J'ai beaucoup aimé
Titre : Plateau
Auteur : Franck BOUYSSE
Parution : La Manufacture de Livres en 2016,
Le Livre de Poche en 2017
Pages : 384
Présentation de l'éditeur :
Plateau de Millevaches. Judith et Virgile tiennent une petite ferme dans
un hameau. Le couple a élevé Georges, un neveu dont les parents sont
morts dans un accident de la route quand il avait cinq ans. Il vit dans
une caravane tout près de chez son oncle et sa tante. Lorsqu'une jeune
femme vient s'installer chez lui, lorsque Karl, ancien boxeur tiraillé
entre pulsions sexuelles et croyance en Dieu, emménage dans une maison
du même village, et lorsqu'un mystérieux chasseur sans visage rôde
alentour, les masques s'effritent et des coups de feu résonnent sur le
Plateau.
Une écriture ciselée pour exprimer la rudesse du paysage et la profondeur des caractères. Comme Grossir le ciel, noir et bouleversant.
Une écriture ciselée pour exprimer la rudesse du paysage et la profondeur des caractères. Comme Grossir le ciel, noir et bouleversant.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Franck Bouysse est né en 1965 et partage sa vie entre Limoges et sa Corrèze natale. Grossir le ciel a
rencontré un succès critique et public et a obtenu le Prix Polar SNCF
en 2017 ainsi que le prix Sud Ouest / Lire en poche, le prix
polar Michel-Lebrun, le prix Calibre 47 et le prix Polars
Pourpres. Franck Bouysse est également l’auteur aux éditions de La
Manufacture de Livres de Plateau, prix des lecteurs de la foire du livre de Brive, Glaise, et de Né d’aucune femme, prix Psychologies magazine.
Avis :
Lorsque Cory se résout à fuir la violence de son compagnon, elle se réfugie sur le Plateau de Millevaches en Corrèze, chez sa tante Judith. La vieille femme malade y vit avec son époux Virgile dans la dernière ferme d’un hameau perdu, avec pour seuls voisins leur neveu Georges qui campe dans une caravane, et Karl, un homme au passé mystérieux venu chercher la solitude. Leur besogneuse tranquillité va pourtant être mise à mal par un chasseur qui rôde discrètement aux alentours et par la résurgence de vieux secrets.
Publié après Grossir le ciel, Plateau reprend les mêmes ingrédients - l’univers sombre et âpre d’une nature grandiose mais intransigeante, l’isolement de personnages fêlés et cabossés désespérément accrochés à leur coin de campagne, un huis-clos inquiétant et oppressant où pourrissent de vieux secrets -, avec toutefois un je ne sais quoi de moins convaincant : sont-ce la folie de Karl et l’étrangeté du chasseur qui désarçonnent le lecteur, un peu dubitatif face à ces deux assez improbables protagonistes, en complet décalage avec le si parfait réalisme des autres caractères du roman ?
L’on y retrouve aussi avec plaisir l’inimitable style de Franck Bouysse. L’écriture précise et travaillée séduit et impressionne par le juste et original choix des mots et des expressions. Les dialogues claquent avec une authenticité saisissante. Les évocations lyriques de la nature en font un personnage à part entière, sublime, écrasant et maléfique. Pourtant, là aussi, j’ai été moins ensorcelée que dans les autres romans de l’auteur, car souvent déconcertée par trop de phrases suggestives et sans verbe, et par une poésie qui finit parfois par friser l’ésotérisme.
Après mes trois coups de coeur absolus pour Né d’aucune femme, Grossir le ciel et Glaise, c’est donc une toute relative déception qui m’a accompagnée dans Plateau : voici encore un excellent livre, reconnaissable entre tous pour l’incomparable patte de l’écrivain, mais néanmoins selon moi, pas le meilleur roman de Franck Bouysse. (4/5)
Une ombre passe sur le visage de Georges et son front ressemble à un linteau lézardé qui peinerait à supporter le poids des réponses.
Près du ruisseau, une grue moine déploie ses ailes et saute d’une patte sur l’autre en recherche d’équilibre, comme une qui voudrait éviter des braises. Quelques corneilles assises sur les branches d’un chêne semblent lancer des paris sur l’avenir de cette grande bête malhabile, incapable de langage commun.
(…)
La grue est toujours posée au même endroit, immobile, comme prisonnière des mâchoires d’un étau formé par le ciel obscur et la lande enluminée, les corneilles à son chevet. De grosses gouttes de pluie s’écrasent alentour, pareilles à des crachats.
Les reliefs disparates des tombes lui font penser à des dents gâtées dans une bouche.
Des bourrasques de vent raclent le plateau, laissant comme des coups de varlope sur un bois dur, sans parvenir à l’entamer, et la végétation dévote semble prier le Dieu granit sous un ciel couleur de poudre qui descend lentement au contact de la lande.
Le vent d’est bazarde des langues de nuages par-dessus le toit de la grange. Le gel ne prendra pas cette nuit. Partout, le soir s’étale sur le Plateau, pareil à une coulée de boue qui s’avance. On croirait voir la lèvre supérieure de quelque monstruosité animée par les derniers rayons du soleil. L’illusion d’un mouvement, une sorte de rumination. Brasser, avaler, régurgiter créatures et végétaux pour n’en faire qu’un pâte informe privée de singularité. Une chose sans devenir.
Ses yeux ressemblaient à deux réverbères allumés dans la nuit qu’était son visage.
Les rides au-dessus de sa bouche ressemblent aux plis d’un rideau, autour de ses yeux, à des tiges de vigne-vierge sur un mur en hiver.
Les rayons du soleil biaisent le ciel et se posent sur la rivière qui partage la cité en deux comme une fermeture Eclair.
Publié après Grossir le ciel, Plateau reprend les mêmes ingrédients - l’univers sombre et âpre d’une nature grandiose mais intransigeante, l’isolement de personnages fêlés et cabossés désespérément accrochés à leur coin de campagne, un huis-clos inquiétant et oppressant où pourrissent de vieux secrets -, avec toutefois un je ne sais quoi de moins convaincant : sont-ce la folie de Karl et l’étrangeté du chasseur qui désarçonnent le lecteur, un peu dubitatif face à ces deux assez improbables protagonistes, en complet décalage avec le si parfait réalisme des autres caractères du roman ?
L’on y retrouve aussi avec plaisir l’inimitable style de Franck Bouysse. L’écriture précise et travaillée séduit et impressionne par le juste et original choix des mots et des expressions. Les dialogues claquent avec une authenticité saisissante. Les évocations lyriques de la nature en font un personnage à part entière, sublime, écrasant et maléfique. Pourtant, là aussi, j’ai été moins ensorcelée que dans les autres romans de l’auteur, car souvent déconcertée par trop de phrases suggestives et sans verbe, et par une poésie qui finit parfois par friser l’ésotérisme.
Après mes trois coups de coeur absolus pour Né d’aucune femme, Grossir le ciel et Glaise, c’est donc une toute relative déception qui m’a accompagnée dans Plateau : voici encore un excellent livre, reconnaissable entre tous pour l’incomparable patte de l’écrivain, mais néanmoins selon moi, pas le meilleur roman de Franck Bouysse. (4/5)
Citations :
Ses avant-bras boursouflés de veines biscornues ressemblent à des poteaux en fer recouverts de tiges de glycine.Une ombre passe sur le visage de Georges et son front ressemble à un linteau lézardé qui peinerait à supporter le poids des réponses.
Près du ruisseau, une grue moine déploie ses ailes et saute d’une patte sur l’autre en recherche d’équilibre, comme une qui voudrait éviter des braises. Quelques corneilles assises sur les branches d’un chêne semblent lancer des paris sur l’avenir de cette grande bête malhabile, incapable de langage commun.
(…)
La grue est toujours posée au même endroit, immobile, comme prisonnière des mâchoires d’un étau formé par le ciel obscur et la lande enluminée, les corneilles à son chevet. De grosses gouttes de pluie s’écrasent alentour, pareilles à des crachats.
Les reliefs disparates des tombes lui font penser à des dents gâtées dans une bouche.
Des bourrasques de vent raclent le plateau, laissant comme des coups de varlope sur un bois dur, sans parvenir à l’entamer, et la végétation dévote semble prier le Dieu granit sous un ciel couleur de poudre qui descend lentement au contact de la lande.
Le vent d’est bazarde des langues de nuages par-dessus le toit de la grange. Le gel ne prendra pas cette nuit. Partout, le soir s’étale sur le Plateau, pareil à une coulée de boue qui s’avance. On croirait voir la lèvre supérieure de quelque monstruosité animée par les derniers rayons du soleil. L’illusion d’un mouvement, une sorte de rumination. Brasser, avaler, régurgiter créatures et végétaux pour n’en faire qu’un pâte informe privée de singularité. Une chose sans devenir.
Ses yeux ressemblaient à deux réverbères allumés dans la nuit qu’était son visage.
Les rides au-dessus de sa bouche ressemblent aux plis d’un rideau, autour de ses yeux, à des tiges de vigne-vierge sur un mur en hiver.
Les rayons du soleil biaisent le ciel et se posent sur la rivière qui partage la cité en deux comme une fermeture Eclair.
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