mercredi 29 mai 2019

Interview de Marc Etxeberria (auteur de Andoni, la fuite et de Andoni, l'enquête) - 27 Mai 2019




Bonjour Marc Etxeberria.
Fin 2018, vous avez publié deux romans chez Publishroom :
Andoni (Tome 1) : La fuite,
Andoni (Tome 2) : L’enquête.

 

Pouvez-vous décrire en quelques mots qui vous êtes ?
Enfant de la classe ouvrière, c’est grâce aux conseils d’un instituteur que j’ai eu la chance de faire des études au lieu d’aller à l’usine comme les gens de ma génération et de ma condition devaient s’y résoudre par obligation.

Ensuite, j’ai été « adopté » par une grande administration de l’époque. En clair : je devais valider mon concours d’inspecteur dans la fonction publique avec l’obtention d’une licence de sciences économiques. Plus amusant : comme j’avais signé un engagement de 8 ans avec cette administration, je recevais un salaire mensuel lors de ma dernière année d’étude, et c’est ainsi que l’étudiant pauvre est devenu un étudiant aisé.

Aujourd’hui je suis un jeune retraité.

 

Quel a été votre parcours avant de venir à l'écriture ? 
J'ai beaucoup lu lors de ma jeunesse politiquement très engagée.
Ma mère ne voulait pas de télévision à la maison car elle considérait que l’éducation populaire devait passer par la lecture ! En revanche, elle achetait tout le temps des livres ou nous emmenait à la bibliothèque de notre petit village !
Les bibliothèques, et aujourd’hui les médiathèques, sont pour moi des endroits sacrés ! Des antidotes à l’abrutissement et donc à l’aliénation !


 
Comment et quand vous est venue l’envie d’écrire ?
J’ai toujours écrit (histoire, randonnées, politique). J’avais publié un livre pour un cercle d’amis : « Chroniques solitaires d’un promeneur accompagné ». L’oxymore du titre est lourdingue, je le reconnais, mais le livre était destiné à des copains qui aimaient bien mes chroniques déjantées … 


 
Pourquoi Andoni ? Que représente ce personnage pour vous ?
Andoni est tout simplement mon père.
Mais de son vivant, il n’a jamais pu me raconter son enfance dramatique.
C’était compliqué pour moi car je ne voyais pas quel était le rapport entre le pays basque espagnol d’où était originaire ma famille et la ville de Largentière en Ardèche.
Une véritable énigme, et mon père refusait de m’aider ; à mes sempiternelles interrogations, il me répondait par un silence historique poli :
« L’Ardèche est un très beau pays. Et toi le passionné de randonnée, tu devrais y aller … ça te changera de tes Pyrénées !». 
 
 

Vous mentionnez sur votre blog la découverte d’un «trésor» qui vous a permis d’écrire l’histoire d’Andoni. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Bien sûr, c’était une image. Mais il était préférable d’utiliser une métaphore lisible (le trésor dans un grenier) que de décrire une accumulation de concours de circonstances qui m’avait livré la clef de cette énigme familiale.

Première rencontre imprévue : j’ai sympathisé au travail avec le grand ordonnateur de la librairie ambulante de l’ACER (Amis des Combattants de l’Espagne Républicaine !)
Grâce à sa culture historique, les livres que je lui achetais ou qu’il me prêtait, j’ai commencé à m’intéresser à la guerre d’Espagne !
Puis un jour, il a déniché un livre d’histoire qui détaillait la naissance des maquis «rouges» des Cévennes. Le fameux trésor car cet ouvrage allait changer ma perception du non-dit familial ! Si Nicolas n’avait pas acheté ce livre, il m’aurait été impossible d’écrire les «Andoni».
En effet, à la page 38, l’auteur mentionnait qu’une colonie d’enfants basques avait été internée dans une usine de moulinage désaffectée à Largentière !

J’ai fait lire ce livre à ma mère. Elle m’a ainsi livré les rares souvenirs que mon père lui avait confiés ! Une chance …
C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée d’écrire un livre sans savoir où j’allais. Car l’écriture romanesque était une grande inconnue pour moi ! 
 
 

Quelles sont les parts du réel et de la fiction dans l’histoire d’Andoni ?
Andoni (mon père), ses deux frères, ses parents (mes grands-parents) ont réellement existé.
Nils, Telesforo, le juge Gonzalo, Celso et les autres ne sont que des personnages de fiction.
Idem dans le second tome (Sandro, Juan, les deux historiennes).
Je me suis bien amusé avec ces personnages de papier que j’animais comme un simple metteur en scène !
La fiction m’a permis aussi de faire sauter mon carcan historique ! 
 
 

Ce qui frappe dans vos livres est la passion que vous exprimez sur plusieurs thèmes, notamment l’oppression des plus faibles et le nationalisme basque. Ces sujets vous tiennent-ils particulièrement à coeur ? Y en-a-t-il d’autres ?
En ce qui concerne l’oppression des faibles, c’est une constante qui m’a toujours accompagné car lorsqu’on appartient à cette classe ouvrière méprisée (y compris par des auteurs comme Zola ! Eh, oui le grand Zola !), et que l’on a eu la chance d’avoir été instruit par de merveilleux parents, ce fameux instit’ puis par quelques profs formidables, je me devais et je me dois d’aider ceux qui n’ont pas eu ce bonheur chez les « gens de peu » pour reprendre une définition orwellienne si bien décrite par Pierre Sansot. Car à l’école de la République, on n’apprend ni le sens de la révolte ni l’histoire des vaincus !

Quant au nationalisme basque, il s’agissait juste de rappeler certains faits historiques qui contredisent la mythologie véhiculée par les nationalistes d’hier ou ceux d’aujourd’hui (le fameux mythe fondateur d’Euskadi qui repose sur une boucle de la mélancolie légendaire). 
Aujourd’hui, le problème basque ou l’étroitesse du nationalisme (de tous les nationalismes) ne m’intéresse plus !

Pour répondre à la dernière question : je revendique une filiation naturelle avec tous les révoltés, et c’est à ce titre que je m’intéresse à tous les massacres que l’être humain a bien pu fomenter.
Lecteur passionné d’Hannah Arendt, la révélation de ces crimes m’a toujours interpellé et continue de m’occuper …
Je n’ai jamais hiérarchisé ces abominations, non, j’essaye simplement de transmettre ces histoires oubliées par le légendaire roman national ou par les propagandes totalitaires. Toutes les propagandes totalitaires que leurs couleurs soient brunes ou rouges !


 
Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de vos deux livres ? 
C’est difficile de répondre à cette question pour un néophyte.
Si les lecteurs ont pris du plaisir à les lire, c’est déjà bien. Le premier livre n’est pas simple à lire, la guerre d’Espagne est un sujet douloureux, méconnu aussi bien en Espagne qu’au Pays basque. Et s’ils sourient en lisant le tome 2 même si mes digressions passionnées ont alourdi le récit, tant mieux ! 
 
 

Avez-vous d'autres projets d'écriture ? 
Oui, je viens de commencer à écrire un livre qui porte sur un incroyable continuum historique (du côté de ma mère cette fois-ci), qui se passe en Martinique !
Là ce sont mes deux petits-enfants créolisés (au sens d’Edouard Glissant) qui m’ont donné l’idée de continuer d’écrire sur des faits qui me sont revenus après des années d’oubli !
Enfin, j’ai un autre projet d’écriture où je vais raconter l’histoire de personnages qui seront en décalage total avec l’éthique que j’ai toujours prônée au quotidien ! 
 
 

Comment vous faites-vous connaître et qu’attendez-vous de vos lecteurs ? Comment allez-vous à leur rencontre ? Où peuvent-ils suivre votre actualité ? 
C’est simple, j’ai suivi les conseils d’Anaëlle qui s’occupe de la communication chez Publishroom Factory.
J’ai ouvert un site sur Facebook au nom Marc Etxeberria Lanz (où je publie en photos l’histoire des aventures d’Andoni)
J’ai quelques opportunités à venir pour des rencontres mais je n’insiste pas plus que ça, pour des raisons qui tiennent tout d’abord à mon éducation reclusienne. Et je suis bien occupé avec mes nombreuses activités qui me prennent pas mal de temps !
Et comme on ne vit qu’une fois, il ne serait pas raisonnable à mon âge de me mettre un fil à la patte conventionnel qui pourrait venir perturber un harmonisme libéré … 


 
Merci Marc Etxeberria d'avoir répondu à mes questions.
(Interview de  Cannetille, le 27 Mai 2017)


Retrouvez Marc Etxeberria ici : https://www.facebook.com/marc.etxeberrialanz.1,
ainsi que ma chronique sur Andoni : La fuite.  

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