lundi 5 décembre 2022

[Gallois, Anne] L'Amanticide

 



 

J'ai aimé

 

Titre : L'Amanticide

Auteur : Anne GALLOIS

Parution : 2022 (De Borée)

Pages : 224

 

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

J'ai été fascinée par la meurtrière. Cette femme, qui clame son innocence, aurait pu être n'importe laquelle d'entre nous. Le psychiatre l'a d'ailleurs confirmé à l'audience : ''Cette affaire est d'une banalité consternante''
Un mari gentil et fidèle, deux beaux enfants, une belle maison, un travail qu'elle aime... Aux yeux des autres, Hélène a tout pour être heureuse mais cette fille d'ouvrier qui a épousé un notable se morfond. A l'orée de la quarantaine, elle panique. Sa peur de vieillir vire à l'obsession, entraîne une succession de dérapages incontrôlés, de mensonges fatals.
Au cours de visites oppressantes en prison, la narratrice tente de comprendre comment, en une seconde, la vie de la femme rangée a tourné au cauchemar. 
Un amanticide dans une atmosphère digne d'un film de Claude Chabrol.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Journaliste indépendante, Anne Gallois a travaillé pour des quotidiens et magazines de la presse écrite et réalisé des documentaires pour la télévision. L'Amanticide est son sixième livre. Le précédent, Mes Trente Glorieuses, a reçu le prix de l'Académie française Anna de Noailles.

 

Avis :

Elles ont toutes les deux fait un mariage d’amour et finalement vécu les mêmes désillusions, leur vie de quadragénaires ne s’avérant plus qu’ennui et désespérance. L’une, Hélène, a fini par tuer son amant avec préméditation. L’autre, la narratrice, est obsédée par leurs similitudes et s’interroge : qu’est-ce qui, soudain, vous pousse à l’acte, faisant exploser la banalité du quotidien en un de ces faits divers qui défraient la chronique ? C’est ce qu’elle va essayer de comprendre en se rendant régulièrement au parloir de la prison où Hélène purge une peine de vingt ans d’emprisonnement.

La narratrice a épousé un homme aux antipodes de son milieu bourgeois, Hélène s’est mariée bien au-dessus de sa condition. Le résultat est le même après vingt ans : les deux se sentent prisonnières d’un quotidien pour lequel elles ne sont pas faites et, sans encore se résoudre à tenter d’y changer quoi que ce soit, supportent de plus en plus difficilement leurs désillusions. Typiquement bovaryste, Hélène rêve pourtant d’une grande passion, s’aveugle quand elle croit l’avoir trouvée auprès d’un amant d’un soir, et, incapable de revenir à la réalité, commet ce qui ressemble à un suicide indirect : un meurtre étrangement signé qui, malgré ses dénégations désespérées, ne lui donnera aucune chance d’échapper à ses responsabilités.

Troublée de se reconnaître en découvrant dans les journaux le parcours d’Hélène avant son passage à l’acte, la narratrice multiplie les conversations avec cette femme qui, du fond de sa prison, continue à se réfugier dans le déni de la réalité, mentant autant à elle-même qu’à tout le monde dans sa version des faits pleine de contradictions. Loin d’un monstre, c’est une personnalité fragile, souffrant d’état limite, qui se révèle peu à peu, au fur et à mesure que l’on devine ses troubles affectifs et narcissiques, venus dès l’enfance.

Rapide et plaisant à lire, ce livre qui, avec un certain suspense, entremêlent les récits de deux vies banales, pleines de similitudes, pour en faire dérailler une quand l’autre réussit à retrouver un cap, pose d’intéressantes questions : qu’est-ce qui finit par transformer une personne ordinaire en meurtrier ? Pourquoi l’une, et pas l’autre, lorsque les circonstances sont comparables ? Si l’auteur pointe les failles personnelles de son personnage, laissant le lecteur libre de tirer lui-même ses conclusions, l’on aurait quand même aimé que la narration s’enrichisse d’une réflexion plus approfondie, qui lui donne davantage de corps et en renforce l’intérêt. A défaut, l’on ressort un peu sur sa faim de cette lecture, en tous les cas troublante lorsqu’elle fait entrevoir les incertains rivages de ce qui ressemble à la névrose et à la psychose. (3,5/5)

 

 

Citations : 

Un jour, j’ai surpris mon amant dans notre lit avec une femme qui n’était pas moi. Je les ai vus depuis l’extérieur de la maison, par la fenêtre qui donne sur la chambre. En un éclair, j’ai cassé avec le poing les quatre carreaux. Sans m’en rendre compte, sans voir que le sang coulait, sans ressentir la douleur. J’aurais eu un fusil, aurais-je tiré ?
Les tueurs ne m’ont jamais paru des monstres mais des êtres fragiles, incapables, à cause d’une faille dans leur système, de bloquer le passage à l’acte. J’ai toujours tenté de comprendre comment une personne nullement prédisposée à donner la mort pouvait accomplir le geste fatal et franchir la frontière.


Pour en revenir à ma cliente, on l’a jugée sur ses mensonges. Oui, elle a beaucoup menti, elle s’est enferrée dans ses contradictions. Comme l’a dit mon confrère : « Le mensonge est contagieux. Un premier en enchaîne forcément mille autres, des trains de mensonges, lourds et interminables convois. » Les bien-pensants ne comprennent pas le mensonge, conclut la jeune femme qui dévie sans transition vers une réflexion déroutante : Pourquoi certains basculent et d’autres pas ? C’est rassurant de savoir qu’on y échappe, qu’on ne le fait que par procuration. C’est une façon d’exorciser cette pulsion qui est en nous.


Pourquoi un mensonge serait-il plus grave qu’un autre ? A enchaîné Me Féliaud. Quand vous étiez écolier et que vous aviez des mauvaises notes, ne vous est-il pas arrivé de trafiquer votre bulletin scolaire ? Et si un de vos proches est atteint d’un cancer et n’en a plus que pour quelques mois, allez-vous lui dire la vérité ? Ma cliente a menti certes, mais y a-t-il une échelle de valeurs dans les mensonges ? Elle a menti pour se sauver, pour protéger ses enfants et ne pas ternir l’image de la mère parfaite.

 

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