vendredi 9 décembre 2022

[Quintana, Pilar] Nos abîmes

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Nos abîmes (Los abismos)

Auteur : Pilar QUINTANA

Traduction : Laurence DEBRIL

Parution : en espagnol (Colombie) en 2021
                  en français en 2022 (Calmann Lévy)

Pages : 320

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Avant la dispute de mes parents, la dispute de ma mère et de ma tante, avant que Gonzalo n’arrive dans la famille, j’avais des certitudes. Les mamans avaient des enfants parce qu’elles le désiraient.

1983, Cali. Claudia, huit ans, adore sa mère, mais cet amour n’est pas réciproque. Sa mère n’aime pas non plus son mari plus âgé et déjà chauve. Elle qui rêvait d’une vie glamour… Mais un jour, sa belle-soeur lui présente sa nouvelle  conquête, et la mère de Claudia en tombe immédiatement amoureuse.
Sous les yeux de l’enfant, elle va entamer une relation cachée, vivre un amour impossible, puis sombrer. Pris de pitié, son mari lui loue une maison haut perchée dans les montagnes pour qu’elle se repose. Mais ce changement de décor pourra-t-il la sauver de son agonie?

Un roman déchirant dont l’unique narratrice est une petite fille désarmée face à la tristesse de sa mère. Le portrait d’une famille fissurée de l’intérieur, mêlé à un décor foudroyant où les précipices sont omniprésents. Une lecture terriblement marquante.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Pilar Quintana est une romancière reconnue en Colombie. La Chienne (Calmann-Lévy, 2020), son quatrième roman, est devenu un best-seller dans son pays avant d’être vendu aux meilleures maisons littéraires du monde entier. Nos abîmes a connu un succès encore plus grand et a reçu le prestigieux prix Alfaguara 2021 couronnant le meilleur roman de langue hispanique.

 

Avis :

Nous sommes dans les années quatre-vingts en Colombie, dans la métropole de Cali située au pied de la cordillère occidentale du pays. Claudia, huit ans, grandit entre un père vampirisé par son travail de directeur de supermarché, et une mère dont, malgré tous ses efforts, elle n’obtient guère qu’une attention froide et distraite. Beaucoup plus jeune que son époux, cette jolie femme, issue d’une famille bourgeoise qui lui a refusé des études universitaires au nom de ce seul destin digne d’une jeune fille respectable qu’est le mariage, ne trouve un dérivatif à son ennui de mère au foyer que dans les pages de la presse du coeur. Jusqu’au jour où elle amorce une liaison, vite découverte, avec son jeune beau-frère. Tremblante, Claudia assiste à la colère de son père, puis à la dépression de sa mère, alors que le couple menace d’exploser. Pour sortir son épouse de son apathie, le père l’installe avec sa fille pour un séjour de repos dans une finca, au calme dans la montagne.

A partir d’une histoire extrêmement banale, mais racontée à hauteur d’enfant, Pilar Quintana réussit à nous happer dans une narration pleine de tensions et de menaces, menée par une fillette solitaire qui n’a que sa poupée préférée à qui confier ses peurs, mais aussi à protéger, comme bientôt sa mère, d’un environnement familial qui ne joue plus son rôle de cocon protecteur. Déstabilisée par les morts mystérieuses, accidents ou suicides, qui frappent par deux fois son entourage, l’enfant, témoin du mal-être maternel qu’elle absorbe comme une éponge, ne voit bientôt plus autour d’elle que dangers et motifs d’angoisse. Et tandis qu’avec inquiétude, elle observe sa mère s’étourdir de chimères, se lancer dans des initiatives toutes vouées à l’échec, pour finalement se replier dans l’inaccessible refuge de l’alcool et de la dépression, ses cauchemars semblent prendre de plus en plus forme dans la réalité, quand la colère transforme son père en un inconnu aux allures de monstre, quand leur maison pleine de plantes que l’on croirait toutes incontrôlablement volubiles devient une jungle étouffante, et quand autour de la finca, entre brouillards d’altitude, faune venimeuse et récits peuplés de fantômes, se creusent de vertigineux à-pics aux parapets absents ou défaillants.

C’est ainsi que, sous l’apparente simplicité de faits ordinaires, se dévoilent peu à peu, pour cette petite fille douloureusement et trop tôt arrachée à l’enfance, les sombres gouffres sur lesquels l’existence avance à pas de funambule, dans un fragile équilibre qu’elle réalise prêt à rompre à tout instant. Un récit aussi sobre que subtil, comme seuls savent en produire les auteurs de talent. (4/5)

 

 

Citation : 

Cette nuit-là, le sommeil ne m’a pas emportée et je n’ai pas non plus réussi à sombrer dans les profondeurs, là où tout est doux et où l’on se coupe du monde, mais je suis restée dans les limbes, ce qui s’apparente à dormir éveillée, piégée dans le minuscule espace entre mes paupières fermées et mes yeux.

 

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