lundi 12 août 2024

[Barthe, Christine] Ce que dit Lucie

 





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Titre : Ce que dit Lucie

Auteur : Christine BARTHE

Parution :  2024 (Seuil)

Pages : 176

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

Lucie a 6 ans quand elle se laisse entraîner vers le fond d’un bassin, avant d’être rattrapée in extremis par une main d’adulte. À 9 ans, elle est repérée comme excellente nageuse par sa professeure d’éducation physique. À 11 ans, elle s’inscrit dans un club et découvre la compétition et son rythme accaparant. Elle rencontre Anaïs. Les deux amies enchaînent les entraînements et les concours, solidaires et enjouées. Anaïs Bellis est crawleuse, habitée par l’esprit de la gagne. Lucie Mandel est dossiste, pas vraiment obsédée par les résultats.
Un été, elles se retrouvent dans un centre de préparation pour les championnats de France. Lors d’une chute dans un couloir, Lucie se fait une entorse à la cheville. Comment est-ce arrivé ? Défaillance ? Et si Anaïs l’avait poussée ? En tout cas, diminuée, elle rate complètement sa course et arrive dernière. Quelques années plus tard, les deux amies séjournent sur la côte atlantique, à Hendaye. Elles partent se baigner dans une eau à 14 degrés. Il faudrait sortir, ce que fait raisonnablement Lucie, tandis qu’Anaïs s’y refuse. Accident ? L’inspecteur Aulnes nourrit des soupçons. Il ouvre une enquête.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Née en 1964 à Paris, Christine Barthe a été psychothérapeute. Son premier livre, Que va-t-on faire de Knut Hamsun ?, a paru en 2018 chez Robert Laffont.

 

 

Avis :

Après un premier roman consacré au très controversé Nobel de littérature Knut Hamsun, Christine Barthe poursuit son exploration de l’ambiguïté et de la complexité humaines avec une dérangeante histoire d’amitié-rivalité en milieu sportif.

Amies inséparables, Lucie et Anaïs partagent tout depuis l’âge d’environ dix ans, lorsque, excellentes nageuses toutes les deux, elles sont entrées dans le même club d’entraînement pour enchaîner compétitions et concours de haut niveau. Mais voilà qu’en pleine préparation du championnat de France de relais quatre nages, une entorse à la cheville consécutive à une chute dans un couloir élimine toutes les chances de Lucie. Bête cette chute ? Il semblerait, quoique… Demeure dans la tête de la jeune fille une drôle d’impression, trop fugitive pour qu’elle accède tout à fait à sa conscience, mais qui, refoulée, la perturbe assez pour qu’elle décide de se retirer définitivement des bassins. Est-il concevable que son amie, presque sa jumelle, l’ait poussée ?

Quelques étés plus tard, les deux filles en vacances à Hendaye nagent dans une mer froide. Faute de convaincre Anaïs de se rendre à la prudence, Lucie rentre seule à hôtel, laissant son amie à ses exploits d’endurance. Lorsque les vagues recrachent la championne de natation, noyée, les doutes quant à la nature purement accidentelle du décès sont, eux, tout sauf subliminaux dans la tête de l’inspecteur de police Aulnes. Alternant les chapitres entre les réminiscences de Lucie et ses interrogatoires en garde à vue, le récit se dédouble en deux fils narratifs, chacun s’enroulant autour d’une mort – n’est-ce pas ainsi que l’on peut considérer le retrait sportif de Lucie ? – dont seules des présomptions permettent de douter d’une cause purement accidentelle.

Coriace, Lucie a du répondant. Tellement qu’à mesure que la narration avance vers le manque de preuves et une possible relaxe, le lecteur au départ sans avis se sent envahi d’un trouble croissant. Tout est possible mais rien n’est tangible dans cette histoire, si ce n’est une passion si incandescente pour le sport et la gagne qu’elle réduirait tout en cendres autour d’elle sans pour autant étonner. Alors, sa vie de sportive détruite par le doute, Lucie nous rend, volontairement ou pas – le saura-t-on jamais ? –, une bien ambiguë monnaie de sa pièce.

Dans cette histoire menée pour entretenir l’ambivalence, l’on regrettera le sentiment de creux induit par la partie introspective du récit de Lucie et ce qui paraîtra assez improbable dans sa tendance à l’insolence durant les interrogatoires. Mais, de plus en plus intrigué et happé par le doute, c’est d’une traite ou presque que le lecteur s’empressera de dévorer ce bref roman, champion de l’ambiguïté. (3/5)

 

 

Citation :

On pense détenir des réponses, disons un certain nombre de réponses et tout d'un coup changement de voie, il faut prendre une correspondance, s'avancer vers un trajet différent, une autre perspective, comprendre qu'on ne savait rien, en fait, qu'on savait mal.


 

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