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Titre : Fleurs de nuit (Nightbloom)
Auteur : Peace Adzo MEDIE
Traduction : Benoîte DAUVERGNE
Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2023
en français en 2025 (Aube)
Pages : 440
Présentation de l'éditeur :
« Ma mère savait qu’en grandissant, ma cousine briserait tout ce qu’elle toucherait, même les personnes qui l’aimaient. »
Selasi et Akorfa, deux cousines nées le même jour, grandissent comme des sœurs sous le regard à la fois attendri et vigilant de leurs mères respectives. Une enfance ghanéenne heureuse, jusqu’à ce que tout bascule. Voilà Akorfa installée à Accra, la capitale, où elle aura accès aux meilleures écoles privées du pays, à la poursuite d’un rêve : partir étudier la médecine aux États-Unis. Quant à Selasi, elle va devoir trouver des ressources là où elle pourra pour parvenir à donner un sens à son destin. De la tendresse de l’enfance aux rivalités et aux silences des adultes, ce roman nous raconte la vie de ces fillettes jusqu’à ce qu’elles-mêmes soient mères de famille. Il nous raconte aussi les bifurcations de l’existence, les choses qu’on tait et qui nous rongent, les regards croisés sur les histoires de famille toujours plus complexes qu’il n’y paraît. Il nous raconte enfin la vie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, et ainsi nous invite au voyage. Ne passez pas votre chemin : cette saga familiale africaine est passionnante !
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Alors que, dans la petite enfance, rien ne semblait pouvoir séparer Akorfa et Selasi, les deux cousines nées le même jour de 1985 au Ghana, tout change quand, envoyée chez sa grand-mère paternelle au décès de sa mère, Selasi se retrouve soudain, aux yeux de la mère d’Akorfa, le rappel vivant de toutes les haines et jalousies qui l’opposent à sa belle-famille.
Après l’insouciance vient alors le temps d’une déchirure toujours plus large et bientôt irréconciliable, que le récit sonde depuis ses deux rives, laissant d’abord la parole à Akorfa pour son versant de l’histoire, puis, presque au mitan du livre, à Selasi pour une tout autre version qui renverse soudain les perspectives. L’antagonisme qui s’est creusé entre les deux cousines semble irréductible. C’est sans compter un secret et insupportable point commun, alors que les abus faits aux femmes se perpétuent dans l’impunité et le silence à tous les échelons de la société ghanéenne, seul capable de leur faire tant bien que mal enjamber l’héritage familial qui, de génération en génération, entrelace ses non-dits aux colères et aux rancoeurs.
Ainsi se rejoindront, dans une commune révolte, les deux chemins si différents entrepris par ces deux filles d’Afrique. L’une, endossant l’obsession maternelle d’autonomie et de revanche, pour s’extraire de sa condition de femme noire par la poursuite de l’excellence et par la réussite professionnelle aux Etats-Unis. L’autre, sans grands moyens financiers et attachée à ses racines, pour assumer fièrement son identité et trouver sa voie au Ghana à la force du poignet. Mais tout cela pour se voir toutes deux rattrapées, au final et malgré tous leurs efforts, par l’atavique destin des femmes depuis toujours résignées, dans un silence dicté par la honte, à accepter les plus bas instincts de domination masculine.
Même si peut-être parfois un peu trop stéréotypés dans un récit non dénué d'exagérations romanesques, l’on s’attache à ces deux beaux personnages de femmes, courageuses mais impuissantes à leur seule échelle, chacune aux prises avec son propre héritage familial pesant sur ses perceptions et sur ses choix. Commencé sous l’angle de ce qui ne s’avère ensuite qu’un point de vue, le récit rebondit à la plus grande surprise du lecteur pour une appréhension totalement renouvelée de la même histoire, soulignant de manière particulièrement réussie la subjectivité et les déformations de perception sous l’emprise des émotions et des traumatismes, enfin l’incommunicabilité au sein d’une même famille rendant plus compliquée encore l’approche des sujets considérés tabous. Quelle que soit la stratégie individuelle de chacun toutefois, une seule évidence : en matière de violences faites aux femmes, le silence sert toujours de caisse de résonance au mal, qu’il contribue à perpétuer de génération en génération comme s’il valait acceptation.
Un agréable roman suffisamment épais pour s’y dépayser durablement et, surtout, une gentillette déclinaison africaine de la mouvance MeToo soulignant, là-bas sans doute plus encore qu’aillleurs, l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir. (3,5/5)
Après l’insouciance vient alors le temps d’une déchirure toujours plus large et bientôt irréconciliable, que le récit sonde depuis ses deux rives, laissant d’abord la parole à Akorfa pour son versant de l’histoire, puis, presque au mitan du livre, à Selasi pour une tout autre version qui renverse soudain les perspectives. L’antagonisme qui s’est creusé entre les deux cousines semble irréductible. C’est sans compter un secret et insupportable point commun, alors que les abus faits aux femmes se perpétuent dans l’impunité et le silence à tous les échelons de la société ghanéenne, seul capable de leur faire tant bien que mal enjamber l’héritage familial qui, de génération en génération, entrelace ses non-dits aux colères et aux rancoeurs.
Ainsi se rejoindront, dans une commune révolte, les deux chemins si différents entrepris par ces deux filles d’Afrique. L’une, endossant l’obsession maternelle d’autonomie et de revanche, pour s’extraire de sa condition de femme noire par la poursuite de l’excellence et par la réussite professionnelle aux Etats-Unis. L’autre, sans grands moyens financiers et attachée à ses racines, pour assumer fièrement son identité et trouver sa voie au Ghana à la force du poignet. Mais tout cela pour se voir toutes deux rattrapées, au final et malgré tous leurs efforts, par l’atavique destin des femmes depuis toujours résignées, dans un silence dicté par la honte, à accepter les plus bas instincts de domination masculine.
Même si peut-être parfois un peu trop stéréotypés dans un récit non dénué d'exagérations romanesques, l’on s’attache à ces deux beaux personnages de femmes, courageuses mais impuissantes à leur seule échelle, chacune aux prises avec son propre héritage familial pesant sur ses perceptions et sur ses choix. Commencé sous l’angle de ce qui ne s’avère ensuite qu’un point de vue, le récit rebondit à la plus grande surprise du lecteur pour une appréhension totalement renouvelée de la même histoire, soulignant de manière particulièrement réussie la subjectivité et les déformations de perception sous l’emprise des émotions et des traumatismes, enfin l’incommunicabilité au sein d’une même famille rendant plus compliquée encore l’approche des sujets considérés tabous. Quelle que soit la stratégie individuelle de chacun toutefois, une seule évidence : en matière de violences faites aux femmes, le silence sert toujours de caisse de résonance au mal, qu’il contribue à perpétuer de génération en génération comme s’il valait acceptation.
Un agréable roman suffisamment épais pour s’y dépayser durablement et, surtout, une gentillette déclinaison africaine de la mouvance MeToo soulignant, là-bas sans doute plus encore qu’aillleurs, l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir. (3,5/5)
Citation :
La vie en Amérique avait entrouvert ma cage, mais ne m’avait pas libérée de la prison des attentes ghanéennes. J’avais fait quelques petits tours dehors, en bifurquant vers les sciences politiques par exemple, mais ce n’était que des anomalies, des moments d’embarras. Parce que j’étais surtout en paix lorsque j’étais d’accord avec eux – en particulier avec ma mère, quand nos désirs et intentions étaient alignés. Si je me sentais enfin à l’aise avec nos désaccords, cela signifierait que je rejetais ce qu’on m’avait appris à faire : respecter mes parents, ne jamais douter qu’ils voulaient le meilleur pour moi et s’assuraient que je l’obtienne, les rendre fiers. Cela signifierait que je commençais à oublier que, malgré mon autonomie, je leur appartenais toujours. J’étais moi, mais j’étais également eux.
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