mardi 13 décembre 2022

[Diallo, Diaty] Deux secondes d'air qui brûle

 


 

 

J'ai aimé

 

Titre : Deux secondes d'air qui brûle

Auteur : Diaty DIALLO

Parution : 2022 (Seuil)

Pages : 176

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

Entre Paname et sa banlieue : un quartier, un parking, une friche, des toits, une dalle. Des coffres de voitures, chaises de camping, selles de motocross et rebords de fenêtres, pour se poser et observer le monde en train de se faire et de se défaire. Une pyramide, comme point de repère, au beau milieu de tout ça.

Astor, Chérif, Issa, Demba, Nil et les autres se connaissent depuis toujours et partagent tout, petites aventures comme grands barbecues, en passant par le harcèlement policier qu’ils subissent quotidiennement.

Un soir d’été, en marge d’une énième interpellation, l’un d’entre eux se fait abattre. Une goutte, un océan, de trop. Le soulèvement se prépare, méthodique, inattendu. Collectif.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Diaty Diallo a grandi entre les Yvelines et la Seine-Saint-Denis, où elle continue d’habiter aujourd’hui. Elle pratique depuis l’adolescence différentes formes d’écriture : de la tenue journalière d’un Skyblog à quinze ans à la rédaction d’un livre aujourd’hui, en passant par la création de fanzines et la composition de dizaines de chansons. Deux secondes d’air qui brûle est son premier roman.

 

 

Avis :

C’est une soirée banale, « presque chiante ». Chérif fête ses partiels universitaires avec ses copains Astor, Issa et Demba autour d’un barbecue improvisé au pied des tours de leur quartier, sur la dalle où trône la pyramide emblématique de la cité, un bâtiment où l’on se rassemble en sous-sol pour la musique et la fête. Mais soudain tout bascule. Un énième contrôle d’identité en surface et une évacuation, à coups de gaz lacrymogène, de la teuf souterraine en cours, tournent au drame et à la bavure policière : Samy, le petit frère de Chérif, est abattu d’une balle. Pour les jeunes du quartier habitués au harcèlement des « gens en bleu », c’est la goutte de trop : entre douleur et colère, ils préparent une sédition collective, pour le moins explosive.
 
Issue des banlieues, Diaty Diallo est aujourd’hui une militante antiraciste, une fidèle des « trop nombreux événements de commémoration et marches qui ponctuent [les] années de lutte ; des mères, pères, frères, sœurs, ami·es qui à la suite de la perte de l’un·e des leurs ont été forcé·es de s’engager au combat. » Ce roman crie sa rage et sa révolte, au fil d’une écriture incandescente et vibrante, pleine d’une oralité brute, sans fard ni artifice, qui ne le rend que plus percutant. Dans un crescendo enflammé dépeignant des quartiers de plus en plus encerclés, par la pression immobilière qui grignote inexorablement friches et espaces encore libres, par le harcèlement policier qui, sempiternellement, force les habitants à justifier d’une existence invalidée « par principe », s’appesantit une atmosphère de cocotte-minute, que chaque nouvelle humiliation, chaque injustice supplémentaire, rendent dangereusement plus explosive.

C’est donc assez logiquement, qu’après avoir créé l’empathie pour ses personnages endeuillés après des années d’iniquité et d’impuissance, après avoir partagé leur sentiment de révolte grossi depuis des profondeurs qui ne suffisent plus à le contenir, le récit s’achemine vers sa déflagration finale, une insurrection collective qui retentit comme une prémonition crédible et un véritable acte politique de la part de l’auteur engagée.

Résolument manichéen dans sa colère et dans sa détermination à se faire entendre, ce livre est un véritable cri de guerre, un brûlot qui n’a que faire du politiquement correct et met les pieds dans le plat pour crier à la face du monde l’urgence, la révolte, la peur aussi : « Faut pas nous plier, faut pas nous plier, faut pas nous pourchasser, arrêtez de nous faire courir, faut pas nous tabasser, nous violer, nous flinguer. Faut arrêter s’il vous plaît. » C’est aussi un premier roman admirablement maîtrisé. (3,5/5)

 

 

Citations :  

Les petits frères ont le rire et l’apostrophe faciles – ou ils ont l’air borné et arrogant selon le point de vue –, et ils se promènent toujours par grappes d’une dizaine. Mais dans les faits chacun est souvent accaparé par un truc noir, insondable. Une affaire bien à lui qu’il tente de chasser, en bande et en allant plus vite que le vent. Solitaires entre eux. T’as des problèmes chez toi ? Fais de la bécane.



Peine. Période qui ne possède pas d’instruments de mesure. Ni sablier ni clepsydre ni bougie ni horloge. Personne n’aura l’autorisation de venir s’asseoir et de lui expliquer ce qu’il vit, ni de donner de noms à son épouvante, ni de formes à ses larmes. S’il veut en pleurer des froides, il pleurera des perles de glace, et s’il ne veut pas parler, il ne parlera pas.


 

2 commentaires:

  1. Bonjour Canetille, eh bien c'est très riche par ici ! Je découvre le blog grâce au lien que Keisha (En lisant en voyageant) a mis dans son billet sur le roman de Grégoire Bouillier, et je repasserai !
    A bientôt !

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    1. Bienvenue Ingannmic. Ravie de ton passage et de ton petit mot. A bientôt donc.

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