J'ai aimé
Titre : Quatre jours sans ma mère
Auteur : Ramsès KEFI
Parution : 2025 (Philippe Rey)
Pages : 204
Présentation de l'éditeur :
Un soir, Amani, soixante-sept ans, femme de ménage à la retraite dans
une cité HLM paisible en bordure de forêt, s'en va. Pas de dispute, pas
de cris, pas de valise non plus. Juste une casserole de pâtes piquantes
laissée sur la cuisinière et un mot griffonné à la hâte : " Je dois
partir, vraiment. Mais je reviendrai. " Son mari Hédi, ancien maçon
bougon, chancelle. Son fils Salmane s'effondre. À trente-six ans, il vit
encore chez ses parents, travaille dans un fast-food, fuit l'amour et
gaspille ses nuits dans un parking avec son meilleur ami, Archie, et
d'autres copains cabossés.
Père et fils tentent de comprendre ce qui a poussé le pilier de leur famille à disparaître. Alors que Hédi réagit vivement, réaménage l'appartement, enlève son alliance, Salmane met tout en œuvre pour retrouver sa mère. Son enquête commence, avec de maigres indices – une lettre, un chat tigré, une clé rouillée –, et remue un nombre incalculable de regrets. Il pressent que ce départ est lié à l'histoire de ses parents, orphelins émigrés de Tunisie. Il devine aussi que l'événement va tous les transformer, surtout lui, Salmane, qui voit enfin advenir son passage à l'âge adulte.
Dans ce premier roman plein de verve et de sensibilité, Ramsès Kefi compose une fresque intime et sociale, où le quartier ouvrier de la Caverne est à lui seul un personnage, avec ses habitants pudiques, son PMU d'antan, ses reproductions de bisons sur les murs... Ce texte est un chant d'amour aux mères qui portent le poids de leur famille, sans bruit et sans reconnaissance, aux hommes fragiles, impétueux mais débordant de tendresse, à ceux qui ont le courage d'aller chercher dans le passé les remèdes aux maux du présent.
Père et fils tentent de comprendre ce qui a poussé le pilier de leur famille à disparaître. Alors que Hédi réagit vivement, réaménage l'appartement, enlève son alliance, Salmane met tout en œuvre pour retrouver sa mère. Son enquête commence, avec de maigres indices – une lettre, un chat tigré, une clé rouillée –, et remue un nombre incalculable de regrets. Il pressent que ce départ est lié à l'histoire de ses parents, orphelins émigrés de Tunisie. Il devine aussi que l'événement va tous les transformer, surtout lui, Salmane, qui voit enfin advenir son passage à l'âge adulte.
Dans ce premier roman plein de verve et de sensibilité, Ramsès Kefi compose une fresque intime et sociale, où le quartier ouvrier de la Caverne est à lui seul un personnage, avec ses habitants pudiques, son PMU d'antan, ses reproductions de bisons sur les murs... Ce texte est un chant d'amour aux mères qui portent le poids de leur famille, sans bruit et sans reconnaissance, aux hommes fragiles, impétueux mais débordant de tendresse, à ceux qui ont le courage d'aller chercher dans le passé les remèdes aux maux du présent.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Ramsès Kefi a été journaliste à Rue89 puis à Libération. Il signe ici son premier roman.
Avis :
Ramsès Kefi s’inscrit pleinement dans la tradition des premiers romans, souvent nourris d’une matière autobiographique traversée par l’urgence de dire et le désir de sonder une vérité intime. Journaliste attentif aux récits populaires et aux vies en marge, il signe une oeuvre personnelle, centrée sur un retour à soi et à ses origines. À travers l’enquête intime provoquée par la disparition soudaine d’une mère, il tisse une déclaration d’amour aux quartiers populaires, tout en mettant à nu les silences familiaux et les racines tenues à distance.
À trente-six ans, le narrateur, qui a abandonné ses études depuis longtemps, vit encore chez ses parents dans la cité des Cavernes, en banlieue parisienne. Un nom prédestiné, assorti aux tags de mammouths, pour désigner un lieu où le temps semble figé. Sa chambre d’enfant, tapissée de Schtroumpfs, est restée intacte, reflet d’une existence sans heurts ni projets, rythmée par des petits boulots sans avenir et des après-midis à traîner. Le cocon familial repose sur une mère discrète, entièrement dévouée, et un père taiseux, bougon, volontiers éruptif. Ensemble, ils forment un trio silencieux, enfermé dans une routine affective où chacun reste à sa place. La mère, si présente qu’on ne la voit plus, incarne une stabilité devenue invisible. Le fils, quant à lui, s’est installé dans cette sécurité illusoire, persuadé que rien ne changera.
Mais un matin, la mère disparaît en laissant un mot : elle doit partir, elle reviendra. Ce départ, aussi calme dans sa forme que brutal dans ses effets, agit comme un séisme. Incapable de comprendre cette absence, le père, toujours aussi fermé, se mure dans une colère sèche, tandis qu’ébranlé, le fils fouille les tiroirs et interroge les blancs, jusqu’ici passés inaperçus, du récit familial. Peu à peu, les indices qui émergent dévoilent les fissures d’une autre réalité et contraignent le fils à reconnaître combien il avait réduit sa mère à une simple présence rassurante, négligeant la personne qu’elle était.
En filigrane, le roman laisse affleurer un drame vécu en Tunisie, qui a conduit les parents à fuir leur pays, rompant avec leur famille et leur histoire. Ce traumatisme, jamais nommé, constitue une fracture intime qui façonne leur silence. En renonçant à leurs origines, ils se sont enfermés dans un présent sans avenir, où le refus de transmettre empêche toute projection. Le fils, élevé dans ce vide, hérite d’un silence plutôt que d’un récit. Une peur sourde, confondue avec le confort, s’est installée en lui comme une seconde nature. Le départ de la mère vient briser cette impasse et révèle que l’absence de récit est déjà une histoire qu’il faut affronter pour pouvoir avancer.
L’écriture prolonge le regard du narrateur : hésitant, pudique, parfois maladroit, mais toujours sincère. Ramsès Kefi privilégie l’art de la suggestion, ellipses, non-dits et ruptures de ton composant une atmosphère suspendue, presque claustrophobe, où chaque geste prend une densité particulière. Cette retenue, touchante par moments, révèle aussi les limites d’une voix encore en construction, manquant parfois d’assurance ou de densité narrative et semblant hésiter à aller au bout de ses intuitions. Les personnages tendent ainsi à rester figés dans des rôles un peu trop typés, comme si le roman peinait à leur donner une épaisseur véritable. Surtout, la fin surgit d’une manière si abrupte qu’elle donne l’impression que le récit s’interrompt avant d’avoir pleinement déployé ses promesses. Cette voix, encore en quête de sa pleine maturité, n’en affirme pas moins déjà une sensibilité singulière qu’on a envie de suivre.
Chercher sa place dans une histoire qu’on ne vous a jamais racontée, c’est avancer à l’aveugle, avec pour seule boussole le manque. Ramsès Kefi capte cette incertitude avec délicatesse, dans un récit où se dessine en creux une vérité universelle : le besoin de comprendre d’où l’on vient pour savoir enfin où l’on va. (3,5/5)
Et puis, il y a les codes tacites. Ici, une femme ne se barre pas en laissant un homme à la maison. Elle doit rester, quoi qu’il en coûte, quitte à se bousiller elle-même. Ce sont les mâles qui ont le droit de prendre la tangente et de recommencer leur vie s’ils le souhaitent. Parfois sur un autre continent, parfois à l’autre bout de la ville.À trente-six ans, le narrateur, qui a abandonné ses études depuis longtemps, vit encore chez ses parents dans la cité des Cavernes, en banlieue parisienne. Un nom prédestiné, assorti aux tags de mammouths, pour désigner un lieu où le temps semble figé. Sa chambre d’enfant, tapissée de Schtroumpfs, est restée intacte, reflet d’une existence sans heurts ni projets, rythmée par des petits boulots sans avenir et des après-midis à traîner. Le cocon familial repose sur une mère discrète, entièrement dévouée, et un père taiseux, bougon, volontiers éruptif. Ensemble, ils forment un trio silencieux, enfermé dans une routine affective où chacun reste à sa place. La mère, si présente qu’on ne la voit plus, incarne une stabilité devenue invisible. Le fils, quant à lui, s’est installé dans cette sécurité illusoire, persuadé que rien ne changera.
Mais un matin, la mère disparaît en laissant un mot : elle doit partir, elle reviendra. Ce départ, aussi calme dans sa forme que brutal dans ses effets, agit comme un séisme. Incapable de comprendre cette absence, le père, toujours aussi fermé, se mure dans une colère sèche, tandis qu’ébranlé, le fils fouille les tiroirs et interroge les blancs, jusqu’ici passés inaperçus, du récit familial. Peu à peu, les indices qui émergent dévoilent les fissures d’une autre réalité et contraignent le fils à reconnaître combien il avait réduit sa mère à une simple présence rassurante, négligeant la personne qu’elle était.
En filigrane, le roman laisse affleurer un drame vécu en Tunisie, qui a conduit les parents à fuir leur pays, rompant avec leur famille et leur histoire. Ce traumatisme, jamais nommé, constitue une fracture intime qui façonne leur silence. En renonçant à leurs origines, ils se sont enfermés dans un présent sans avenir, où le refus de transmettre empêche toute projection. Le fils, élevé dans ce vide, hérite d’un silence plutôt que d’un récit. Une peur sourde, confondue avec le confort, s’est installée en lui comme une seconde nature. Le départ de la mère vient briser cette impasse et révèle que l’absence de récit est déjà une histoire qu’il faut affronter pour pouvoir avancer.
L’écriture prolonge le regard du narrateur : hésitant, pudique, parfois maladroit, mais toujours sincère. Ramsès Kefi privilégie l’art de la suggestion, ellipses, non-dits et ruptures de ton composant une atmosphère suspendue, presque claustrophobe, où chaque geste prend une densité particulière. Cette retenue, touchante par moments, révèle aussi les limites d’une voix encore en construction, manquant parfois d’assurance ou de densité narrative et semblant hésiter à aller au bout de ses intuitions. Les personnages tendent ainsi à rester figés dans des rôles un peu trop typés, comme si le roman peinait à leur donner une épaisseur véritable. Surtout, la fin surgit d’une manière si abrupte qu’elle donne l’impression que le récit s’interrompt avant d’avoir pleinement déployé ses promesses. Cette voix, encore en quête de sa pleine maturité, n’en affirme pas moins déjà une sensibilité singulière qu’on a envie de suivre.
Chercher sa place dans une histoire qu’on ne vous a jamais racontée, c’est avancer à l’aveugle, avec pour seule boussole le manque. Ramsès Kefi capte cette incertitude avec délicatesse, dans un récit où se dessine en creux une vérité universelle : le besoin de comprendre d’où l’on vient pour savoir enfin où l’on va. (3,5/5)
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