mercredi 21 décembre 2022

[Godfard, Dominique] Vieillir, c'est vivre...

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Vieillir, c'est vivre...

Auteur : Dominique GODFARD

Parution : 2022 (Cinq Sens)

Pages : 120

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Ces petites considérations sur la vieillesse émanent d'une octogénaire toute " fraîche " (elle vient de souffler ses quatre-vingt-une bougies) qui tente d'analyser ce qui lui arrive puisque le grand âge vous tombe dessus sans crier gare, malgré de nombreux signaux avant-coureurs ! C'est ainsi qu'on se voit, un jour, offrir une place assise dans le métro et qu'on s'en étonne fort... "Quand donc arrêterons-nous d'être jugés et de nous juger nous-mêmes à l'aune de nos âges ? ", interroge Dominique Marie Godfard dans son témoignage qu'elle veut le plus honnête possible mais non dénué d'humour.
Son propos s'articule autour de trois parties principales : une sorte d' "état des vieux" sur les inexorables effets de l'âge, les quelques moyens et/ou parades susceptibles d'aider à affronter l'ultime combat en gardant tête haute et, enfin, les possibles bonheurs du grand âge à l'heure où survient "... une qualité de vie morale améliorée par le délestage des ambitions folles, des afféteries inutiles comme des remords excessifs."

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Née à Casablanca en 1941, Dominique Marie Godfard habite aujourd'hui Mortagne-au-Perche, dans l'Orne. D'abord nouvelliste, elle s'est tournée en 1999 vers le roman (LA PAMPA). Ses dernières publications : Le bus pour Drancy (roman, 2014), Une année percheronne (Journal, 2015), Le bonheur passait, il a fui ! (nouvelles, 2016), Variations sur le regard (billets, 2018), L'accourue en son jardin percheron (Journal, 2019) et Le conflit de l'an 2040 (roman, 2021).

 

Avis :

Simone de Beauvoir affirmait : « Vivre, c’est vieillir, rien de plus ». Mais, précise ce livre : vieillir, c’est aussi vivre, encore et à défaut de toujours, puisque le grand âge oblige à oublier ce mot. Tout juste octogénaire, Dominique Godfard nous en fait la démonstration, au gré de quelques réflexions dont la sincérité se teinte d’un discret humour.

Lorsque l’on aborde sa huitième décennie, même sans accroc majeur, force est de constater que la vieillesse n’est pas seulement dans le regard d’autrui, et qu’au-delà de « l’élasticité des tissus » qui commençait déjà à manquer à Alain Souchon trentenaire, le  « logement » dont nous sommes « locataires » – pour reprendre les mots de Charles Gounod – perd de jour en jour toujours plus de ses anciennes fonctionnalités. Faisant avec lucidité mais bonne humeur le tour du propriétaire pour un inventaire des dégâts et de leurs conséquences, et donc naturellement amenée à envisager de futurs stades que certains de ses proches et amis ont déjà dépassés – mort, euthanasie, placement en Ehpad –, l’auteur se refuse à toute démoralisation, bien décidée à boire jusqu’à la lie le verre désormais plus qu’aux trois quarts vide de son existence.

C’est ainsi que, par ailleurs rassérénée à l’idée de survivre au travers de ses petits-enfants, dont l’affection et le soutien, notamment au travers de l’informatique et des smartphones, l’aident à ne pas perdre pied dans un monde dont elle peine à suivre les déconcertantes mutations, elle trouve même quelques vertus à cet âge, qui, délesté « des ambitions folles, des afféteries inutiles comme des remords excessifs », incite d’autant plus à se recentrer sur l’essentiel que l’on en sait le terme proche. Alors, confortablement blottie dans le paisible coin de nature percheronne qu’elle s’est choisie, ragaillardie par l’amour et par l’amitié de ses proches, cette amoureuse des mots s’adonne à coeur joie à la lecture, mais aussi à l’écriture, cette passion dont on devine qu’elle aurait tant aimé y consacrer bien plus que sa maturité, son premier roman ayant dû attendre qu’elle approche de la soixantaine pour entamer sa vie de papier.

Un livre touchant dans son humble sincérité, qui, au fil de ses réflexions agrémentées de jolies citations choisies, révèle autant quelques facettes de la personnalité de son auteur qu’il incite, à la lumière d’une lucidité positive, à savourer l’inestimable valeur de la vie, même, et surtout, lorsque la vieillesse accélère son inexorable compte à rebours. (4/5)

 

 

Citations : 

Comme l’affirme si justement Charles Gounod : « Ce qui vieillit en nous, c’est le logement. Le locataire ne vieillit pas. »


J’ai dans mon cercle d’amies rapprochées un assez grand nombre de femmes qui n’ont pas eu d’enfants : Gisèle, Teolinda, Sophie, Kate, Betty…. Et je m’aperçois que toutes, âgées de plus de 85 ans et même à la périphérie des 90 ans, mènent un combat acharné et très efficace contre le vieillissement. Mais quelle pêche, mes aînées ! Faut-il en conclure que l’habitude de s’occuper de sa seule personne, l’application forcenée qu’on y met puisqu’en l’absence de progéniture, on ne peut trouver de l’aide qu’auprès des amis ou des relations, rendraient plus efficace et plus fort… qu’en définitive, un souci permanent de soi aurait des vertus conservatrices de l’ordre de celles d’un congélateur ou de la saumure ?


Comme l’indique Antoine Compagnon : « Vieillir offre du moins un avantage : c’est que l’on ne mourra pas d’un seul coup, mais peu à peu, bout par bout. »


François Cheng dans son ouvrage intitulé « De l’âme » indique que dans la conception hindouiste de l’âme, on ne dit pas de l’homme qui meurt qu’il « rend l’âme » mais qu’il « abandonne son corps »…


Un détail qui a son importance : les prix de l’euthanasie ne sont pas franchement donnés, environ 10 000 euros, déplacement et hébergement non compris. Les pauvres n’ont qu’à aller se jeter à la baille.


(…) le corps médical indqua qu’elle ne pouvait plus vivre seule, malgré les soins journaliers de quelques auxiliaires de vie à domicile, et nous résolûmes de lui annoncer qu’elle serait hospitalisée en maison de santé dans le Lot-et-Garonne… pour quelque temps ! Le mensonge, justifié par le désir d’échapper aux hurlements et crises de nerfs qu’elle n’aurait épargnés à personne (pas même à elle-même), n’en était pas moins une immense lâcheté qui me revêtit des habits de Judas pour longtemps et peut-être pour toujours ? C’est la raison pour laquelle je voudrais insister sur les tonnes de culpabilité qui écrasent les accompagnants d’une vieille personne qu’on place en Ehpad de force ou par ruse, sur ce déchirement qui consiste à « abandonner » le parent devenu trop lourd à porter comme l’on se débarrasse d’un objet qui ne fonctionne plus trop bien et devient encombrant…


« On ne peut s’empêcher de vieillir, mais on peut s’empêcher de devenir vieux. «  (Henri Matisse)


(...) souvent, les grandes utopies comme les grandes idées, sont des paravents derrière lesquels on se dissimule, faute d’avoir d’autre moyen de se montrer intéressant.


(…) pour Gustave Thibon : « Bien vieillir : (c’est) gagner en transparence ce qu’on perd en couleur. »
 
 
« Je trouve que les adultes qui ne lisent jamais rien vieillissent mal. Quelles que soient leurs qualités par ailleurs. Même ceux qui voyagent, qui ont des pratiques culturelles, comme on dit. J’ai l’impression qu’ils sont mutilés. » Elle [Danièle Sallenave] précise : « Vivre sans lire, ce sera toujours vivre. Mais vivre comme un corps sans âme. Comme un arbre sans la sève et le vent. »


Je partage l’opinion de Laura Morante qui déclare : « La vraie tragédie n’est pas de vieillir mais de ne plus être capable de voir la beauté qui nous entoure. »

 

Du même auteur sur ce blog :

 
 

 


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire