Au-delà du coup de coeur 💓💓💓
Titre : La partition
Auteur : Diane BRASSEUR
Année de parution : 2019
Editeur : Allary Editions
Pages : 448
Présentation de l'éditeur :
Un matin d’hiver 1977, Bruno K, professeur de littérature admiré par
ses étudiants, se promène dans les rues de Genève. Alors qu’il devise
silencieusement sur les jambes d’une jolie brune qui le précède, il
s’écroule, mort.
Quand ses deux frères Georgely et Alexakis apprennent la nouvelle, un espoir fou s’évanouit. Le soir même, ils auraient dû se retrouver au Victoria Hall à l’occasion d’un récital de violon d’Alexakis. Pour la première fois, la musique allait les réunir.
La Partition nous plonge dans l’histoire de cette fratrie éclatée en suivant les traces de leur mère, Koula, une grecque au tempérament de feu.
Elle découvre l’amour à 16 ans, quitte son pays natal pour la Suisse dans les années 20 et refera sa vie avec un homme de 30 ans son aîné. Une femme intense, solaire, possessive, déchirée entre ses pays, ses fils et ses rêves. Une épouse et une mère pour qui l’amour est synonyme d’excès.
Quand ses deux frères Georgely et Alexakis apprennent la nouvelle, un espoir fou s’évanouit. Le soir même, ils auraient dû se retrouver au Victoria Hall à l’occasion d’un récital de violon d’Alexakis. Pour la première fois, la musique allait les réunir.
La Partition nous plonge dans l’histoire de cette fratrie éclatée en suivant les traces de leur mère, Koula, une grecque au tempérament de feu.
Elle découvre l’amour à 16 ans, quitte son pays natal pour la Suisse dans les années 20 et refera sa vie avec un homme de 30 ans son aîné. Une femme intense, solaire, possessive, déchirée entre ses pays, ses fils et ses rêves. Une épouse et une mère pour qui l’amour est synonyme d’excès.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Diane Brasseur est romancière et scripte pour le cinéma. Elle est l’auteure de Les Fidélités et Je ne veux pas d’une passion, publiés chez Allary Éditions et traduits dans huit pays.
Avis :
Je remercie NetGalley et Allary Editions pour cette lecture qui s’est avérée un immense coup de coeur.
Le roman s’ouvre sur l’imminente réunion tant attendue de trois frères séparés par la vie, et qui pourtant ne pourra avoir lieu. La mort vient en effet de cueillir Bruno K, l’aîné cinquantenaire, sur le trottoir qui le menait au concert de son frère Alexakis. C’était le soir où, enfin, la fratrie devait se retrouver.
Ils sont trois, nés de 1922 à 1931, de mère grecque et de père suisse pour les deux premiers, belge pour le benjamin. C’est toute leur vie que nous allons découvrir dans ce récit à rebours, celui de trois enfants d’abord, séparés et ballottés entre trois pays, au rythme de la vie tumultueuse de leur mère Koula et des évènements de leur siècle. Et on peut dire que rien ne fut ordinaire dans leur existence, que ce soit celle de Bruno, contaminé in utero par la syphilis paternelle, de Georgely, abandonné en Suisse par sa mère contrainte de choisir entre ses fils lors de sa fuite loin de son mari, ou d’Alexakis, né deux fois : en 1931 en Egypte, mais officiellement en 1932 en Grèce après le divorce et le remariage maternels, et qui porta, tant pis, les robes roses prévues pour la fille tant désirée.
Si le récit se déroule du point de vue de l’aîné Bruno, le personnage central est véritablement Koula, mère possessive et dévorante, femme solaire au tempérament entier et volcanique qui la porte à tous les excès. Elle qui rêvait des stars et de la célébrité, mena sa vie avec la passion tragique d’une véritable diva, éclipsant son entourage dans l’ombre de son aura, car comment trouver sa place auprès d’un tel astre sans s’y brûler ?
Le récit a de tels accents d’authenticité et est émaillé de tant de détails qui ne s’inventent pas, qu’il paraît la remembrance d’une saga familiale véritable : ce qu’il est sans doute d’ailleurs, à lire, à la fin du livre, les remerciements de l’auteur à son père pour les courriers conservés, alors que chaque chapitre s’ouvre sur des extraits de lettres. On a dès lors l’intuition, peut-être fausse, que l’auteur, franco-suisse, pourrait être une descendante de Georgely ou de Bruno.
Quoi qu’il en soit, la narration, habilement construite, est captivante : en nous faisant entrer dans cette histoire par la fin, l’auteur installe d’emblée le lecteur dans une tension tragique qui ne se relâchera pas, contrebalancée par une légèreté de ton teintée d’humour qui donne au récit une tonalité douce-amère : celle du souvenir, du temps passé, de l’inéluctabilité du destin et de la mort qui vient sceller à jamais les séparations et les regrets.
L’écriture est délicieuse, les mots admirablement choisis, le ton toujours parfaitement juste dans cette évocation si profondément empathique. C’est avec une infinie tendresse que s’y mêlent constamment rire et larmes, dans une simplicité et une économie de style qui exaltent l’émotion. La partition est une pépite, une lecture d’autant plus marquante qu’elle vous va droit au coeur. (6/5)
Alors que les joueurs entraient sur le terrain, à moins de deux kilomètres à vol d’oiseau, à table et en famille, dans sa cuisine, Paul Peter K se régalait d’un potage de légumes. « Navet, poirreau, patate, courrrge… », avec lenteur et en détachant chaque syllabe Koula énumérait les ingrédients. Elle regardait son mari droit dans les yeux. En soufflant sur le liquide brûlant, Paul ne se doutait pas que sa femme lui servait pour dernier repas, une soupe d’insultes.
Chez un grand musicien, le jeu est devenu si transparent, si rempli de ce qu’il interprète, que lui-même on ne le voit plus, et qu’il n’est plus qu’une fenêtre qui donne sur un chef-d’œuvre.
Bruno K se bouchait les oreilles avec les mains parce que les hurlements de son frère lui faisaient mal aux tympans et au cœur. Comment calmer un enfant de 7 ans qui n’a pas vu sa mère depuis quatre ans ? On lui avait promis, elle serait là, dans le train. Depuis une semaine on lui répète : « Mama sera là pour fêter Pâques. » « Dans trois jours Mama arrive. » « Demain. » Que faut-il lui dire maintenant ? « Ta Mama n’est pas venue parce qu’elle garde ton petit frère, l’autre, celui que tu ne connais pas, à Liège. » « Ta Mama n’est pas venue parce qu’elle n’en avait pas le courage. » Cyntho a bien essayé de lui donner « une demi-douzaine de baisers de la part de ta petite maman » mais qu’est-ce qu’il en a à fiche Georgely des baisers de la bouche de ce vieux monsieur qui parle l’allemand avec l’accent français. « Une demi-douzaine » comme si c’étaient des œufs.
Le roman s’ouvre sur l’imminente réunion tant attendue de trois frères séparés par la vie, et qui pourtant ne pourra avoir lieu. La mort vient en effet de cueillir Bruno K, l’aîné cinquantenaire, sur le trottoir qui le menait au concert de son frère Alexakis. C’était le soir où, enfin, la fratrie devait se retrouver.
Ils sont trois, nés de 1922 à 1931, de mère grecque et de père suisse pour les deux premiers, belge pour le benjamin. C’est toute leur vie que nous allons découvrir dans ce récit à rebours, celui de trois enfants d’abord, séparés et ballottés entre trois pays, au rythme de la vie tumultueuse de leur mère Koula et des évènements de leur siècle. Et on peut dire que rien ne fut ordinaire dans leur existence, que ce soit celle de Bruno, contaminé in utero par la syphilis paternelle, de Georgely, abandonné en Suisse par sa mère contrainte de choisir entre ses fils lors de sa fuite loin de son mari, ou d’Alexakis, né deux fois : en 1931 en Egypte, mais officiellement en 1932 en Grèce après le divorce et le remariage maternels, et qui porta, tant pis, les robes roses prévues pour la fille tant désirée.
Si le récit se déroule du point de vue de l’aîné Bruno, le personnage central est véritablement Koula, mère possessive et dévorante, femme solaire au tempérament entier et volcanique qui la porte à tous les excès. Elle qui rêvait des stars et de la célébrité, mena sa vie avec la passion tragique d’une véritable diva, éclipsant son entourage dans l’ombre de son aura, car comment trouver sa place auprès d’un tel astre sans s’y brûler ?
Le récit a de tels accents d’authenticité et est émaillé de tant de détails qui ne s’inventent pas, qu’il paraît la remembrance d’une saga familiale véritable : ce qu’il est sans doute d’ailleurs, à lire, à la fin du livre, les remerciements de l’auteur à son père pour les courriers conservés, alors que chaque chapitre s’ouvre sur des extraits de lettres. On a dès lors l’intuition, peut-être fausse, que l’auteur, franco-suisse, pourrait être une descendante de Georgely ou de Bruno.
Quoi qu’il en soit, la narration, habilement construite, est captivante : en nous faisant entrer dans cette histoire par la fin, l’auteur installe d’emblée le lecteur dans une tension tragique qui ne se relâchera pas, contrebalancée par une légèreté de ton teintée d’humour qui donne au récit une tonalité douce-amère : celle du souvenir, du temps passé, de l’inéluctabilité du destin et de la mort qui vient sceller à jamais les séparations et les regrets.
L’écriture est délicieuse, les mots admirablement choisis, le ton toujours parfaitement juste dans cette évocation si profondément empathique. C’est avec une infinie tendresse que s’y mêlent constamment rire et larmes, dans une simplicité et une économie de style qui exaltent l’émotion. La partition est une pépite, une lecture d’autant plus marquante qu’elle vous va droit au coeur. (6/5)
Citations :
« Tu voudrais tellement que je devienne célèbre, que tous les yeux soient braqués sur ton enfant, que toutes les bouches ne prononcent que son nom. Mon avenir, maman, veux-tu que je te dise en quoi il consiste ? Et oui maman, je n’ai plus les ambitions que tu m’attribues. Il m’a semblé que l’essentiel n’était pas de devenir un « grand homme », un homme célèbre, tout cela est si relatif. J’ai préféré essayer de devenir un homme complet. Un homme simplement. »Alors que les joueurs entraient sur le terrain, à moins de deux kilomètres à vol d’oiseau, à table et en famille, dans sa cuisine, Paul Peter K se régalait d’un potage de légumes. « Navet, poirreau, patate, courrrge… », avec lenteur et en détachant chaque syllabe Koula énumérait les ingrédients. Elle regardait son mari droit dans les yeux. En soufflant sur le liquide brûlant, Paul ne se doutait pas que sa femme lui servait pour dernier repas, une soupe d’insultes.
Chez un grand musicien, le jeu est devenu si transparent, si rempli de ce qu’il interprète, que lui-même on ne le voit plus, et qu’il n’est plus qu’une fenêtre qui donne sur un chef-d’œuvre.
Bruno K se bouchait les oreilles avec les mains parce que les hurlements de son frère lui faisaient mal aux tympans et au cœur. Comment calmer un enfant de 7 ans qui n’a pas vu sa mère depuis quatre ans ? On lui avait promis, elle serait là, dans le train. Depuis une semaine on lui répète : « Mama sera là pour fêter Pâques. » « Dans trois jours Mama arrive. » « Demain. » Que faut-il lui dire maintenant ? « Ta Mama n’est pas venue parce qu’elle garde ton petit frère, l’autre, celui que tu ne connais pas, à Liège. » « Ta Mama n’est pas venue parce qu’elle n’en avait pas le courage. » Cyntho a bien essayé de lui donner « une demi-douzaine de baisers de la part de ta petite maman » mais qu’est-ce qu’il en a à fiche Georgely des baisers de la bouche de ce vieux monsieur qui parle l’allemand avec l’accent français. « Une demi-douzaine » comme si c’étaient des œufs.
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