J'ai moyennement aimé
Titre : Dans l'ombre du brasier
Auteur : Hervé LE CORRE
Editeur : Payot et Rivages
Parution : 2019
Pages : 384
Présentation de l'éditeur :
La "semaine sanglante" de la Commune de Paris voit culminer la
sauvagerie des affrontements entre Communards et Versaillais. Au milieu
des obus et du chaos, alors que tout l'Ouest parisien est un champ de
ruines, un photographe fasciné par la souffrance des jeunes femmes prend
des photos "suggestives" afin de les vendre à une clientèle
particulière. La fille d"un couple disparait un jour de marché. Une
course contre la montre s'engage pour la retrouver.
Dans l'esprit de L'Homme aux lèvres de saphir (dont on retrouve l'un des personnages), Hervé Le Corre narre l'odyssée tragique des Communards en y mêlant une enquête criminelle haletante.
Dans l'esprit de L'Homme aux lèvres de saphir (dont on retrouve l'un des personnages), Hervé Le Corre narre l'odyssée tragique des Communards en y mêlant une enquête criminelle haletante.
Un mot sur l'auteur :
Hervé le Corre est né à Bordeaux en 1955. Professeur de lettres dans un collège, il se met à l'écriture vers trente ans et connaît un grand succès avec ses romans policiers noirs, primés à de nombreuses reprises.Avis :
Depuis deux mois que la vague d’espoir de la Commune a déferlé sur Paris, entraînant dans l’insurrection la moitié de la ville, celle du menu peuple qui rêve d’un monde plus libre et plus égalitaire où il sortirait enfin de la misère, les combats contre l’armée régulière des Versaillais au service du gouvernement d’Adolphe Thiers sont à leur apogée. Paris est assiégé et bombardé, et bien vite les Communards ne peuvent plus empêcher les troupes ennemies de franchir les portes de la capitale. S’engage un combat inégal, rue par rue, immeuble par immeuble, où les barricades construites de bric et de broc ne peuvent guère protéger les derniers « fédérés » des obus et de la mitraille qui pleuvent dans un déluge meurtrier. Pourtant, les ultimes insurgés résistent, sans illusion quant à leur défaite imminente, mais portés par leur idéal et par l’espoir éperdu qu’au moins leur sacrifice défrichera un chemin pour les générations futures.
Le roman décrit ce combat jour après jour, tout au long de la « semaine sanglante » qui, fin Mai 1871, aboutit à l’anéantissement de la Commune et à une impitoyable répression. L’évocation historique est menée avec brio et entraîne le lecteur au plus près des espoirs et des désespoirs de ces combats inégaux et perdus d’avance, dans un tourbillon infernal de feu et de destruction, de sang et de souffrances, de chants et de furieuse envie de vivre.
Pourtant, malgré ce souffle superbement restitué, je n’ai pu m’empêcher de trouver le récit très long et assez répétitif, même si une intrigue censée créer un certain suspense vient se nouer au centre de la grande Histoire : Caroline, la fiancée de Nicolas Bellec du 105e régiment, ambulancière aux côtés des insurgés, a disparu. Des témoins ont vu un fiacre conduit par un cocher aux allures louches l’enlever en plein jour. Et Antoine Roques, élu « délégué à la Sûreté », est saisi de plusieurs signalements de disparitions de très jeunes filles. Une enquête policière tente donc des investigations rendues quasi impossibles dans ce contexte apocalyptique.
En vérité, cette histoire dans l’Histoire se retrouve tellement noyée dans la description des combats ambiants qu’elle s’efface presque pendant la quasi totalité du roman, ne retrouvant la première place que dans les dernières pages.
Ce roman brillamment écrit et traversé du souffle épique d’un Hugo moderne n’a pas su me captiver autant qu’il le méritait : j’aurais souhaité davantage de concision et un plus grand équilibre entre l’histoire particulière et son contexte. Au final, je garde en mémoire une répétitive et sanglante description de combats, heureusement éclairés par un immense et incommensurable espoir. (2/5)
Le roman décrit ce combat jour après jour, tout au long de la « semaine sanglante » qui, fin Mai 1871, aboutit à l’anéantissement de la Commune et à une impitoyable répression. L’évocation historique est menée avec brio et entraîne le lecteur au plus près des espoirs et des désespoirs de ces combats inégaux et perdus d’avance, dans un tourbillon infernal de feu et de destruction, de sang et de souffrances, de chants et de furieuse envie de vivre.
Pourtant, malgré ce souffle superbement restitué, je n’ai pu m’empêcher de trouver le récit très long et assez répétitif, même si une intrigue censée créer un certain suspense vient se nouer au centre de la grande Histoire : Caroline, la fiancée de Nicolas Bellec du 105e régiment, ambulancière aux côtés des insurgés, a disparu. Des témoins ont vu un fiacre conduit par un cocher aux allures louches l’enlever en plein jour. Et Antoine Roques, élu « délégué à la Sûreté », est saisi de plusieurs signalements de disparitions de très jeunes filles. Une enquête policière tente donc des investigations rendues quasi impossibles dans ce contexte apocalyptique.
En vérité, cette histoire dans l’Histoire se retrouve tellement noyée dans la description des combats ambiants qu’elle s’efface presque pendant la quasi totalité du roman, ne retrouvant la première place que dans les dernières pages.
Ce roman brillamment écrit et traversé du souffle épique d’un Hugo moderne n’a pas su me captiver autant qu’il le méritait : j’aurais souhaité davantage de concision et un plus grand équilibre entre l’histoire particulière et son contexte. Au final, je garde en mémoire une répétitive et sanglante description de combats, heureusement éclairés par un immense et incommensurable espoir. (2/5)
Citations :
Depuis un moment, Nicolas ne respire plus. Il n’a plus le temps. Peut-être plus l’envie. Il entre dans le couloir de l’immeuble la bouche et la gorge aussitôt plâtrées de poussière, n’y voyant pas plus loin que ses mains tendues devant lui tâtonnant dans cette opacité suffocante. Il ne voit pas arriver dans ses pieds les premiers degrés de l’escalier et il trébuche puis il gravit les marches une à une, les jambes raides, accroché à la rampe, les yeux levés vers des trouées déchiquetées où viennent souffler des flammes. Il franchit un palier dont une porte, intacte, est restée close, surmontée d’une lézarde par laquelle s’infiltre un jour incertain. En face, par le battant arraché, le feu gronde et se jette parfois vers l’escalier comme s’il hésitait encore à y monter. À l’étage au-dessus, une vieille femme en peignoir attend sur le pas de sa porte, échevelée, la figure en sang à cause d’une vilaine coupure au front. Derrière elle, dans l’appartement dévasté, la lumière dorée du soleil déjà bas se répand par la façade éventrée. « Il faudrait prévenir ma fille, dit-elle. Je ne pourrai pas venir dîner avec elle ce soir. Vous voudrez bien vous en charger ? Je vais vous noter son adresse, attendez-moi. » Elle rentre chez elle en fermant doucement sa porte et il faut quelques secondes à Nicolas, qui se prend à attendre qu’elle revienne, pour sortir de son hébétude et reprendre sa progression.
Parce que tout ce que la Commune a essayé de faire, c’est pour demain que ça comptera, et ces jours qu’on a vécus, malgré toutes ces souffrances et ces morts, ce sont les plus beaux que j’ai eus dans ma vie.
Alors oui, penser qu’on peut sauver la Commune aujourd’hui c’est comme croire qu’on va sauver une mourante par des prières sans dieu. Un peu comme cette femme prisonnière sous des tonnes de pierres. – Ça s’appelle l’espoir, dit Roques. Ça n’a rien à voir avec la raison sage des bien assis. Ça me fait penser à ces feux qui continuent à flamber sous la pluie.
Le coin des curieux :
La guerre franco-allemande de 1870 et l'insurrection de la Commune
Mal préparée, la guerre contre la Prusse entreprise par Napoléon III en Juillet 1870 aboutit à la capitulation française en moins d’un mois et demi : le peuple de Paris se soulève, le Second Empire chute, la République est proclamée, un gouvernement provisoire se met en place.
Paris assiégé et bombardé ne communique plus avec la province que par pigeons voyageurs et ballons montés. C’est dans un de ces ballons que Gambetta s’enfuit pour prendre la tête d’une délégation gouvernementale à Tours et tenter d’organiser la défense nationale. Il est appuyé par un fort mouvement patriotique rassemblant tous les milieux politiques et mobilisant même au-delà des frontières (comme les Chemises rouges de Garibaldi). Mais faute d’encadrement, d’équipement et de formation militaire, les armées de volontaires ne résistent que quelques mois, de Septembre 1870 à Janvier 1871. Un armistice est alors signé, cédant notamment l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne. Les rangs français comptent 139 000 morts, au combat ou de la variole, contre presque trois fois moins côté allemand.
La déception face à la défaite, l’hostilité à l’égard de l’Assemblée à majorité monarchiste nouvellement élue et certaines mesures du gouvernement d’Adolphe Thiers renforcent l’agitation populaire à Paris. Une insurrection éclate en Mars 1871, quand des troupes régulières tentent, sur ordre du gouvernement, de saisir des canons de la Garde nationale. Une autorité insurrectionnelle se met en place : la Commune de Paris, rassemblant la moitié des Parisiens.
Paris assiégé et bombardé ne communique plus avec la province que par pigeons voyageurs et ballons montés. C’est dans un de ces ballons que Gambetta s’enfuit pour prendre la tête d’une délégation gouvernementale à Tours et tenter d’organiser la défense nationale. Il est appuyé par un fort mouvement patriotique rassemblant tous les milieux politiques et mobilisant même au-delà des frontières (comme les Chemises rouges de Garibaldi). Mais faute d’encadrement, d’équipement et de formation militaire, les armées de volontaires ne résistent que quelques mois, de Septembre 1870 à Janvier 1871. Un armistice est alors signé, cédant notamment l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne. Les rangs français comptent 139 000 morts, au combat ou de la variole, contre presque trois fois moins côté allemand.
La déception face à la défaite, l’hostilité à l’égard de l’Assemblée à majorité monarchiste nouvellement élue et certaines mesures du gouvernement d’Adolphe Thiers renforcent l’agitation populaire à Paris. Une insurrection éclate en Mars 1871, quand des troupes régulières tentent, sur ordre du gouvernement, de saisir des canons de la Garde nationale. Une autorité insurrectionnelle se met en place : la Commune de Paris, rassemblant la moitié des Parisiens.
La Commune est une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active.
Elle prend quelques mesures d’urgence (suspension des poursuites pour dettes et loyers impayés, soutien aux blessés, veuves et orphelins de guerre, aides alimentaires, adoption du drapeau rouge), puis se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires :
Elle prend quelques mesures d’urgence (suspension des poursuites pour dettes et loyers impayés, soutien aux blessés, veuves et orphelins de guerre, aides alimentaires, adoption du drapeau rouge), puis se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires :
- réquisition des ateliers abandonnés par leurs propriétaires dans l’idée d’y créer des coopératives ouvrières, journée de travail de 10 heures, encadrement élu par les salariés,
- suppression du monopole des bureaux privés de placement de main d'œuvre qui agissaient souvent comme des «négriers»,
- interdiction du travail de nuit dans les boulangeries, des amendes et retenues sur salaires alors très répandues,
- création d’un cahier des charges avec salaire minimum dans les appels d'offres concernant les marchés publics.
Elle est également une étape importante vers l’émancipation des femmes, qui, comme Louise Michel, défendent aussi Paris sur les barricades : création de l'un des premiers mouvements féminins de masse, début du principe d'égalité salariale, reconnaissance de l'union libre, interdiction de la prostitution. Elle manque de temps pour instaurer le droit de vote des femmes.
Enfin, l’enseignement est laïcisé, la séparation de l'Église (catholique) et de l'État décrétée (suppression du budget des cultes et sécularisation des biens des congrégations religieuses).
Enfin, l’enseignement est laïcisé, la séparation de l'Église (catholique) et de l'État décrétée (suppression du budget des cultes et sécularisation des biens des congrégations religieuses).
La Commune ne dure que 72 jours. Avec l'accord tacite des Prussiens, elle est combattue puis écrasée lors de la « Semaine sanglante » (21–28 mai) par le gouvernement replié à Versailles depuis Mars 1971.
La répression contre les communards est impitoyable et est approuvée par tous les hommes politiques de l’époque (y compris Gambetta et Ferry) qui craignent pour la République encore fragile. La plupart des écrivains, dont Zola et Sand, sont alors hostiles à la Commune. Nombreuses sont les exécutions sommaires commises par les troupes versaillaises, les condamnations et déportations notamment vers la Nouvelle-Calédonie.
La basilique du Sacré-Cœur de Montmartre a été construite à l’emplacement du point de départ de l’insurrection, en application d'une loi du 24 juillet 1873, pour « expier les crimes des fédérés ». Sa construction débuta en 1875.
La basilique du Sacré-Cœur de Montmartre a été construite à l’emplacement du point de départ de l’insurrection, en application d'une loi du 24 juillet 1873, pour « expier les crimes des fédérés ». Sa construction débuta en 1875.
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