Coup de coeur 💓
Titre : Les locataires de l'été (Salt Water)
Auteur : Charles SIMMONS
Traduction : Eric CHEDAILLE
Parution : 1997 en anglais (Etats-Unis),
1998 en français (Phébus)
Pages : 192
Présentation de l'éditeur :
Charles Simmons (un livre tous les huit ou dix
ans depuis 1964, oú son premier roman obtient le prix Faulkner) est un
écrivain à éclipses - et à mystères. Les locataires de l'été fait partie de ces histoires qui cachent
leur jeu : trop simples pour être honnêtes. Un adolescent passe l'été
au bord de la mer, tombe amoureux de la petite voisine, découvre que la
mort existe. L'art de Simmons, d'une scène faussement anodine à
l'autre, consiste à révéler tout ce qui dans la vie fait défaut. Un
grand petit livre feutré qui nous renvoie, par-delà les mirages de la
belle saison, à l'hiver que nous portons en nous.
Un mot sur l'auteur :
Le journaliste et romancier américain Charles Simmons (1924 - 2017) a également été éditorialiste et critique littéraire. Son premier roman Powdered Eggs a été couronné du prix William Faulkner en 1965. Les locataires de l'été, considéré comme un chef-d'oeuvre par la critique, est l'un de ses deux romans traduits en français.
Avis :
Nous sommes en 1968 et Michael, le narrateur, a quinze ans. Comme chaque année, il vient passer l’été avec ses parents dans leur maison de bord de mer, sur la côte atlantique des Etats-Unis. Une grande complicité l’unit à son père, avec qui il passe l’essentiel de son temps à naviguer et à pêcher, à bord de leur voilier Angela. Mais voilà que s’installent, dans le pavillon qu’ils mettent en location au bout de leur propriété, deux nouvelles venues : la fantasque Madame Mertz et sa fille de vingt ans, Zina, photographe à la beauté troublante.
Rien ne prédestine l’été au drame, sur ce petit bout de côte idéalement situé loin du monde pour se vider la tête et pour se reposer. Pourtant, l’avertissement cueille le lecteur dès la première phrase : C’est pendant l’été de 1968 que je tombai amoureux et que mon père se noya. C’est donc dans l’attente d’une catastrophe annoncée que l’on entame ces vacances aux couleurs paisibles du bonheur, celles qui retiennent encore Michael du côté d’une enfance qu’il se plaît à prolonger en sachant sa fin proche. Dans les faits, l’arrivée de Zina est une déflagration. En un instant, l’adolescent amoureux se rêve homme, lui que cinq ans séparent de sa belle. Mais si cet été en trompe-l’oeil le fait effectivement basculer dans l’âge adulte, c’est avec la brutalité d’une vague scélérate, surgie sans prévenir dans les eaux faussement inoffensives de vacances en famille pour fracasser jusqu’à ses certitudes les plus intimes : l’amour et la cohésion des siens, son admiration pour son père et sa confiance en la maîtrise qu’ont les adultes de leur vie.
On ne badine pas avec l’amour, et les mirages d’une belle saison ont vite fait de céder la place à l’hiver. Le récit enchanteur d’un été plein de promesses se délite bientôt en un constat désolé et incrédule. A peine le temps de presque rien, et vous vous réveillez dans un désert, là où tout était riant. Vos doigts qui comptaient toucher le bonheur se referment, stupéfaits, sur un vide où toute votre existence a disparu, à l’image de ce banc de sable, aperçu au début du roman à proximité de la plage, que les vagues disloquent dangereusement au moment de mettre le pied dessus.
Avis :
Nous sommes en 1968 et Michael, le narrateur, a quinze ans. Comme chaque année, il vient passer l’été avec ses parents dans leur maison de bord de mer, sur la côte atlantique des Etats-Unis. Une grande complicité l’unit à son père, avec qui il passe l’essentiel de son temps à naviguer et à pêcher, à bord de leur voilier Angela. Mais voilà que s’installent, dans le pavillon qu’ils mettent en location au bout de leur propriété, deux nouvelles venues : la fantasque Madame Mertz et sa fille de vingt ans, Zina, photographe à la beauté troublante.Rien ne prédestine l’été au drame, sur ce petit bout de côte idéalement situé loin du monde pour se vider la tête et pour se reposer. Pourtant, l’avertissement cueille le lecteur dès la première phrase : C’est pendant l’été de 1968 que je tombai amoureux et que mon père se noya. C’est donc dans l’attente d’une catastrophe annoncée que l’on entame ces vacances aux couleurs paisibles du bonheur, celles qui retiennent encore Michael du côté d’une enfance qu’il se plaît à prolonger en sachant sa fin proche. Dans les faits, l’arrivée de Zina est une déflagration. En un instant, l’adolescent amoureux se rêve homme, lui que cinq ans séparent de sa belle. Mais si cet été en trompe-l’oeil le fait effectivement basculer dans l’âge adulte, c’est avec la brutalité d’une vague scélérate, surgie sans prévenir dans les eaux faussement inoffensives de vacances en famille pour fracasser jusqu’à ses certitudes les plus intimes : l’amour et la cohésion des siens, son admiration pour son père et sa confiance en la maîtrise qu’ont les adultes de leur vie.
On ne badine pas avec l’amour, et les mirages d’une belle saison ont vite fait de céder la place à l’hiver. Le récit enchanteur d’un été plein de promesses se délite bientôt en un constat désolé et incrédule. A peine le temps de presque rien, et vous vous réveillez dans un désert, là où tout était riant. Vos doigts qui comptaient toucher le bonheur se referment, stupéfaits, sur un vide où toute votre existence a disparu, à l’image de ce banc de sable, aperçu au début du roman à proximité de la plage, que les vagues disloquent dangereusement au moment de mettre le pied dessus.
A partir lui aussi de presque rien - quelques séquences d’apparence anodines -, Charles Simmons met en scène nos désillusions humaines, quand la vie se charge de nous révéler tout ce qu’elle nous refusera. Un grand roman, qui, sans crier gare, nous fait passer du goût salé de la mer à celui, saumâtre, de la vie et des larmes. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
J’entends me reposer le regard pendant un moment. Voici l’endroit rêvé pour cela. L’eau et le ciel, dit-elle en désignant la mer, puis, montrant le rivage : L’eau, le ciel et le sable. Multipliez cela par le jour et la nuit et cela ne fait toujours que six choses à regarder. Je me vide la tête.
Après le déjeuner, je me rembarquai en compagnie de mon père pour longer le rivage vers le sud jusqu’à un petit village situé au-dessous de l’isthme, où était installé un excellent fromager. Pendant qu’il faisait les courses, je maintins l’Angela bout au vent, voiles en ralingue. La toile qui battait et claquait faisait entendre comme des reproches et, lorsque papa reparut avec le fromage, il déclara que l’Angela était une dame et qu’elle n’aimait pas faire les commissions.
Il ne correspondait vraiment pas à l’idée que l’on se fait d’un père, du moins en ce qui concernait la discipline. Maman me disait ce que je pouvais et ne pouvais pas faire. Papa, lui, me disait ce que je devais et ne devais pas faire.
Mon père et moi nourrissions un préjugé non dénué de snobisme à l’égard des bateaux à moteur. Notre sentiment était que la navigation à bord d’une telle embarcation ne différait guère d’un trajet sur autoroute. En voilier, on n’entendait, on ne sentait, on ne percevait que le vent et la mer. On faisait la même chose que nos ancêtres des milliers d’années avant nous. Prenez l’Angela : un bateau fait de bois et de toile, comme tous les voiliers avant lui. Il goûtait autant le large que les eaux abritées de la baie. Rêveur, il chevauchait la houle avec tant d’aisance qu’il faisait de vous un rêveur. Allez donc rêvasser à bord d’un bateau à moteur. Un tel engin suscite des projets, pas des rêves. L’Angela aimait à être souquée, mais elle ne vous jouait aucun mauvais tour. Elle préférait une brise forte et soutenue, mais elle étalait les surventes, jamais ne renâclait et était parfaitement heureuse de flâner dans le petit temps. Si vous ne saviez pas toujours bien y faire, elle montrait de l’indulgence. Elle était lourde pour sa taille et n’aimait pas rivaliser de vitesse. Mon père disait que, si elle avait été une femme, elle aurait eu la fesse grosse et la poitrine opulente, qu’elle aurait été meilleure mère qu’épouse et meilleure épouse que maîtresse.
Le noir et blanc avait encore de belles années devant lui. À présent, il est difficile de résister à la couleur. Beaucoup de photographes de qualité ne font que du noir et blanc, mais cela a quelque chose d’affecté, comme ceux qui tournent des films en noir et blanc. Avec la couleur, on peut ne jamais rien obtenir de valable ; cela a souvent un côté trop réel. Les bonnes photos n’ont rien de réel : elles sont des représentations de ta vision du réel.
Il y avait des photos noir et blanc sur le mur. Moi-même, le garçon assis en face de moi, les chaises, le sol, tout le reste était en couleurs. Seules ces photos faisaient exception, elles étaient l’unique refuge. L’art est un refuge contre la réalité.
(...) on a plus à apprendre des femmes ; les hommes ne vous apprennent des choses que sur eux-mêmes.
Elle savait que les hommes la trouvaient attirante, mais cela venait de ce qu’elle était autonome.
– C’est ce qu’ils préfèrent. Le moment venu, on se débarrasse plus facilement d’une femme indépendante.
Dans la vie, on n’a pas ce qu’on veut simplement parce qu’on le veut. Non, on obtient seulement ce que la vie veut bien nous donner.
Quelques années auparavant, à l’époque où l’on commence de s’échanger à l’école des informations sur les choses de la sexualité, j’avais demandé à mon père si tout ce que j’entendais était vrai. Plus ou moins, m’avait-il répondu, ajoutant que lorsque deux personnes font l’amour, elles font quelque chose à partir de rien.
Je lui demandai s’il était amoureux de Rita. Il me répondit qu’il ne croyait pas à l’amour et que, si l’on n’y croyait pas, on ne pouvait être amoureux. – C’est comme les péchés mortels : si on n’y croit pas, on ne peut pas en commettre.
En fin de journée, j’allais toujours voir comment était la mer. Ce soir-là, elle était inhabituellement calme. Des vaguelettes brisaient paisiblement sur le rivage. Par de telles soirées d’été, je me disais que l’océan était factice. Comment quelque chose dont le corps était aussi vaste et aussi pesant pouvait-il avoir le bout des doigts aussi délicat ?
– Pour ma part, disait-elle, je raffole de ça, j’en raffole de bout en bout, y compris la peine de cœur. Pour moi, être amoureuse, c’est comme de remonter la côte de Californie en voiture. On se dit que tout va aller comme sur des roulettes…
– Oui, dit maman, mais le jour où ça se termine ?
– Le secret, c’est de remettre ça aussi sec.
– Vous voulez dire que vous êtes capable de tomber amoureuse à volonté ?
– Si vous avez des prédispositions, si vous fonctionnez sur ce mode, si vous recherchez l’amour… alors l’amour vous trouvera.
– À vous entendre, c’est un peu comme d’être en chaleur. Comment peut-on tomber amoureuse à volonté ? Il y faut tout de même quelqu’un d’autre, non ?
– Bien sûr, dit Mrs Mertz, prenant le temps de boire une gorgée avant de poursuivre. Disons qu’à mes yeux certains ont cette capacité en venant au monde, et d’autres non.
– Je ne comprends toujours pas pourquoi on en fait si grand cas. Est-ce une si bonne chose que de s’exposer ainsi ?
– Est-ce une bonne chose que de prendre des risques ? Si l’on ne tente pas la chance, on n’a pas une chance. L’amour, c’est comme le beurre, ça rend tout meilleur.
Quant à moi, je ne pense pas que l’amour soit destiné à adoucir la condition humaine ; je pense qu’il est inhérent à la condition humaine. Tantôt il s’épanouit et tantôt il tourne court, comme la plupart des choses de la vie. Mais il est toujours une illusion. L’être aimé ne se montre pas à la hauteur de l’attente de l’autre, et quand l’amour persiste par-delà la déception, il devient de surcroît une prison.
– Il m’a dit que l’amour est un truc magique parce qu’on fait quelque chose à partir de rien. S’il a envie de faire quelque chose à partir de rien, ce n’est pas ça qui va me tracasser outre mesure. Et puis ce sont ses oignons.
– C’est certain. Du moins tant que personne ne l’apprend. Si ça se savait – et là je pense à ta mère –, pour le coup, il ferait du rien à partir de quelque chose.
La photographie ne compte pas beaucoup de génies. C’est un art trop facile pour qu’on y soit bon, et trop difficile pour qu’on y soit mieux que bon.
Dans les contes de fées, il y a toujours un philtre qui te plonge dans un profond sommeil. Quand tu te réveilles, tu t’éprends de la première personne que tu vois. Il n’est pas de meilleure métaphore regardant l’amour. L’amour est arbitraire, inexplicable et cruel. Il est aussi transitoire. Rien d’aussi déraisonnable ne saurait durer bien longtemps.
Micha, cela n’a rien de bien méchant que de souffrir un petit moment du mal d’amour. Tout le monde a eu le cœur brisé. Tu as des gens chez qui c’est comme un mode de vie. L’amour semble être un rayon que tu dardes sur un être. Parfois, il est réfléchi vers toi, parfois non. En fait, ce n’est pas un rayon. C’est un éclat de lumière qui part dans toutes les directions. Il paraît n’éclairer qu’un seul objet parce que l’amoureux ne voit que cet objet. Mais s’il regarde autour de lui, il verra que de nombreux objets captent sa lumière.
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