dimanche 12 octobre 2025

[Dreyfus, Pauline] Un pont sur la Seine

 






J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Un pont sur la Seine

Auteur : Pauline DREYFUS

Parution : 2025 (Grasset)

Pages : 208

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

D’un côté de la Seine, le village de Champagne. De l’autre, celui de Saint-Amand. Un pont est construit à la fin du XIXe siècle pour les relier.
A Saint-Amand, chez les Vernet, on est viticulteur de toute éternité. Le patriarche compte sur ses deux fils pour poursuivre l’exploitation de son fameux chasselas. Mais voilà qu’advient une nouveauté incroyable  : le XXe siècle. Il ne sera pas comme le précédent, lequel avait été comme tous les autres, rural. En 1902, une usine ouvre à Champagne. En 1914, c’est la guerre et sa prodigieuse mécanisation. Georges Vernet prend un emploi à l’usine, son frère Lucien est tué au front. Et voici l’évolution dramatique des Vernet, à cause de ce pont qui a rattaché deux villages, deux temps, deux France. Les femmes s’en mêlent. Le jour où une fille de Saint-Amand tombe amoureuse d’un ingénieur de Champagne, l’indignation explose. Et puis l’autre guerre, et puis la mondialisation, et, à chaque fois, conflits et trahisons.
Les ponts ne permettent pas toujours de relier, Champagne n’est pas toujours synonyme de fête. Dickens a écrit Un conte de deux villes pour montrer une partie de l’histoire de la révolution politique ; voici un conte de deux villages qui nous raconte l’histoire d’une révolution sociale à travers les inoubliables figures de la famille Vernet. Un roman familial de la France.  

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Pauline Dreyfus a publié plusieurs romans chez Grasset : Immortel, enfin (prix des Deux Magots 2013), Ce sont des choses qui arrivent, Le Déjeuner des barricades et Le Président se tait. Elle est également l’auteur, chez Gallimard, d’une biographie de Paul Morand (prix Goncourt de la biographie 2021) et d’un essai : Ma vie avec Colette (2023).

 

 

Avis :

Ce roman déroule le fil d’une lignée – les Vernet, vignerons fidèles à la Seine comme à leur terre – sur cinq générations, depuis les années 1870 jusqu’aux premiers frémissements du XXIe siècle. Longtemps, la vie s’écoule paisible, au rythme des saisons et des transmissions de père en fils. Mais un jour, un pont est construit, qui relie les deux rives mais sépare les âmes, rompant l’équilibre ancien et ouvrant, à la fois une brèche dans le paysage, et un siècle de remous.

La France change, et les Vernet avec elle. Pendant que certains, gardiens des traditions et d’une mémoire enracinée, restent arrimés à leur rive, d’autres, portés par le souffle de la modernité, s’élancent et franchissent le pont, rejouant dans cette fracture intime les tensions du pays tout entier entre le passé qui rassure et l’avenir qui appelle.

Faisant de cette tension le nerf de son récit, Pauline Dreyfus cartographie les fidélités et les renoncements. Avec une plume légère, parfois espiègle, elle glisse des clins d’œil à l’histoire nationale, tissant une complicité douce avec le lecteur. Le roman coule ainsi, fluide et savoureux, comme un vin bien élevé.

Au centre, le pont s’impose de plus en plus comme le trait d'union entre hésitations et désirs d’émancipation. Car franchir le pont n’est jamais un geste simple. Entre avancées, reculs, bifurcations et doutes, l'ouvrage se fait le théâtre muet de ces mouvements contraires où tradition et nouveauté s'affrontent, l'incessant va-et-vient entre fidélité et rupture n'excluant d'ailleurs pas les retours à l’origine.
 
Alors, peu à peu, ce pont s’élève au rang de symbole. Lien entre deux mondes, il incarne le passage de la certitude vers l’inconnu, du vécu vers l’imaginé, autrement dit l’écoulement de la vie elle-même. Fil tendu entre naissance et mort, entre héritage et invention, il est ce trait d’union, fragile et puissant, où se nouent les dynamiques du temps, de l’identité et de la transmission. 

Un roman intelligent, drôle et gracieux, qui tisse avec élégance les fils invisibles de l’histoire et de l’intime, révélant, dans l’élan d’un pont, tout ce que le mot « passage » recèle de vertige, de crainte et de désir. (4/5)

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire