vendredi 24 juillet 2020

[Houdart, Célia] Le Scribe






J'ai aimé

 

Titre : Le Scribe

Auteur : Célia HOUDART

Editeur : P.O.L.

Année de parution : 2020

Pages : 208

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Chandra, un jeune mathématicien indien, découvre son double au Louvre. C’est l’automne à Paris et la fin de la mousson à Calcutta. Deux marais et marchés aux fleurs, pourtant très éloignés, se superposent. Les eaux vertes et grises de la Seine et du fleuve Hooghly se mêlent. On assiste à d’étranges frottements et flottements. Et la ville (la vie) est couverte d’écritures à déchiffrer.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Après des études de lettres et de philosophie et dix années dédiées à la mise en scène de théâtre, Célia Houdart se consacre à l’écriture. Depuis 2008, elle compose en duo avec Sébastien Roux des pièces diffusées sous la forme d’installations ou de parcours sonores. Elle a été lauréate de la Villa Médicis hors-les-murs, du Prix Henri de Régnier de l’Académie Française (2008) pour son premier roman Les merveilles du monde, du Prix Françoise Sagan (2012) pour Carrare et du prix de la Ville de Deauville Livres et musiques (2015) pour Gil.

 

Avis :

Génie des mathématiques venu à Paris poursuivre ses études, Chandra découvre la ville et s’acclimate à la France, tout en restant en lien étroit, grâce à Skype, avec sa famille à Calcutta : son père, ingénieur qui dirige une usine de traitement de l’eau, sa mère, si sensible à la cause des femmes, ses deux petites sœurs chéries, et sa grand-mère, qu’il voit avec inquiétude doucement décliner.

Le jeune homme est brillant et curieux. Surnommé le scribe par une autre étudiante parce que, dans sa chambre de bonne, il travaille assis en tailleur, comme le Scribe accroupi du Musée du Louvre, il parcourt Paris tout en gardant un œil tendre et protecteur sur ses proches en Inde. Le récit se déploie au fil de mille détails, dans une peinture fine et précise qui superpose peu à peu deux ambiances, deux vies aux antipodes l’une de l’autre qu’internet permet à Chandra de vivre quasi simultanément.

Les personnages esquissés avec justesse et tendresse s’avèrent attachants et crédibles. Si leur vie aisée et leur affection les entourent d’une bulle protectrice, l’on sent la fragilité et le miracle de leur équilibre dans un monde aux multiples et menaçantes dissonances : tandis qu’il s’émerveille des beautés de Paris, Chandra remarque un militant écologiste blessé par un tir de LBD et des gitanes malmenées par la police. Son père est victime de malveillance et, dans la concurrence acharnée pour la maîtrise économique de l’eau, sa station d’épuration empoisonnée. Sa mère se fait insulter quand elle conduit en Inde, certains temples restent interdits aux femmes malgré les lois, et tandis que les moussons se font de plus en plus violentes, les réservoirs naturels d’eau disparaissent sous des montagnes d’ordures à ciel ouvert.

Fine dentelle d’infimes détails laissant entrevoir de sombres profondeurs, ce texte agréable aux ambiances prégnantes est d’une extrême délicatesse. Emportée par ma lecture, je suis toutefois restée sur la perplexité de son absence de réel dénouement, frustrée de devoir quitter les personnages comme au milieu de l’exercice de funambule de leur fragile et attachante existence. (3/5)


 

Citations :

Manoj avait en effet connu le temps où s’étendait, à l’est de Calcutta, un vaste réseau de canaux débouchant sur 12 000 hectares de marais : The East Calcutta Wetlands. De grandes étendues humides, où alternaient les zones de filtrage ouvertes, et les bheri, des mares à poissons qui occupaient des espaces plus circonscrits. Le tout était alimenté quotidiennement par les égouts de la ville. Là prospéraient les roseaux, les nénuphars, les jacinthes d’eau et diverses espèces de poissons. Les jacinthes d’eau captaient les métaux lourds pendant que certains poissons, principalement les tilapias et les carpes, eux, consommaient le phytoplancton. Autrement dit, les plantes et les poissons nettoyaient ensemble, dans des proportions notables, les eaux polluées. Manoj avait appris, grâce à une étude menée par le ministère de l’Agriculture dix ans plus tôt, que les vingt tonnes de poissons ramassées quotidiennement dans les filets des pêcheurs étaient moins toxiques que bon nombre d’espèces pêchées dans le golfe du Bengale. Ces captures fournissaient ainsi largement Gariahat et Park Circus Markets, les deux grands marchés alimentaires de Calcutta. Sans compter les étals de quantité d’autres revendeurs, couvrant ainsi un tiers de la consommation en poisson de la mégalopole. Cette chaîne originale et peu coûteuse faisait vivre au total près de cent mille personnes, à travers neuf coopératives, tout en apportant une vraie réponse au problème du traitement des eaux polluées.

2 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour votre lecture. C.H.

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    1. Bonjour,
      Merci de votre attention et d'avoir pris le temps de ce retour. Je serais ravie si vous acceptiez de paraître dans ma rubrique interviews. Si le coeur vous en dit, vous pouvez utiliser le formulaire de contact (tout en bas à gauche de ce blog) pour me contacter en privé.
      Cdlt, Cannetille

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