musicien, qui joue dans un grand orchestre britannique ; son violon a appartenu à un Russe nommé Lev et a peut-être été fabriqué dans la ville italienne de Crémone, lieu de naissance du célèbre luthier Stradivarius. Quoique le violon soit usé et dépoli, sa voix est clairement unique. Pourtant, experts et commissaires-priseurs l’ont jugé sans valeur.

Ce mystère fascine l’auteure, qui, se familiarisant avec les principes de la fabrication des instruments de la Renaissance, se rend en Italie, à Oxford et à Paris, pour interroger des spécialistes de divers domaines au sujet du violon de Lev et de l’histoire du violon en général. Cette biographie d’un instrument donne vite lieu à une discussion plus large sur la politique et l’économie des lieux qu’Attlee traverse : chaque matériau du violon éclaire les échanges du début du monde moderne — de l’épicéa rouge, bois des Alpes déjà rare et régulé au 18e siècle, à l’ébène des violons baroques, importé d’Inde, d’Afrique ou d’Asie, car impossible à cultiver en Europe. Son enquête lui révèle également le double visage du violon, instrument qu’on trouve aux mains des communautés juives et roms les plus démunies (auxquelles le violon de Lev appartint sans doute) comme dans les orchestres princiers.

De Crémone en Italie à Rostov en Russie, en passant par Venise et Florence, Helena Attlee découvre une histoire qui va bien au-delà de la valeur de l’instrument qui avait suscité son enquête et nous révèle les mondes divers des sculpteurs, ébénistes, musiciens, compositeurs, marchands et exilés qui vivent du violon depuis plus de trois siècles.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Helena Attlee est une auteure britannique de non-fiction, actuellement écrivaine en résidence au Royal Literary Fund (RLF). Elle s’intéresse particulièrement à l’histoire de l’Italie et des arts ; elle a écrit, entre autres, Les Jardins du Japon (2010, Synchronique Éditions) et le best-seller The Land Where Lemons Grow (Le Pays où poussent les citrons, non traduit ; Penguin, 2015).

 

 

Avis :

Emue lors d’un concert par le timbre très particulier d’un violon, l’auteur passionnée par les arts et l’Italie s’est mise en tête de retracer la vie de l’instrument, certes jugé sans valeur par les experts, mais dans son imagination le précieux réceptacle des émotions qui, d’un siècle à l’autre, ont pittoresquement accompagné son passage de main en main de musiciens.
 
De Crémone, la ville berceau de la lutherie abritant encore aujourd’hui plus de cent cinquante ateliers, au marché de Rostov-sur-le-Don dans le sud de la Russie où le violon fut acheté à un certain Lev, en passant par les forêts des Dolomites où se récolte toujours le précieux épicéa rouge, bois de prédilection des Stradivarius, Helena Attlee a passé quatre ans sur les traces de l’instrument, se le représentant d’abord violon d’église, possiblement joué aux côtés de Corelli dans l’un de ces orchestres si à la mode lors des offices religieux de l’Italie du XVIIe siècle ou par l’une de ces petites filles placées dans les ospedali de Venise, les plus vieilles écoles de musique d’Europe où officia notamment Vivaldi. Il aurait pu aussi devenir violon de cour, comme ceux dont les Médicis usèrent pour éblouir sujets et rivaux de leur « magnificenza », ou plus simplement violon tsigane ou instrument de « musica popolare », cette musique folklorique qui fit si longtemps fureur en Italie.

Et puis, après ce tour d’Europe et cette balade au travers des siècles retraçant avec passion l’histoire du violon en général, c’est une expertise dendrochronologique de l’instrument en train de rendre l’âme, à bout de réparations après une vie livrée à nos suppositions, qui permet au final de découvrir précisément son origine tant fantasmée. Ainsi s’achève un périple, sans doute trop survolé pour passionner les spécialistes, mais riche de pittoresques découvertes pour les néophytes que ce panorama historique a d’autant plus de chances de séduire que sa narration très vivante chatouille imagination et curiosité quant au véritable parcours du violon de Lev, en même temps qu’elle se charge de l’émotion portée par ces objets que l’on investit d’une forte valeur sentimentale.

Alors, non, le violon de Lev n’était pas l’un de ces « vieux italiens » dont la cote atteint des sommets sur les marchés financiers et que l’on s’évertue depuis des lustres à copier à ne parfois plus savoir démêler le vrai du faux. Mais, nourrie des émotions des musiciens dont il a partagé la vie, sa voix n’en porte pas moins les échos de siècles enfuis, auxquels l’on prête bien volontiers l’oreille dans cette non-fiction soignée et captivante. (3,5/5)

 

 

Citations :

Dans quelques endroits – dont Venise au seizième siècle – les gens semblaient même considérer que la musique dominait toutes les autres formes d’éducation ; en effet, alors que moins d’un tiers de riches familles marchandes de la ville possédaient un livre, on disait que presque toutes avaient au moins deux instruments de musique chez elles.


A la fin du dix-septième siècle , les gens riches et connus des villes musicales telles que Venise, Milan et Bologne avaient l’habitude d’assister aux offices religieux un peu comme ils allaient à l’opéra.


Les instruments furent les armes en première ligne dans la bataille des Médicis pour être les meilleurs de toutes les cours d’Italie à distraire les dirigeants et diplomates étrangers, à éblouir leurs sujets et intimider leurs rivaux.


Dans l’histoire qu’il partageait avec ses ancêtres et ses cousins, le violon de Lev inspira les premières sonates et les premiers concertos, changea pour toujours l’expérience d’aller à l’église, nourrit de sa voix la diplomatie des cours italiennes, et révolutionna les spectacles musicaux en engendrant les orchestres.


… joué par un bon musicien, les vibrations des cordes qui le parcourent massent le bois et apprennent aux cellules à bouger ensemble. La manière dont vibre un violon est la clé de sa sonorité ; comme le violon n’oublie jamais ce qu’il a appris, il continue de porter dans le son qu’il produit l’empreinte de ses violonistes antérieurs et, peut-être aussi, une mémoire de leur musique. Florian Leonhard me dit que certains des instruments  sont si imprégnés des héritages de musiciens extraordinaires qu’un violoniste qui essaie un instrument pour la première fois dit parfois que le violon semble vouloir un jeu particulier, comme s’il voulait retrouver les habitudes et les pratiques de son dernier propriétaire.

 

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