samedi 9 mai 2020

[Postel, Alexandre] Un automne de Flaubert






J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Un automne de Flaubert

Auteur : Alexandre POSTEL

Editeur : Gallimard

Année de parution : 2020

Pages : 144

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

«1875 : à cinquante-trois ans, Gustave Flaubert se considère comme un homme fini. Menacé de ruine financière, accablé de chagrins, incapable d’écrire, il voudrait être mort.
Il décide de passer l’automne à Concarneau, où un savant de ses amis dirige la station de biologie marine. Là, pendant deux mois, Flaubert prend des bains de mer, se promène sur la côte, s’empiffre de homards, observe les pêcheurs, regarde son ami disséquer mollusques et poissons.
Un jour, dans sa petite chambre d’hôtel, il commence à écrire un conte médiéval d’une grande férocité – pour voir, dit-il, s’il est encore capable de faire une phrase...
À partir de ces éléments avérés, j’ai imaginé le roman de son oisiveté, le rêve de sa rêverie, la légende de sa guérison. Cela aurait pu s’appeler : Gustave terrassant le dragon de la mélancolie.» (Alexandre Postel)

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Alexandre Postel est né en 1982. Il est l’auteur de trois romans parus aux Éditions Gallimard : Un homme effacé (Goncourt du premier roman 2013, prix Landerneau découvertes), L’ascendant (prix du Deuxième Roman 2016) et Les deux pigeons (2016).

 

Avis :

A cinquante-trois ans, Flaubert est en 1875 en pleine crise existentielle : anéanti par les difficultés financières, dévasté par la perspective de devoir vendre sa chère maison en Normandie, il ne trouve même plus la consolation auprès de ses pairs et proches, dont beaucoup ont déjà quitté ce monde. Il décide de fuir ce présent insupportable en se rendant à Concarneau, auprès de son ami le naturaliste Pouchet : il va y passer la parenthèse d’un automne, à ne penser qu’à manger et dormir, à se baigner et respirer l’odeur de sardine qui monte du port jusqu’à la fenêtre de sa petite pension, et à observer les travaux de dissection de sa scientifique relation. Saura-t-il retrouver la force et le goût d’écrire encore une ligne ?

Comme le homard dont il observe la mue dans les aquariums du Docteur Pouchet, Flaubert se retrouve en suspension entre deux périodes de sa vie, moment d’angoisse et de vulnérabilité, où l’écrivain, comme à nu et écorché, se retranche dans cette petite ville fortifiée de Bretagne, le temps de retrouver les ressources nécessaires à la poursuite de son existence. Pendant cette période de flottement et d’attente, l’on découvre un homme sensible et mélancolique, ennemi de la médiocrité et désemparé de se voir tiré de son univers littéraire par des contingences matérielles, souffrant d’avoir perdu l’inspiration mais néanmoins bonhomme et bon vivant : un portrait tout en nuances et saisissant de vie, dans un style élégant qui incorpore très naturellement les mille détails fournis ou suggérés par la correspondance de l’écrivain.

L’on y assiste aux affres de la création et de l’écriture, au long travail de maturation qui fait soudain couler l’idée, au travail d’orfèvre de l’auteur qui cisèle son texte, le tout reconstitué à partir des avants-textes et des manuscrits de La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, l’un des Trois Contes que Flaubert publiera deux ans plus tard, peu avant la fin de sa vie.

Admirablement documenté et réussissant à redonner vie avec simplicité et naturel à l’homme qu’était le grand écrivain, ce texte très abouti fait aussi vivre de l’intérieur le processus créatif et la lente gestation d’une œuvre devenue intemporelle. (4/5) 


 

Citations :

Au dîner, Flaubert se montre toujours joyeux. À la détente qui suit l’effort de nager s’ajoute la satisfaction, propre aux mélancoliques, d’être venu à bout de la journée, le soulagement du crépuscule.

Heureux celui qui accorde à son travail suffisamment de consistance, de réalité objective, pour pouvoir se blâmer d’être en retard. En comparaison, la littérature est une bien fuyante occupation : projets avortés, sables mouvants, irréalité perpétuelle – devant une horloge sans aiguilles, qui peut se dire en retard, qui sait s’il est à l’heure ?

Malgré toutes les choses qui le séparent de ces ouvrières de la mer, c’est un sentiment de proximité qu’il éprouve. L’activité de ces femmes n’est pas si différente de la sienne : de même que la sardinière ressuscite les poissons morts dans la vie éternelle de la conserverie, le travail de la phrase ne consiste-t-il pas à figer les idées dans l’éternité du style ?

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