J'ai beaucoup aimé
Titre : Le livre de la rentrée
Auteur : Luc CHOMARAT
Parution : 2023 (La Manufacture de Livres)
Pages : 240
Présentation de l'éditeur :
Un portrait de femme moderne, active, rebelle, qui fait bouger les
lignes, voilà ce que cherchent tous les éditeurs pour la prochaine
rentrée littéraire. Et parmi eux, Delafeuille a intérêt, s’il veut
garder son poste, à dénicher le livre qui sera au centre de l’attention
en septembre. Mais contre toute logique commerciale, le roman qui
l’attire vraiment est celui de Luc, auteur un rien misogyne auquel il
est depuis longtemps lié. L’écrivain a décidé de consacrer son texte à
Delphine, sa femme, et cette dernière que Delafeuille rencontre dans la
vraie vie, devient son obsession. Pourtant, tous - directrice
commerciale sans scrupule, libraire philosophe, étudiante inspirée -
sont là pour lui rappeler les règles du jeu : aucune chance que cette
histoire s’achève par une idylle entre l’éditeur et la femme de
l’auteur.
Le Livre de la rentrée dresse un portrait drôle et acide de notre époque, de ses combats et de ses modes. Dans ce roman où le réel et la fiction s’entremêlent, Luc Chomarat se joue de la littérature et nous offre un hymne à la lecture et à l’imaginaire.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Luc Chomarat est né en Algérie en 1959. Remarqué dès son premier roman par le Magazine littéraire,
il choisit d’exercer ses talents de rédacteur dans la publicité où,
dit-il, « on trouve l’argent et les filles ». Poursuivi pour fraude
fiscale, il se réfugie dans un monastère tibétain. Il revient au roman
en 2014 avec L’Espion qui venait du livre. En 2016, il reçoit le Grand prix de Littérature Policière pour Un trou dans la toile. Traducteur de Jim Thompson, il est également l’auteur d’essais pour le moins atypiques : Le Zen de nos grands-mères (Le Seuil, 2008) sur son expérience bouddhiste et Les 10 meilleurs films de tous les temps (Marest, 2017) dont le sujet n’est pas clair.
Le Polar de l’été (La Manufacture de livres, 2017) et Un petit chef-d’œuvre de littérature (Marest, 2018) confirment son goût pour les constructions en abyme, et son regard particulier sur l’époque, mélange d’ironie et de désenchantement.
Avis :
Devenu spécialiste de la satire du milieu éditorial français avec L’espion qui venait du livre, Le polar de l’été, Un petit chef-d'œuvre de littérature et Le dernier thriller norvégien, Luc Chomarat convoque une nouvelle fois son personnage de prédilection, l’éditeur de fiction Delafeuille, pour un autre de ses drôles et vertigineux romans gigognes qui font de la mise en abyme un virtuose et infini jeu de miroirs.Sa nouvelle directrice l’a mis au pied du mur : « un bon texte est un texte qui se vend. ». Alors, qu’il cesse de se piquer de littérature et s’active plutôt à dénicher la pépite commerciale qui, en s’imposant comme « le livre de la rentrée », leur rapportera le jackpot. Voilà donc ce bon vieux Delafeuille, s’il veut sauver sa tête et son emploi, contraint à la chasse au livre si bien dans l’air du temps qu’il sera de bon ton de se l’arracher, peu importe s’il ne vaut en réalité pas tripette. Il y a bien le roman du neveu de sa directrice, entièrement constitué de SMS avec les fautes qui vont avec. Mais il lui faudrait aussi un portrait de femme bien actuel, avec sa dose de « cul féministe », à défaut d’une louche de maladie, de malheurs, de planète en péril ou de dénonciation du capitalisme.
Or, invité quelques jours chez l’un de ses auteurs et amis, Luc, qui s’est établi au vert dans le Sud-Ouest, loin du cirque parisien, notre éditeur tombe sous le charme de l’épouse, Delphine, par ailleurs au coeur du livre que son mari a décidé de lui consacrer. Hélas, épanouie et parfaite dans son rôle d’épouse, de mère et de femme d’intérieur, elle est l’antithèse absolue de l’égérie féministe. Impossible donc de miser sur ce manuscrit en cours d’écriture, où il se découvre d’ailleurs lui aussi personnage. Mais comment peut-on retrouver ce que l’on est présentement en train de vivre dans un texte rédigé quelque temps auparavant ? Convaincu de sa réalité, Delafeuille ne serait-il en vérité que fictif ? Personnage, il l’a déjà été, puisque Luc l’a déjà fait figurer dans de précédents livres… signés Chomarat ! Luc et Chomarat ont d’ailleurs tous deux le même titre pour leur dernier livre… « Le livre de la rentrée » !
Désormais imbriqués jusqu’à l’inextricable, réel et fiction se font, pour le plus grand plaisir du lecteur, les complices d’une nouvelle machination littéraire de l’auteur, qui, moins loufoque que les précédentes, gagne en subtilité pour autant nous amuser que brocarder avec malice le monde éditorial et ses travers. Réjouissant et savoureux, virtuose dans l’art de nous désorienter à mesure que se creuse sa savante mise en abyme, le récit parvient haut la main à renouveler une partition dont Luc Chomarat a fait sa martingale. (4/5)
Citations :
La dernière rentrée littéraire, c’était hallucinant, dit Muriel. Je me souviens, quand j’étais gamine, d’un seul coup en septembre, ils poussaient les romans sur le côté pour vendre des manuels scolaires. T’as l’impression que c’est un peu pareil, sauf que c’est plus des manuels scolaires… Ils poussent Tolstoï et Kawabata pour faire de la place à des gens qu’on aura oubliés l’année prochaine.
— La difficulté, reprit Delafeuille, c’est d’échapper au matraquage médiatique. Pour les livres comme pour le reste. Aller chercher dans les rayons du fond, en prendre un au hasard. Mais personne ne fait ça.
— Oui, c’est vrai.
— Déjà, vous avez des rayons de prédilection. Le polar, la science-fiction. Le développement personnel. Ou la littérature, bien sûr. Mais vous n’entrez pas dans une librairie, en fait. Vous entrez dans votre rayon habituel.
— C’est très juste, dit Nicole. D’ailleurs, les gens qui achètent le livre de la rentrée, c’est surtout pour des raisons sociales, non ? C’est un peu comme Roland-Garros. C’est ce qu’on fait en septembre-octobre. Pas sûr qu’ils le lisent, par contre.
— Puis après, à Noël, tu offres le Goncourt, dit Muriel en riant. On ne va pas te reprocher d’avoir offert le Goncourt.
— Tout ça n’a pas grand-chose à voir avec la littérature, conclut Delafeuille.
— Oui, c’est vrai.
— Déjà, vous avez des rayons de prédilection. Le polar, la science-fiction. Le développement personnel. Ou la littérature, bien sûr. Mais vous n’entrez pas dans une librairie, en fait. Vous entrez dans votre rayon habituel.
— C’est très juste, dit Nicole. D’ailleurs, les gens qui achètent le livre de la rentrée, c’est surtout pour des raisons sociales, non ? C’est un peu comme Roland-Garros. C’est ce qu’on fait en septembre-octobre. Pas sûr qu’ils le lisent, par contre.
— Puis après, à Noël, tu offres le Goncourt, dit Muriel en riant. On ne va pas te reprocher d’avoir offert le Goncourt.
— Tout ça n’a pas grand-chose à voir avec la littérature, conclut Delafeuille.
Je vendais du livre scolaire. Tous les ans il y avait des appels d’offres, émis par la coopération. Ce sont des marchés énormes. Énormes. Et les familles africaines mettent plus d’argent dans les livres scolaires que dans les médicaments, vous savez. Un enfant qui meurt, c’est moins grave qu’un enfant qui ne sait ni lire ni écrire, parce que celui-là n’a pas d’avenir. On parlait de millions. On s’est vraiment goinfrés. Les gens pour qui je travaillais, en tout cas.
Vous savez, monsieur Delafeuille, on ne sait pas qu’on est vieux. On ne sait pas quand cette chose-là arrive. Ce sont les autres qui vous le disent. Leur regard. Ou le fait qu’ils ne vous regardent plus.
Du même auteur sur ce blog :
Une lecture qui paraît singulière et qui m'intrigue beaucoup !
RépondreSupprimerIl y a de quoi, Caroline :)
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