Coup de coeur 💓
Titre : Les derniers géants
(Damnation Spring)
Auteur : Ash DAVIDSON
Traduction : Fabienne DUVIGNEAU
Parution : en anglais (USA) en 2021,
en français en 2023
(Actes Sud)
Pages : 528
Présentation de l'éditeur :
1977. Californie du Nord. Rich est de ces bûcherons qui travaillent au
sommet des arbres. C’est un métier dangereux, dont son père et son
grand-père sont morts. Il veut une vie meilleure pour sa femme Colleen
et son fils Chub. Pour cela, il a investi en secret toutes leurs
économies dans un lot de séquoias pluricentenaires. Mais lorsque
Colleen, qui veut avoir un deuxième enfant malgré de précédentes fausses
couches, se met à dénoncer la compagnie d’abattage pour l’usage
d’herbicides responsable selon elle de nombreuses malformations chez les
enfants, le conflit s'invite au coeur de leur couple. Un premier roman
âpre et dense.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Ash Davidson est originaire d’Arcata, en Californie. Elle a suivi l’atelier d’écriture de l’Iowa. Elle vit aujourd’hui à Flagstaff, dans l’Arizona. Les Derniers géants est son premier roman.Avis :
La 24-7 : c’est le nom, d’après le diamètre en pieds et en pouces de son plus gros séquoia – sept mètres et demi de tour de taille pour cent douze mètres de hauteur –, de la parcelle de forêt plurimillénaire qu’à cinquante-trois ans, Rich, bûcheron comme avant lui son père et son grand-père, vient d’acquérir, en s’endettant jusqu’au cou, sur l’audacieux pari qu’une route en permettrait bientôt l’exploitation.En cette fin des années soixante-dix, ils sont une petite communauté à dépendre exclusivement de l’exploitation des géants californiens qui subsistent encore. Dur et dangereux, le métier abat aussi régulièrement son quota d’hommes, et Rich, dont le corps marqué de cicatrices raconte la vie aussi bien que la dendrochronologie celle des arbres, s’est décidé au grand saut qui doit le rendre indépendant, assurant ses vieux jours et l’avenir de son fils Chub, bientôt en âge d’être scolarisé.
Pour la protéger, il n’a pas encore mis son épouse Colleen dans la confidence. De vingt ans sa cadette, celle qui fait office de sage-femme dans leur petite ville se désespère de ses fausses couches en série et se remet à peine de la perte d’une petite-fille à mi-grossesse. Lorsque Daniel, son amour de jeunesse, revient dans la région et, au grand dam de la population déjà exaspérée, entre manifestations hippies et création de parcs nationaux, par l’obstruction croissante à l’exploitation forestière dont tous dépendent ici, se met à jouer les lanceurs d’alerte contre l’épandage massif de défoliants facilitant le débroussaillage, elle est la première à douter face à la multiplication des malformations de nouveaux-nés dans la région.
Bientôt déchiré entre leur dramatique dépendance au découpage des derniers séquoias géants en un maximum de pieds-planches et leur prise de conscience, à la fois des impacts écologiques de cette activité – comme les glissements de terrain déboisé et la disparition des saumons incapables de frayer dans des rivières envasées – et des risques sanitaires associés, le couple se retrouve au coeur des affrontements de plus en plus violents qui opposent les défenseurs de la nature et ceux qui ont fait de son exploitation leur indispensable gagne-pain.
Jamais manichéen, le récit entrelace les points de vue dans une vaste fresque familiale et écologique, vécue à hauteur d’hommes que l’on ne quittera qu’à regret au terme de ses plus de cinq cents passionnantes pages. Dans l’imposante et splendide futaie où de minuscules humains mènent un combat herculéen et périlleux nécessitant un incomparable savoir-faire pour à peine gagner leur vie dans la boue, la sciure et la sueur, le lecteur se retrouve lui aussi écartelé : d’un côté, le partage de leurs peines et de leurs vicissitudes, de l’autre, l’effroi bien contemporain suscité par ce pillage éphémère d’un trésor naturel irremplaçable et par l’ignorante inconséquence qui les conduit à s’empoisonner littéralement.
Et, tandis que, d’un parfait réalisme, les rebondissements de leurs mésaventures s’enchaînent en une tension incessante, et que, profondément justes dans leurs ambivalences et dans leurs maladresses, les personnages se révèlent de plus en plus attachants, c’est très symboliquement à nos contradictions actuelles entre notre conscience de détruire la planète et notre incapacité à changer notre mode de vie que nous renvoie cette histoire représentative, survenue il y a un demi-siècle en Californie du Sud, région natale de l’auteur.
Ce premier roman impressionnant de justesse et de maîtrise a l’art et la manière d’immerger le lecteur dans les senteurs de sous-bois mêlées des relents âcres des herbicides pulvérisés par les exploitants forestiers, pour un chant d’agonie de tout un monde dont on peut encore espérer qu’il ne préfigure pas celui de la planète entière. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Rich n’aurait alors qu’à terrasser le monstre et à l’embarquer par camion. Lui et les deux cents autres séquoias – près d’un million de pieds-planches au total. Même après le coût du matériel, la paye de l’équipe et la marge que prenait la scierie, cela représenterait vingt ans de salaire pour quelques mois de travail. Une fois l’argent sorti pour acquérir la terre, le reste se ferait les doigts dans le nez.
Il y a deux ou trois choses que tu dois te rappeler : chaque semaine, le mesureur vient pour évaluer le volume de notre coupe. On est payés, selon l’inclinaison de la pente, à peu près un centime le pied-planche. Des arbres géants comme ceux-ci rapportent cinq ou six mille dollars, moins les bris de troncs. Plus on abat, plus on gagne de pognon. L’argent ne tombe pas pareil dans toutes les poches, ça dépend de ton boulot, n’empêche que si tu ne maintiens pas l’allure, tu nous fais perdre du fric à tous. Pigé ? Notre métier est un bon gagne-pain, mais n’oublie pas : ces arbres géants peuvent te tuer. Tes soucis, quels qu’ils soient, tu les abandonnes dans le bus qui nous amène sur le site. Sois attentif. Si tu laisses ton esprit vagabonder, ça risque de te coûter la vie, la tienne ou celle de quelqu’un d’autre.
Mon père aussi est mort dans la forêt, lui confia Rich. Et mon grand-père avant lui. Tu as beau être hyper prudent, un séquoia est un monstre, tu dois l’admettre. Ne regarde pas par terre. Lève les yeux. Un câble relâché, une branche faiseuse de veuves qui tombe du ciel – même une petite de dix centimètres de diamètre peut te rompre le cou si elle chute de cent mètres de haut. Observe le vent.
— On ne doit pas toucher à la végétation en bordure du ruisseau. Il faut laisser quinze mètres de chaque côté.
— Pourquoi ?
— Bonne question. Ils appellent ça une bande riparienne.”
C’est quoi cette connerie de gens qui se la pètent ? avait grommelé Eugene la première fois qu’ils avaient entendu la formule. Si on veut dire ruisseau, y a qu’à dire ruisseau.
“C’est comme une zone tampon. Quand j’avais ton âge, on comblait les cours d’eau qui nous gênaient, mais maintenant il y a des règles. Ça complique un peu les choses. Sanderson a eu un mal fou à faire accepter son plan de récolte.
— Pourquoi ? répéta le jeune garçon, soudain plus intéressé.
— Damnation Creek abrite des frayères. Où les saumons se reproduisent. La vase obstrue le ruisseau, l’eau se brouille, ralentit et se réchauffe au soleil. Le saumon coho aime l’eau froide. Oh, j’en sais rien…” Rich soupira. “Je fais juste ce qu’on me demande, euh…
Rich descendit, se débarrassa de sa ceinture et de ses crampons. Le bruit des tronçonneuses, même arrêtées, bourdonnait à ses oreilles. Son audition n’était plus comme avant. Sanderson avait distribué des bouchons d’oreilles cette année au pique-nique de la société. Des bouchons, alors que seules vos satanées oreilles vous évitaient de mourir assommé par une branche tombée du ciel ou écrasé sous une grume qui dévalait la pente.
Rich cala son équipement sous le pylône et se posta un peu plus haut sur le versant pour regarder la scène. Pete, qui avait au préalable déterminé l’angle de chute naturelle de l’arbre, traça deux marques sur l’écorce, l’une pour le trait plancher, l’autre pour le plafond. Lorsqu’il eut tronçonné son entaille directionnelle – dans un formidable jaillissement de sciure –, Lyle l’aida à retirer l’énorme morceau de tronc, révélant une bouche profonde de deux mètres. Pete enfonça ses coins et s’y glissa à plat ventre, tel un homme avalé par un gigantesque requin, pour s’assurer qu’il n’y avait ni champignons ni pourriture brune au fond de l’encoche. Satisfait, il sauta à terre, recula de vingt mètres : la distance qu’il aurait le temps de parcourir avant que le piégeux bascule. Il revint sur ses pas en écartant scrupuleusement tout élément sur lequel il risquerait de trébucher dans sa zone de retraite. Enfin, il passa derrière le tronc et démarra sa McCulloch. Les conducteurs des bulldozers descendirent de leurs engins. Même Don s’immobilisa, tandis que la forêt paraissait retenir son souffle.
Le corps entier de Pete vibrait avec la tronçonneuse qu’il maniait à reculons autour du tronc pour scier le trait d’abattage. Il levait fréquemment les yeux, guettant une éventuelle menace venue d’en haut. L’arbre tremblait sur toute sa hauteur. Soudain, Pete libéra sa tronçonneuse et partit en courant. Il y eut un craquement que Rich sentit dans sa cage thoracique. La terre parut s’ouvrir sous la violence du choc. Quelqu’un hurla comme un loup. Il avait réussi ! Le piégeux étendu de tout son long reposait sur son lit de chute comme un cadavre dans son cercueil, depuis la base du tronc – un mur de six mètres de haut – jusqu’à la tête.
Le corps entier de Pete vibrait avec la tronçonneuse qu’il maniait à reculons autour du tronc pour scier le trait d’abattage. Il levait fréquemment les yeux, guettant une éventuelle menace venue d’en haut. L’arbre tremblait sur toute sa hauteur. Soudain, Pete libéra sa tronçonneuse et partit en courant. Il y eut un craquement que Rich sentit dans sa cage thoracique. La terre parut s’ouvrir sous la violence du choc. Quelqu’un hurla comme un loup. Il avait réussi ! Le piégeux étendu de tout son long reposait sur son lit de chute comme un cadavre dans son cercueil, depuis la base du tronc – un mur de six mètres de haut – jusqu’à la tête.
Ils ont pulvérisé il y a deux jours. Encore. Heureusement que j’avais entendu l’hélicoptère arriver, cette fois. J’ai eu le temps de remplir la baignoire. Si tu voyais le ruisseau… L’eau est blanchâtre, presque laiteuse, avec de la graisse qui flotte sur le dessus. Et elle sent le diesel.
Ces herbicides qu’ils épandent – pas seulement Sanderson, mais aussi l’Office des forêts, le comté – sont les deux composants de l’agent orange, dont le mélange produit de la dioxine TCDD. Ils sont toxiques, pour les plantes, pour les animaux” – s’adressant encore une fois à Colleen – “et pour les gens. Depuis le début de l’épandage, dans les années 1950, on constate une accumulation biologique, c’est-à-dire une concentration nocive à différents niveaux de la chaîne alimentaire, les poissons, les chevreuils, et vous mangez du chevreuil…
— J’en ai assez entendu, monsieur…
— Daniel.“
Rich se leva.
“Ils contaminent l’eau. Tout ce qui est pulvérisé arrive là, dans votre café.” Daniel posa son mug.
“Ça tombe bien, dit Rich en allant ouvrir la porte de la maison. Vous ne pouvez pas l’emporter pour la route.
— Ce sont des produits très dangereux. Ils causent des malformations congénitales, des cancers.” Les yeux de Daniel se fixèrent sur Colleen. “Les études révèlent un nombre croissant de fausses couches en Oregon. On vous raconte qu’ils sont inoffensifs, qu’ils ne tuent que les herbes. Si on vous disait qu’il existe une balle inoffensive, vous accepteriez qu’on tire dans la tête de votre petit garçon ? J’ai vu votre conduite d’eau. Autant déverser ces saletés directement dans votre citerne ! Il y a une pétition que vous pouvez signer. Je suis désolé… Je sais que…
— Non, vous ne savez pas, coupa Rich en tenant la porte ouverte.
— Vous êtes des gens discrets, Mr. Gundersen. Vous ne voulez pas avoir d’ennuis, je comprends.” Daniel se leva, garda à nouveau les yeux sur Colleen. “Mais si c’était moi, je préférerais savoir.
— J’en ai assez entendu, monsieur…
— Daniel.“
Rich se leva.
“Ils contaminent l’eau. Tout ce qui est pulvérisé arrive là, dans votre café.” Daniel posa son mug.
“Ça tombe bien, dit Rich en allant ouvrir la porte de la maison. Vous ne pouvez pas l’emporter pour la route.
— Ce sont des produits très dangereux. Ils causent des malformations congénitales, des cancers.” Les yeux de Daniel se fixèrent sur Colleen. “Les études révèlent un nombre croissant de fausses couches en Oregon. On vous raconte qu’ils sont inoffensifs, qu’ils ne tuent que les herbes. Si on vous disait qu’il existe une balle inoffensive, vous accepteriez qu’on tire dans la tête de votre petit garçon ? J’ai vu votre conduite d’eau. Autant déverser ces saletés directement dans votre citerne ! Il y a une pétition que vous pouvez signer. Je suis désolé… Je sais que…
— Non, vous ne savez pas, coupa Rich en tenant la porte ouverte.
— Vous êtes des gens discrets, Mr. Gundersen. Vous ne voulez pas avoir d’ennuis, je comprends.” Daniel se leva, garda à nouveau les yeux sur Colleen. “Mais si c’était moi, je préférerais savoir.
“Imaginez, commença l’homme. Il y a deux cents ans…
— Toute la côte était couverte de forêts de grands séquoias, continua la femme en figurant l’espace avec un ample geste de la main. Des guillemots à cou blanc nichaient dans leurs cimes. Des grenouilles à queue et des salamandres tachetées vivaient au bord des ruisseaux. Chaque année, le saumon remontait les cours d’eau pour frayer…
— Nous avons détruit quatre-vingt-dix pour cent de cette forêt ancienne, dit l’homme. Partout, nous avons abattu les arbres et répandu des produits chimiques…
— Et tout ce qu’il en reste, expliqua la femme, c’est une infime portion, des terres acquises par des citoyens qui ont souhaité les protéger, des terres qui sont devenues des parcs nationaux. Damnation Grove est l’un des derniers vestiges de la forêt primaire en Californie. On y contemple des géants hauts de cent mètres, plus grands que la statue de la Liberté, une majesté que les parcs conservent à l’abri. Mais aujourd’hui…” La femme marqua une pause. “… les mains avides de l’industrie aiguisent leurs tronçonneuses et se préparent à sacrifier sur l’autel du capitalisme ces ancêtres vivants…
— Des arbres vieux de mille ans ! Ils existaient déjà avant la chute de Rome. Avant l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Ils ont résisté aux flammes, aux inondations, aux tsunamis…
— Et ils sont toujours là ! Nobles. Forts. Et nous, nous tous ici aujourd’hui, nous avons une chance de les sauver.
Vous ne trouverez personne qui aime les arbres autant qu’un bûcheron. Si vous regardez bien, tout au fond, je vous garantis que dans chaque bûcheron il y a un « écolo ». Mais la différence entre nous et les autres, les militants, c’est que nous, on vit ici. On chasse. On pêche. On fait du camping. Eux, ils retourneront là d’où ils viennent, mais nous, on se réveillera ici demain. C’est chez nous. Le bois d’œuvre nous apporte à manger sur nos tables, des vêtements sur le dos de nos enfants. C’est difficile de tuer un séquoia, vous savez. Quand on l’abat, il produit des rejets de souche. Même un incendie ne le tue pas. Mais ces géants là-haut, à Damnation, ils sont vieux. Bientôt ils vont mourir, tomber tous seuls, et pourrir. C’est comme si vous mettiez le feu à un gros tas d’argent sous nos yeux en nous obligeant à regarder.
— Exactement, lança quelqu’un.
— C’est pas facile de gagner sa croûte au pays des séquoias. On ne mène pas la grande vie. Mais tout le monde ici apprend à se débrouiller avec presque rien. On sait comment nourrir nos familles. Tout ce qu’on vous demande, c’est de nous laisser continuer à le faire.
— Exactement, lança quelqu’un.
— C’est pas facile de gagner sa croûte au pays des séquoias. On ne mène pas la grande vie. Mais tout le monde ici apprend à se débrouiller avec presque rien. On sait comment nourrir nos familles. Tout ce qu’on vous demande, c’est de nous laisser continuer à le faire.
Mon père – Lesley Bywater, certains ici l’ont connu –, il triait le bois d’œuvre à la scierie. Nous sommes le peuple de la rivière Klamath. D’abord, vous nous avez tués. Ensuite vous avez tué le saumon. Et maintenant c’est vous-mêmes que vous tuez.” Le vieil homme éleva la voix. “Quand vous empoisonnez la terre, vous empoisonnez votre propre corps. Le saumon remonte la rivière chaque année, et vous ne remerciez pas. Pour vous, le saumon, ce n’est que de l’argent, un bien matériel. Notre peuple mange les offrandes de cette rivière depuis plus de temps qu’il n’a fallu à ces arbres pour pousser. Nous mangeons les mêmes familles de saumon depuis tant de générations que nos ADN sont entrelacés. Nous portons le saumon en nous, et le saumon nous porte en lui. Tout ce que nous possédons provient de la rivière. Quand la rivière est malade, nous sommes malades ; avec elle aussi, nous sommes uns.
Le peuple yurok vit ici, le long de cette rivière, depuis des centaines de générations, depuis plus longtemps encore. Beaucoup de tribus dans ce pays ont été chassées de leur terre, mais pas nous. Ici, c’est notre Réserve : sur deux kilomètres de chaque côté de la Klamath et soixante kilomètres à partir de son embouchure, les Yurok sont chez eux. Même si une grande partie de ce territoire a été vendue, nous avons conservé notre droit de pêcher. Nous sommes responsables de notre rivière, nous assurons son entretien. Nous avons toujours été ici. Nous avons toujours pêché. Toujours, toujours. C’est comme respirer l’air. Si je ne peux pas pêcher, je ne peux pas vivre. Mon grand-père m’a appris cela. Comme son grand-père le lui avait appris. Mes filets ont été saisis par les gardes-pêches. J’ai pêché la nuit. J’ai été battu, pour avoir pêché. J’ai été jeté en prison, pour avoir pêché. Je suis allé au tribunal à Washington. J’ai vu votre Capitole ; ce n’est rien comparé à un séquoia, c’est juste un petit arbre rabougri.” Le vieil homme tendit une main devant lui pour indiquer la hauteur de l’arbre. “Le Tribunal a rendu sa décision : ici, c’est la Réserve yurok ; ici, c’est un territoire indien ; nous pouvons pêcher. Et pourtant, vous cherchez encore un moyen de nous empêcher de respirer, de mener notre vie, de protéger notre rivière.” Il croisa les bras. “Je suis vieux maintenant. Mes enfants sont adultes. Mais si c’était moi, si c’étaient mes enfants qui naissaient sans cerveau, je me poserais la question : est-ce que cela en vaut la peine ? Juste pour continuer à abattre la forêt de cette manière ? Mais vous, non, vous ne renoncerez pas tant que vous n’aurez pas tué tous les chevreuils, tous les saumons, tous les arbres, tant que vous n’aurez pas empoisonné toutes nos sources d’eau fraîche. Que mangerez-vous alors ? De l’argent ? Avec quoi construirez-vous vos maisons ? Que boirez-vous quand vous aurez soif ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire