jeudi 23 juin 2022

[Deshaies, Michelle] XieXie

 




 

J'ai aimé

 

Titre : XieXie         

Auteur : Michelle DESHAIES

Parution : 2018 (David)

Pages : 174

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Chine, 1934 — Dès son arrivée au port de Guilin, Rose, une jeune Anglaise, se prend d’affection pour XieXie, une servante chinoise au service de son mari. Raymond, que Rose est venue rejoindre, est grandement accaparé par la mine dont il est le directeur. Il voit donc d’un bon oeil la relation qui naît entre les deux femmes.
Pendant ce temps, la situation politique se dégrade en Chine. Alors que les troupes nationalistes de Tchang Kaïchek et celles, communistes, de Mao Zedong s’affrontent, l’arrivée imminente des Japonais crée la panique à Guilin. Les Occidentaux sont obligés de rentrer dans leur pays. Rose et Raymond ne se résigneront toutefois pas à laisser XieXie derrière eux…
Un roman dépaysant, d’une grande délicatesse, qui nous transporte dans une époque troublante et méconnue de l’occupation coloniale de la Chine.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Originaire de Haileybury, dans le nord de l’Ontario, Michelle Deshaies a une formation en journalisme. Elle a fait une grande partie de sa carrière comme rédactrice, traductrice, conseillère en communication et organisatrice d’événements. Depuis quelques années, elle se consacre entièrement à la création littéraire. Elle signe ici son premier roman.

 

 

Avis :

1934. La jeune Anglaise Rose débarque à Guilin, dans le sud de la Chine, où son mari Raymond est directeur d’une mine de charbon. Un triangle amoureux se met en place entre le couple et sa domestique chinoise XieXie, dont la grossesse vient à point combler le désir d’enfant d’une Rose condamnée aux fausses couches. Mais l’invasion japonaise qui, en 1937, force temporairement la trêve entre l’armée nationaliste de Tchang Kaïchek et les troupes communistes de Mao Zedong, provoque la fuite précipitée des Occidentaux. Dans la panique générale, Rose et Raymond parviendront-ils à emmener XieXie, dont le terme est désormais imminent ?

Après une première partie assez peu convaincante, centrée sur une très angélique romance qui saupoudre de bons sentiments et de sensualité lesbienne un amour ancillaire triangulaire sans doute trop idéalisé pour son contexte colonial, on se laisse plus volontiers emporter par l’accélération du récit, lorsque la réalité et ses contingences viennent dramatiquement rattraper les gentils tourtereaux. Entrecoupée de rappels, brefs mais efficaces, des évènements qui, dès le milieu du XIXe siècle, firent de la Chine une semi-colonie soumise aux puissances occidentales et au Japon, dans un cycle interminable de guerres civiles et d’occupations étrangères, la narration prend alors plus d’ampleur, en même temps qu’une réelle intensité dramatique. Alors qu’approche l’encore invisible, mais implacable marée japonaise précédée par la rumeur de ses exactions, l’on assiste, impuissant, au développement d’une tragédie aux allures de sauve-qui-peut général.
 
D’une écriture fluide et agréable, mais émaillée çà et là d’expressions peut-être plus correctes au Canada qu’en France ; d’une sobriété efficace favorisant rythme et suspense avec une juste dose de contexte historique, mais assis sur une romance un peu trop fleur bleue pour demeurer vraiment crédible ; ce premier roman pas inintéressant m’aurait sans doute bien davantage séduite dans une version plus ambivalente quant aux sentiments et motivations de Rose et de Raymond vis-à-vis de leur domestique chinoise XieXie. (3/5)

 

 

Citations :  

Depuis des temps immémoriaux, la Chine et le Japon ont toujours éprouvé des sentiments d’amour et de haine entre eux. Le Japon n’envisage la Chine que comme une terre d’invasion qui lui rapportera de l’espace, des richesses et une plaque tournante pour dominer le reste de l’Asie. De leur côté, tout au long du XIXe siècle et au début du xxe, les Chinois sont nombreux à se rendre au Japon pour apprendre le fonctionnement de l’administration publique et pour étudier dans les universités nippones.     
À partir de 1931, les deux pays entament une nouvelle étape dans leurs relations et se font une guerre non déclarée autour de Shanghai et Nanjing. De son côté, le Japon envahit inlassablement le nord et l’est de la Chine. Les nains victorieux avancent vers le sud et le port de Guangzhou.     
Les nationalistes de Tchang Kaï-chek et les communistes de Mao Zedong unissent donc leurs efforts contre le Japon. Les communistes déclarent enfin officiellement la guerre aux Japonais à Jiangxi alors que les nationalistes reconnaissent leur faiblesse et se refusent à entraîner la Chine dans des hostilités strictement vouées à la défaite. Selon eux, les Japonais, ces nains victorieux, sont une maladie de la peau alors que les communistes sont une maladie du cœur. Tchang Kaï-chek veut donc aller à l’essentiel et l’essentiel n’est pas l’étranger.     
En décembre 1937, les Japonais envahissent la ville de Nanjing, alors capitale de la Chine, et commettent des atrocités connues sous la dénomination « viol de Nanjing ». La capitale est transférée à Chongqing. Devant ces circonstances, les Japonais se croient avisés d’offrir des conditions de paix au dirigeant chinois du moment, Jiang Jieshi, chef des nationalistes. Les nains victorieux choisissent de poursuivre leur avancée et d’établir des directions marionnettes dans les régions de la Chine qu’ils maîtrisent. Leur férocité est sans relâche.
 

Invité par Rose qui aimait entendre parler du pays de sa douce amie, Qipin Charles lui raconta cette période de la grande famine qui sévissait toujours, quand le gouvernement n’arrivait pas à nourrir son peuple. On vendait de tout pour manger. Des villageois vendaient leurs vêtements, leurs meubles, de tout par nécessité. Le marché noir s’était généralisé et les enfants étaient devenus une commodité. On offrait trois yuans pour un enfant de neuf ans, parfois un bol de riz et deux kilos d’arachides, et même pour si peu, plusieurs ne trouvaient pas preneur pour leur progéniture. Entre 1957 et 1960, le parti communiste a pillé son peuple par une série de mesures tout aussi désastreuses qu’inefficaces les unes que les autres. L’argenterie de tout genre et la porcelaine ont été ramassées soit pour être envoyées dans des fonderies ou pour être amalgamées à d’autres matériaux de construction. On a procédé de même pour les chaudrons de fonte et les ustensiles de fer. Les porcs et les matériaux de construction de porcheries géantes ont été saisis. En 1959, les économies des banques d’état ont été gelées pour financer les grands projets d’irrigation. Ce même été, le parti persécuta un demi-million d’étudiants et d’intellectuels et les déporta dans des endroits isolés pour les contraindre au travail. Devant ce pillage de biens et de personnes et cette déstructuration complète, le peuple a réagi avec ses propres stratégies. Ils ont été des milliers à faire preuve d’inertie naturelle au travail, à voler les cantines, à s’approprier les récoltes pour les manger ou les vendre, et à faire gonfler les grains dans l’eau pour en doubler la quantité et leur revenu.
 
 
Pendant que les membres du parti s’empiffraient ouvertement, les gens des communes, les gens ordinaires s’appropriaient en secret tout ce qui était possible de trouver pour nourrir leurs familles, pour approvisionner leurs voisins. Les fermiers s’en sont donné à cœur fendre dans une orgie de boucherie. Ils ont tué leurs volailles et leur bétail en représailles. Pour s’assurer de ne pas perdre leurs butins, ils ont choisi de consommer le fruit de leur labeur et de chercher les raisons de faire la fête pour manger leur production, la mettre en réserve, la vendre sur le marché noir, et de cacher leur profit en sécurité. Malgré tout, les gens ne voyaient pas de raisons de faire des économies parce que, d’un jour à l’autre, ils pouvaient tout perdre selon les sautes d’humeur du régime.
Tout le monde, de haut en bas de la société chinoise, volait pendant cette période. Ce n’était pas un moyen de résister à l’État et tous en souffraient. Quand on cachait le riz, les travailleurs crevaient de faim. C’était la seule façon d’avoir une ration de plus. Avec le Grand Bond en avant, la société chinoise est devenue une horde de petits et de grands voleurs.


 

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