dimanche 1 juin 2025

[Puertolas, Romain] Ma vie sans moustache

 





Coup de coeur 💓

 

Titre : Ma vie sans moustache

Auteur : Romain PUERTOLAS

Parution :  2025 (Albin Michel)

Pages : 304

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« En février 2015, j’ai reçu une lettre d’Argentine dans laquelle une très vieille dame me disait avoir été la dernière cuisinière d’Hitler… après 1945 ! Elle m’invitait à la rencontrer. Bien entendu, cela m’a d’abord fait sourire. J’allais passer à autre chose lorsque, titillé, j’entrepris quelques recherches et découvris San Carlos de Bariloche, petite bourgade du nord de la Patagonie, où les habitants racontent que certains auraient côtoyé le dictateur nazi pendant plus de vingt ans… après la fin de la guerre.
Le doute se mit à germer dans mon esprit : et s’ils avaient raison ? Et si le Führer ne s’était pas suicidé le 30 avril 1945 dans son bunker berlinois ?
Il n’en fallut pas plus à l’enquêteur que je suis pour sauter dans un avion... »
Après Comment j’ai retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès, Romain Puértolas, ancien capitaine de police, livre un nouveau « roman-quête » et mène une investigation qui nous entraîne dans une histoire aussi sérieuse qu’ubuesque.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Né en 1975, Romain Puertolas grandit dans le Sud de la France. À 25 ans, il part s’installer à Barcelone puis Brighton (Angleterre) avant de retourner en Espagne à Madrid où il travaille dans l’aviation et plus tard comme professeur. À 35 ans, il obtient le concours de lieutenant de police et s’installe alors à Paris. À la sortie du Fakir, et grâce à son succès, il se met en disponibilité de la police (il est désormais capitaine) et se consacre depuis 2014 à ses romans et à leur adaptation au cinéma. Il a publié chez Albin Michel La Police des fleurs, des arbres et des forêts et Sous le parapluie d’Adélaïde en 2019 et 2020.

 

 

Avis :

Après sa fort crédible enquête-fiction sur Xavier Dupont de Ligonnès, Romain Puértolas s'intéresse cette fois, avec toujours autant d'humour que de sérieux, aux rumeurs entourant une prétendue survie d'Hitler après la seconde guerre mondiale. Ou comment un ex-capitaine de police passionné de débunkage de théories complotistes s'efforce de comprendre pourquoi les habitants de la ville argentine de San Carlos de Bariloche restent convaincus d'avoir côtoyé Hitler de 1945 à 1963.

C'est le courrier d'une très vieille dame argentine qui, en 2015, éveille la curiosité du narrateur. Elle aurait été la cuisinière d'Hitler en Patagonie pendant presque vingt ans après la capitulation du IIIe Reich. Une rapide consultation d'internet lui révèle que, longtemps refuge de criminels nazis en fuite, la ville de Bariloche surnommée la "Suisse argentine" pour ses lacs et ses montagnes, reste si bien convaincue d'avoir hébergé Hitler dans les décennies d'après-guerre qu'elle propose aux touristes un "nazi tour" à la découverte des vestiges de sa présence. Aussitôt dit, aussitôt fait, notre homme se rend sur place pour en avoir le coeur net. Après tout, il aura fallu dix ans après la disparition d'Hitler en 1945 pour que le gouvernement allemand confirme légalement sa mort sans en être sûr à cent pour cent.

En enquêteur sérieux et sans a-priori, le voilà en quête de preuves. Des preuves qu'avec autant de sérieux que d'humour il cherche du côté des données historiques dans une démarche fouillée et passionnante ouvrant de nombreux sujets de réflexion, et auprès des habitants de Bariloche, reconstituant notamment l'histoire de la très vieille dame et tentant sincèrement de trouver un fil rationnel aux croyances locales. Bien sûr, à Bariloche ne subsistent que courants d'air et impalpables fantômes. Et l'enquête bien décidée à donner sa chance à l'Histoire alternative de se muer en drolatique jeu de dupes où l'auteur, ses tâtonnements et ses réflexions se mettent autant en scène que le reste pour un savoureux cocktail de sérieux et de burlesque décortiquant au final la folie complotiste.

Ce dernier ouvrage, comme toujours plein de surprises, d'humour et de fantaisie, se plaît plus que jamais à investiguer les frontières de plus en plus floues entre fiction et réalité, nous menant par le bout du nez dans ce qui s'avère autant une farce désopilante qu'une sérieuse démonstration de la déraison complotiste. C'est passionnant, hilarant et édifiant. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

Il faudra attendre 1955 pour que l’État allemand d’après-guerre, en l’absence de corps, déclare officiellement le décès « supposé » d’Adolf Hitler. Un peu comme il arrive à ces pêcheurs bretons perdus en mer, ou à ces enfants enlevés dont on ne découvre jamais le cadavre. Pour les férus de droit, en France, c’est l’article 88 du Code civil qui permet de déclarer, « à la requête du procureur de la République, le décès de tout Français disparu en France ou hors de France, lorsque son corps n’a pu être retrouvé ». Dans le cas qui nous occupe, cela ne signifie qu’une chose : de 1945 à 1955, c’est-à-dire pendant près de dix ans, le statut légal d’Hitler, pour le gouvernement allemand, était celui…           
… d’une personne vivante.


Dans la police, j’ai appris que la vérité est en général la solution la plus simple, la plus logique. La vérité est comme la lumière, elle prend le chemin le plus court. Dans 95 % des cas, lorsqu’une femme est assassinée, c’est son conjoint qui a fait le coup. Dans 90 % des cas, si un enfant disparaît, c’est qu’il a été tué par le beau-père ou la belle-mère, en tout cas par la famille directe. La simplicité avant tout. Avant d’inventer des extraterrestres, des monstres, des fantômes, il faut chercher des réponses dans le quotidien, la banalité. Il y a donc fort à parier qu’Hitler s’est bel et bien tiré une balle dans la tête en 1945. C’est la solution la plus simple, la plus économique. Personne n’a trafiqué ses dents pour faire croire à un suicide, il n’a jamais pris de sous-marin pour l’Argentine après trente opérations de chirurgie esthétique, il n’a pas vécu la fin de sa vie à l’ombre des palmiers. Fin de l’histoire. Fin du débat. Mais s’il n’y a pas de débat, il n’y a pas de livre. Ce livre. 


Les croyances infondées de l’homme. La religion, le complotisme. Tout est là. Un phénomène de vents croisés et rapides sépare les eaux à Suez, on imagine alors que c’est l’action de Moïse. On voit un tronc d’arbre flotter sur le Loch Ness, on en fait un monstre. On aperçoit un ballon-sonde dans le ciel, il devient aussitôt une soucoupe volante. L’être humain aime se compliquer la vie… À moins qu’il n’aime jeter un peu de fantaisie dans un monde qui en est si souvent dépourvu.


Nous le savons maintenant, il a bel et bien existé, à la fin de la guerre, un réseau d’exfiltration des nazis à destination de divers pays d’Amérique du Sud, et notamment de l’Argentine (Perón, le dirigeant argentin d’alors, était en admiration devant Mussolini et Hitler), avec l’appui de l’Église, du Vatican en particulier (entre les petits garçons et les nazis, leur cœur balance…), et de la Croix-Rouge, qui leur fournissaient de faux papiers italiens avant leur départ. Les Alliés ont appelé ce réseau de fuite la « ratline », la « route des rats », les Allemands, eux, l’ont nommé opération Odessa (c’est tout de suite plus glamour, plus James Bond). On estime qu’en 1947, près de quatre-vingt-dix mille Allemands et Autrichiens avaient fui vers l’Argentine (cela ne passe pas inaperçu ! Quatre-vingt-dix mille, c’est l’équivalent de la population d’Avignon). Dix-neuf mille y sont restés. Parmi eux, une soixantaine de criminels de guerre, protégés par le gouvernement de Perón… Ce qui file des frissons dans le dos.


Tout comme il existe en France un village d’irréductibles Gaulois, il existerait donc une petite ville dans le sud de l’Argentine, en Patagonie plus précisément, où la plupart des habitants, sans doute des fous ou des fabulateurs, sont persuadés d’avoir côtoyé Hitler dans les années cinquante…

 

 

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