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Titre : La Malédiction de la Madone
Auteur : Philippe VILAIN
Parution : 2022 (Robert Laffont)
Pages : 192
Présentation de l'éditeur :
Assunta Maresca, dite Pupetta, grandit à Naples,
dans les années 1950, sous la coupe d’un père mafioso. Mais Pupetta, la
« petite poupée », ne craint rien ni personne.
À dix-neuf ans, alors qu’elle participe à un concours de beauté, son destin bascule. Elle rencontre l’amour de sa vie, Pasquale Simonetti, un boss de la Camorra, qui tombe sous le charme de cette Napolitaine sulfureuse. Le mariage est vite officialisé et rien ne peut contrarier le bonheur de ce couple. Si ce n'est l'assassinat de Pasquale, quatre-vingts jours après la cérémonie.
Pour Pupetta, l’heure de la vendetta a sonné. Son histoire ne cesse alors d’affoler la rumeur de la ville, car cette Madone vengeresse incarne à la fois le courage et l’honneur, la passion et l’héroïsme, mais également toute l’ambiguïté de Naples, à feu et à sang.
Inspirée de faits réels, La Malédiction de la Madone est le portrait fidèle et fascinant de cette pasionaria autant vénérée que redoutée.
À dix-neuf ans, alors qu’elle participe à un concours de beauté, son destin bascule. Elle rencontre l’amour de sa vie, Pasquale Simonetti, un boss de la Camorra, qui tombe sous le charme de cette Napolitaine sulfureuse. Le mariage est vite officialisé et rien ne peut contrarier le bonheur de ce couple. Si ce n'est l'assassinat de Pasquale, quatre-vingts jours après la cérémonie.
Pour Pupetta, l’heure de la vendetta a sonné. Son histoire ne cesse alors d’affoler la rumeur de la ville, car cette Madone vengeresse incarne à la fois le courage et l’honneur, la passion et l’héroïsme, mais également toute l’ambiguïté de Naples, à feu et à sang.
Inspirée de faits réels, La Malédiction de la Madone est le portrait fidèle et fascinant de cette pasionaria autant vénérée que redoutée.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Philippe Vilain est l’auteur de nombreux romans, comme Paris l’après-midi (Grasset, 2005, prix François-Mauriac), Pas son genre (Grasset, 2011, adapté au cinéma), La Femme infidèle (Grasset, 2013, prix Jean-Freustié) et Un matin d’hiver (Grasset, 2020), ainsi que d’essais remarqués. Il dirige la collection « Narratori francesi contemporanei » aux éditions Gremese à Rome.
Avis :
Il y a un peu plus de soixante ans, un procès qui passionna l’Italie condamnait la Napolitaine Assunta Maresca, surnommée Pupetta, pour avoir vengé le meurtre de son mari mafioso. Philippe Vilain fait revivre cette histoire d’amour et de vendetta, sur le fond misérable et violent d’une ville alors encore marquée par les séquelles de la guerre et mise en coupes réglées par une Camorra déstructurée en une myriade de clans rivaux.
Fille d’un contrebandier de cigarettes, Pupetta est remarquée lors d’un concours de beauté par l’un des nouveaux patrons de la mafia, Pasquale Simonetti, un guappo qui s’est imposé dans le racket alimentaire en cette période de pénurie d’après-guerre, et qui maintenant fait si bien la loi sur la région que c’est à lui que l’on vient même demander justice. Ainsi cet épisode, resté dans les annales, où il contraint un homme à épouser la fille qu’il a abandonnée enceinte : « J’ai dix mille lires dans ma main, je dois les dépenser en fleurs : tu préfères que j’en fasse quoi, que je les dépense pour ton mariage ou pour tes funérailles ? »
Elle-même très vite enceinte de ce « seigneur du crime, justicier et généreux », à la « réputation d’homme juste », Pupetta l’épouse en très grande pompe et, elle qui aspirait pourtant à une vie différente de celle de sa mère, accepte par passion de subir à son tour la malédiction attachée à toute femme de mafieux : « c’est écrit d’avance : ou bien il ira en prison, ou bien il mourra ». De fait, autant admiré que craint et jalousé, Pasquale Simonetti est abattu par un sicaire de son associé, moins de trois mois après les noces. Seule, déjà veuve à vingt ans et bientôt mère, l’impétueuse Pupetta décide de se venger. Acte passionnel et crime d’honneur, son geste prémédité et assumé qui lui fera déclarer lors de son retentissant procès : « Je le referais ! », l’inscrira comme une héroïne dans la légende napolitaine, en même temps qu’il la condamnera à une lourde peine de prison.
Excellant à recréer l’atmosphère de Naples et le rapport ambigu de la ville avec le crime organisé, Philippe Vilain redonne efficacement vie à cette « petite poupée », promise au sort effacé et soumis des femmes de sa ville et de sa génération, et qui devint pourtant, au fil d’un destin sulfureux noué autour d’un caractère fier et bien trempé, cette ambivalente figure de « Madame Camorra », criminelle aussi réprouvée qu’adulée. La narration au passé et sans beaucoup de dialogues donne à ce portrait historique romancé la coloration sépia d’anciennes photographies, ou encore le contraste d’un vieux film en noir et blanc, que l’on redécouvre avec fascination et étonnement. Dommage que l’histoire s’arrête sur un léger sentiment d’inachevé, obligeant le lecteur, faute d’un épilogue qui aurait été le bienvenu, à chercher ailleurs la suite du parcours de Pupetta. Car, condamnée à dix-huit ans de prison, elle fut graciée en 1965 et connut encore bien des avanies en lien avec des activités criminelles… (4/5)
Fille d’un contrebandier de cigarettes, Pupetta est remarquée lors d’un concours de beauté par l’un des nouveaux patrons de la mafia, Pasquale Simonetti, un guappo qui s’est imposé dans le racket alimentaire en cette période de pénurie d’après-guerre, et qui maintenant fait si bien la loi sur la région que c’est à lui que l’on vient même demander justice. Ainsi cet épisode, resté dans les annales, où il contraint un homme à épouser la fille qu’il a abandonnée enceinte : « J’ai dix mille lires dans ma main, je dois les dépenser en fleurs : tu préfères que j’en fasse quoi, que je les dépense pour ton mariage ou pour tes funérailles ? »
Elle-même très vite enceinte de ce « seigneur du crime, justicier et généreux », à la « réputation d’homme juste », Pupetta l’épouse en très grande pompe et, elle qui aspirait pourtant à une vie différente de celle de sa mère, accepte par passion de subir à son tour la malédiction attachée à toute femme de mafieux : « c’est écrit d’avance : ou bien il ira en prison, ou bien il mourra ». De fait, autant admiré que craint et jalousé, Pasquale Simonetti est abattu par un sicaire de son associé, moins de trois mois après les noces. Seule, déjà veuve à vingt ans et bientôt mère, l’impétueuse Pupetta décide de se venger. Acte passionnel et crime d’honneur, son geste prémédité et assumé qui lui fera déclarer lors de son retentissant procès : « Je le referais ! », l’inscrira comme une héroïne dans la légende napolitaine, en même temps qu’il la condamnera à une lourde peine de prison.
Excellant à recréer l’atmosphère de Naples et le rapport ambigu de la ville avec le crime organisé, Philippe Vilain redonne efficacement vie à cette « petite poupée », promise au sort effacé et soumis des femmes de sa ville et de sa génération, et qui devint pourtant, au fil d’un destin sulfureux noué autour d’un caractère fier et bien trempé, cette ambivalente figure de « Madame Camorra », criminelle aussi réprouvée qu’adulée. La narration au passé et sans beaucoup de dialogues donne à ce portrait historique romancé la coloration sépia d’anciennes photographies, ou encore le contraste d’un vieux film en noir et blanc, que l’on redécouvre avec fascination et étonnement. Dommage que l’histoire s’arrête sur un léger sentiment d’inachevé, obligeant le lecteur, faute d’un épilogue qui aurait été le bienvenu, à chercher ailleurs la suite du parcours de Pupetta. Car, condamnée à dix-huit ans de prison, elle fut graciée en 1965 et connut encore bien des avanies en lien avec des activités criminelles… (4/5)
Citations :
Elle devait se réveiller à cinq heures du matin pour ouvrir la pâtisserie, lever le lourd rideau de fer, nettoyer le sol, recevoir les commandes, les déballer, préparer la caisse. Surtout, elle trouvait injuste que ses frères soient exonérés de toutes ces corvées et qu’ils aient la permission d’arriver au travail à neuf heures. Pourquoi n’avait-elle pas les mêmes droits qu’eux ? Simplement parce qu’elle était une femme ? Son père ne se justifiait pas : c’était ainsi, voilà tout, il était inutile de protester. Que la vie soit injuste, il lui aurait volontiers donné raison, il le savait mieux que quiconque, lui qui s’était extirpé seul de la misère. L’injustice, il l’avait éprouvée quand il avait dû travailler jeune aux abattoirs, quand il s’esquintait les mains à couper de la viande gelée dans des chambres froides, toutes ses blessures dont il n’avait jamais cru bon de parler ; comme la plupart des trafiquants, c’était par nécessité, pour échapper à la misère et éviter de trimer pour trois lires en usine, qu’il avait modifié ses plans de carrière au sortir de la guerre et fini par s’orienter vers la contrebande. Entre la pénibilité d’une activité peu rémunérée et la dangerosité bien tarifée d’une autre, son choix était tout fait.
Tous les Napolitains connaissaient Pasquale Simonetti, le Colosse, un guappo différent des autres, un vrai, reconnu pour sa loyauté, et qui, bien qu’il ne fût pas vieux, avait la nostalgie du temps pas si lointain où les bonnes manières étaient d’usage et le respect de la parole dominait. À l’époque, la diplomatie précédait les tirs, et les sommations devançaient les condoléances. Mais en quelques années, depuis la fin de la guerre, les choses avaient changé, et la situation était anarchique. Personne ne respectait plus personne. La Camorra s’atomisait en d’innombrables clans qui, tous, réclamaient leur territoire et leur part des juteux commerces de la contrebande. Dans un contexte où la criminalité augmentait en même temps que la misère et le chômage des quartiers, l’espoir de gagner facilement de l’argent, voire d’être riche, suscitait des vocations de tueurs. Désormais, on flinguait à tour de bras, on tuait pour un rien ; les rues s’étaient mues en champs de tir, des ball-traps extraordinaires où des quidams mouraient gratuitement. Pour être accepté par un clan ou gravir la hiérarchie, les garçons apprenaient le crime, devaient démontrer leurs aptitudes et leurs compétences, leur détermination et leur courage, et passer des examens rudimentaires parmi lesquels « le tir au pigeon ». La consigne ? Commettre un meurtre en tirant sur un badaud, un citoyen de hasard, histoire de s’exercer. Des crimes de ce genre se gravaient dans les mémoires. Tous les Napolitains avaient soit entendu le récit, soit été témoins de ces scènes spectaculaires d’innocents tombant en pleine rue. Tous avaient en tête l’image effrayante d’une femme achevée à bout portant de cinq balles de revolver devant un restaurant. Parfois, les cibles n’étaient ni gratuites ni choisies au hasard : une vieille rancune, le souvenir d’une tromperie ou d’une infidélité, une impolitesse, un oubli de saluer, une susceptibilité à fleur de peau pouvait fournir le motif opportun d’une vengeance. Les motifs importaient peu d’ailleurs, pourvu que la mort survienne au terme de l’exercice. Si pour être recruté par un clan, un tel examen de passage était indispensable, si l’on souhaitait être enfin accepté et respecté, il restait à réussir le défi le plus noble, le plus difficile aussi, une sorte d’agrégation du crime : tuer un membre de sa famille – ce qui, dans un curriculum de criminel, distinguait, constituait la preuve d’un engagement solide et révélait la sincérité absolue du candidat. Ainsi le nombre d’apprentis criminels se multipliait-il, formant de véritables gangs parés pour la guerre entre clans. Pouvoir compter sur des hommes prêts à se sacrifier afin de montrer la puissance du groupe et surtout protéger ledit groupe était fondamental.
En amour, les sentiments les plus vertueux sont louables mais ils ne suffiront pas à convaincre un chef de famille, qui donnera sa préférence au prétendant le plus argenté, brodant pour excuser les vices d’un bon parti et inventer des disgrâces à un mauvais.
Aucun mafieux n’est athée. Tous sont nés avec la religion, tous ont communié, tous sont baptisés, tous prient, tous se signent en passant devant une église, participent aux rituels, assistent aux messes, au mieux par foi, au pire pour parader et se rendre légitimes au sein de leur communauté. Certains se révèlent prodigues, aidant les bonnes œuvres de la paroisse en échange de la bénédiction du bon Dieu. La misère des quartiers était si grande au sortir de la guerre que Dieu ne regardait pas trop la provenance des généreuses donations : quelques dizaines de milliers de lires réparaient les âmes, rachetaient les mauvaises consciences ou rendaient l’honneur d’un nom de famille. Être camorriste n’empêchait pas d’être catholique. Bénie par l’Église, la Camorra soutenait financièrement les familles et permettait de suspendre un temps la misère, d’offrir à tous le toit et le petit travail que la société leur refusait. Comment auraient vécu les pauvres de Naples sans leur mafia ? Qu’auraient fait les chômeurs sans ces aides providentielles, sinon mettre la ville à feu et à sang ? Simonetti et Maresca, par exemple, magouilleurs extraits de la misère, qu’auraient-ils pu espérer de leur vie sinon zoner dans leur quartier et abîmer leur santé sur des chaînes d’usine ? À quoi pouvaient-ils aspirer si ce n’est à demeurer pauvres et à subir l’injustice de leur naissance ? D’ailleurs, étaient-ils si différents de tous ces héritiers, devenus hommes d’affaires, qui avaient illégalement spéculé sur les ruines de la guerre pour monter leur entreprise et acquérir des biens immobiliers, tous ceux-là qui s’étaient scandaleusement enrichis ? Au moins, Maresca et Simonetti s’étaient construits sans l’aide de personne comme tous ces pécheurs du petit peuple que la malavita corrompt. Voilà comment raisonnait Pupetta, voilà ce qu’elle avait appris à penser, voilà aussi pourquoi elle priait.
Ce n’étaient pas des hommes bavards, mais ils se comprenaient à coups de sous-entendus, qui donnaient tout leur sens à leurs phrases inachevées. Même leur grammaire était de contrebande.
Ma fille, tu te rends bien compte de ce que tu fais, j’espère ? Tu sais avec qui tu te fiances ? S’il se prend dix ans de prison, tu devras lui rester fidèle, et ce sera trop tard pour changer d’avis, tu devras lui sacrifier le reste de tes jours, tu le sais, ça, au moins ? Rappelle-toi la fois où ton père a été en prison, tu sais combien ça a été difficile pour moi ? Mais c’est ainsi, j’ai choisi, j’accepte et j’assume. Mais toi, est-ce que tu parviendras à supporter cette situation, si par malheur il devait arriver quelque chose à ton gars ? Car c’est écrit d’avance : ou bien il ira en prison, ou bien il mourra.
Une atmosphère délétère envahissait la ville. Tandis que toute l’Italie était menacée par la montée du fascisme, Naples était incendiée par une guerre féroce des clans camorristes. De Melito à Secondigliano, en passant par Forcella, Materdei, le Pallonetto et les quartiers espagnols, les différents secteurs s’entretuaient pour contrôler le racket de la contrebande, et les règlements de comptes, les tueries fabuleuses dignes des meilleurs westerns, les sauvageries des expéditions punitives, les saignées mémorables, les exécutions capitales se multipliaient. Avec l’hiver, on entrait dans la saison des guerres, une drôle de saison, une drôle de guerre entre Napolitains, qui grossissait les cimetières et réjouissait secrètement les armuriers, les conseillers funéraires et les fleuristes. Il n’y avait plus personne en ville le soir, sauf les ragazzi di strada dont les errances ne craignaient aucun danger. Ce n’était pas prudent de sortir, de promener son chien, de crâner sur le front de mer avec de belles chemises et des robes indécentes. Alors, on se barricadait, tous volets fermés, des fois que des balles se perdent ; on se calfeutrait malgré la chaleur : quitte à mourir, autant choisir sa mort, autant que ce soit d’étouffement. On attendait les nouvelles avec un mélange de terreur et de curiosité, on allumait fébrilement le transistor ou le téléviseur, on voulait savoir qui était mort. Parfois, on reconnaissait certains visages de bons citoyens tombés sous les balles, un voisin, un commerçant du coin, et on se disait qu’on avait eu bien de la chance, parce que, à quelques minutes près, on aurait pu y passer. Et l’on ne parlait plus que de cela, du crime, de la guerre des clans, de la ville à feu et à sang, de la violence sacrée, des morts qui s’ajoutaient à la liste des disparus, des hommes en cavale, des barbares, des monstres, des criminels dont les photos s’exhibaient en première page des journaux. Naples jouit de sa puissance tragique.
Être incarcéré, c’est faire l’expérience du temps, c’est éprouver le temps qui coule en soi sans pouvoir l’arrêter, ni le tuer, ni le tromper, c’est savoir que la vie continue ailleurs, sans soi, malgré soi. Être incarcéré, c’est faire de soi le corps même du temps. De longues années d’enfermement sans voir la lumière, à mal dormir, à supporter les brimades, la violence verbale, les courbatures causées par les matelas de mauvaise qualité, les piqûres de puces et de moustiques, la constipation provoquée par la nourriture infâme, les caillots sanguins dus à l’immobilité, font faner les détenues de manière spectaculaire. Ainsi, les corps perdent leur silhouette, fondent ou grossissent, s’abandonnent ou compensent ; même les cheveux de la jeunesse grisonnent, les peaux blanchissent et perdent parfois leur pilosité ; des dents tombent jusqu’à ravager la beauté des visages. Les caractères se corrompent. Des histoires circulaient à Poggioreale : une femme avait mis le feu à sa cellule ; un surveillant avait retrouvé l’une d’entre elles roulée en boule sous sa couverture, violée et défigurée par ses codétenues. L’équilibre est précaire en prison : une notoriété se perd à l’issue d’une bagarre, laquelle peut survenir pour rien – un mot de travers, un regard trop insistant, une insomnie, le manque de tabac, l’impossibilité de cantiner. Les calmants et les substances médicales, quand ils n’abrutissent pas, décuplent parfois la violence des détenues. Certaines d’entre elles vont jusqu’au suicide.
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