J'ai beaucoup aimé
Titre : Une soif d'amour
(愛の渇き, Ai no Kawaki)
Auteur : Yukio MISHIMA
Traduction : Léo LACK
Parution : en japonais en 1950,
en français en 1982 (Gallimard)
Pages : 228
Présentation de l'éditeur :
La jeune veuve Etsuko est amoureuse d'un domestique de la maison de son
beau-père Yakichi, chez qui elle vit. Ses beaux-frères, belles-sœurs et
leurs enfants vivent sous le toit de l'ancêtre, qui est devenu l'amant
d'Etsuko.
Une nuit, Etsuko donne rendrez-vous au garçon qu'elle désire. Comprenant enfin ce qu'elle veut, il se jette sur elle. Elle perd connaissance. Quand elle revient à elle, il s'enfuit. Elle le poursuit, le rattrape, le frappe d'un coup de houe et le tue - Yakichi était là.
Roman d'une grande force sournoise, obscure et nerveuse, cette œuvre est une peinture d'une passion bridée par un milieu, mais qui finit par tout consumer.
Une nuit, Etsuko donne rendrez-vous au garçon qu'elle désire. Comprenant enfin ce qu'elle veut, il se jette sur elle. Elle perd connaissance. Quand elle revient à elle, il s'enfuit. Elle le poursuit, le rattrape, le frappe d'un coup de houe et le tue - Yakichi était là.
Roman d'une grande force sournoise, obscure et nerveuse, cette œuvre est une peinture d'une passion bridée par un milieu, mais qui finit par tout consumer.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Yukio Mishima (pseudonyme de Kimitake Hiraoka) est né en 1925 à Tôkyô.
Son œuvre littéraire est aussi diverse qu'abondante : essais, théâtre,
romans, nouvelles, récits de voyage. Il a écrit aussi bien des romans
populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres
littéraires raffinées, et a joué et mis en scène un film qui préfigure
sa propre mort.
Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. En novembre 1970, il s'est donné la mort de façon spectaculaire, au cours d'un seppuku, au terme d'une tentative politique désespérée qui a frappé l'imagination du monde entier.
Mishima fut un grand admirateur de la tradition japonaise classique et des vertus des Samouraïs. Dans ses œuvres, il a souvent dénoncé les excès du modernisme, et donné une description pessimiste de l'humanité.
Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. En novembre 1970, il s'est donné la mort de façon spectaculaire, au cours d'un seppuku, au terme d'une tentative politique désespérée qui a frappé l'imagination du monde entier.
Mishima fut un grand admirateur de la tradition japonaise classique et des vertus des Samouraïs. Dans ses œuvres, il a souvent dénoncé les excès du modernisme, et donné une description pessimiste de l'humanité.
Avis :
Ce deuxième roman, paru en 1950 après un début littéraire retentissant, amorce les grandes thématiques qui traverseront l’œuvre de Mishima, parmi les maîtres de la littérature japonaise du XXe siècle : le désir, la souffrance intérieure et les tensions entre pulsion et norme sociale.Etsuko, jeune veuve d’un mari distant et infidèle qui, après la jalousie de son vivant, ne lui a laissé en mourant que la culpabilité diffuse du soulagement, a quitté l’agitation d’Osaka pour s’installer chez sa belle-famille, dans une campagne japonaise figée où les stigmates de l’après-guerre cohabitent avec la rigidité des structures sociales. Tacitement enfermée par l’emprise autoritaire de son beau-père Yakichi dans un rôle ambigu, entre domestique et compagne, elle se retrouve la maîtresse résignée du vieil homme, dans une solitude affective étouffante où éclot bientôt son désir obsessionnel pour Saburo, un jeune domestique qui semble bien le seul de la maisonnée à ignorer la passion qui couve et le drame qu’elle annonce.
Mais, tout sauf libérateur, le désir d’Etsuko se heurte à une indifférence imprégnée de honte sociale, nourrie par la violence sourde des rapports de pouvoir. Explorant la tension entre pulsion et retenue, entre le corps et l’ordre moral, le roman qui, épuré et chargé d’une intensité latente, donne à chaque geste et à chaque regard une portée symbolique, avance comme une lente suffocation. Jamais exprimées, les émotions s’enfouissent et finissent par se retourner contre les personnages qui, dans la maison familiale devenue prison mentale et espace tragique, s’enlisent dans leurs contradictions.
Coincée entre son désir de liberté et les normes qui l’enferment dans un monde où la femme reste cantonnée à la soumission et à l’effacement, Etsuko incarne une lutte intérieure que, sans jamais chercher à la résoudre, l’auteur déplie dans toute sa cruauté, en miroir des antagonismes du Japon d’après-guerre entre modernité et tradition, émancipation féminine et maintien des structures patriarcales. Culpabilité et remords s’agglomèrent en un malaise latent et une tension muette qui, loin des conventions narratives rassurantes, maintiennent le lecteur dans l’inconfort d’une contemplation sans échappatoire de la complexité du cœur humain.
En cristallisant, par le prisme d’Etsuko, une douleur tue où désir et culpabilité s’entrelacent sans jamais trouver d’issue, ce sont les failles intimes et les impasses sociales d’un Japon en mutation qu’expose, avec une lucidité implacable, ce roman à la fois resserré et vertigineux qui transforme le quotidien en tragédie intérieure et fait du non-dit la matière même de sa puissance littéraire. D’une beauté sombre et poignante, profondément mélancolique, il met en lumière avec une précision troublante la manière insidieuse dont les normes sociales infiltrent l’intime et modèlent les élans les plus enfouis de l’âme. Crépusculaire, implacable et envoûtant. (4/5)
Citations :
Etsuko tourna distraitement les pages, se parlant à elle-même : « Malgré tout, je suis heureuse. Je suis heureuse. Personne ne peut le nier. Et, avant tout, il n’y a pas de preuve. »
Elle n’était couchée que depuis une heure. Elle avait encore longtemps à dormir avant le lendemain. Elle se tortura la cervelle pour trouver un espoir qui justifierait ce lendemain. N’importe quel espoir, si mince fût-il, suffirait. Sans cela, qui pourrait vivre jusqu’au matin ?
Dès qu’un lion captif s’évade de sa cage, il possède un monde plus vaste que celui qui n’a connu que la brousse. Lorsqu’il était captif, il n’existait pour lui que deux mondes : celui de la cage et celui hors de la cage. Maintenant, il est libre. Il rugit. Il attaque les hommes. Il les dévore. Cependant, il n’est pas encore satisfait, car il n’y a pas de troisième monde qui ne soit ni celui de la cage, ni le monde extérieur.
Mieux vaut prendre la vie à la légère, pensait-elle. Après tout, les gens pour qui la vie est facile n’ont pas à donner d’excuse pour vivre au-delà de cette vie facile. Mais ceux qui la trouvent difficile utilisent bientôt quelque chose de plus comme excuse que le simple fait de vivre. Dire que la vie est difficile n’est rien dont on puisse se vanter. Notre faculté de découvrir toutes les difficultés de la vie aide la majorité des hommes à la rendre facile. Sans cette faculté, la vie serait une sphère vide et glissante où l’on ne trouverait aucun point d’appui.
Le plus haut point de rencontre entre l’art et la vie est la banalité. Dédaigner la banalité est mépriser ce qu’on ne peut avoir. Un homme qui craint d’être banal n’est pas encore un homme. Les temps anciens du haïku, avant Besho, avant Shiki, connaissaient la vigueur d’une époque où l’esprit de la banalité n’avait pas encore disparu.
Avec quelle rapidité nous oublions nos actes ! Tandis que les sentiments s’attardent dans notre souvenir, nos actes disparaissent sans laisser de trace.
Un espoir dont on ne craint pas l’anéantissement n’est, en dernière analyse, qu’une sorte de désespoir.
Elle n’était couchée que depuis une heure. Elle avait encore longtemps à dormir avant le lendemain. Elle se tortura la cervelle pour trouver un espoir qui justifierait ce lendemain. N’importe quel espoir, si mince fût-il, suffirait. Sans cela, qui pourrait vivre jusqu’au matin ?
Dès qu’un lion captif s’évade de sa cage, il possède un monde plus vaste que celui qui n’a connu que la brousse. Lorsqu’il était captif, il n’existait pour lui que deux mondes : celui de la cage et celui hors de la cage. Maintenant, il est libre. Il rugit. Il attaque les hommes. Il les dévore. Cependant, il n’est pas encore satisfait, car il n’y a pas de troisième monde qui ne soit ni celui de la cage, ni le monde extérieur.
Mieux vaut prendre la vie à la légère, pensait-elle. Après tout, les gens pour qui la vie est facile n’ont pas à donner d’excuse pour vivre au-delà de cette vie facile. Mais ceux qui la trouvent difficile utilisent bientôt quelque chose de plus comme excuse que le simple fait de vivre. Dire que la vie est difficile n’est rien dont on puisse se vanter. Notre faculté de découvrir toutes les difficultés de la vie aide la majorité des hommes à la rendre facile. Sans cette faculté, la vie serait une sphère vide et glissante où l’on ne trouverait aucun point d’appui.
Le plus haut point de rencontre entre l’art et la vie est la banalité. Dédaigner la banalité est mépriser ce qu’on ne peut avoir. Un homme qui craint d’être banal n’est pas encore un homme. Les temps anciens du haïku, avant Besho, avant Shiki, connaissaient la vigueur d’une époque où l’esprit de la banalité n’avait pas encore disparu.
Avec quelle rapidité nous oublions nos actes ! Tandis que les sentiments s’attardent dans notre souvenir, nos actes disparaissent sans laisser de trace.
Un espoir dont on ne craint pas l’anéantissement n’est, en dernière analyse, qu’une sorte de désespoir.

Merci pour cette très belle découverte et pour ce joli billet incitatif! Je m'empresse de noter le titre pour une lecture prochaine!
RépondreSupprimerUn auteur que je n'avais plus lu depuis l'adolescence et que je retrouve avec plaisir. Bonne découverte !
SupprimerBelle illustration de ce que vous disiez concernant l'ambiguité du réel.
RépondreSupprimerIci, Denis, il ne s'agit pas d'une distorsion du réel dans un esprit aveuglé par ses peurs, mais de ce qui s'enterre sous la surface du visible en raison de la pression sociale. A prendre le visible pour la réalité, on se trouve souvent lourdement :)
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