dimanche 11 avril 2021

[Shimazaki, Aki] Le poids des secrets 3 - Tsubame

 



 

Coup de coeur 💓💓

 

Titre : Tsubame

Auteur : Aki SHIMAZAKI

Parution : 2001   

Editeur : Léméac / Actes Sud

Pages : 128

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Lors du tremblement de terre de 1923, qui a dévasté la région du Kanto et entraîné plus de cent quarante mille morts, la Coréenne Yonhi Kim devient, question de survie, la Japonaise Mariko Kanazawa. À la fin de sa vie, alors qu'elle est veuve, mère d'un chimiste et grand-mère de trois petits-enfants, le mystère de sa naissance lui est dévoilé : le prêtre catholique qui l'avait recueillie dans son église lors du tremblement de terre, surnommé monsieur Tsubame, était-il l'instrument du destin qui a permis à cette hirondelle de s'élancer hors du nid ?

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Toute son œuvre est disponible chez Actes Sud, notamment ses trois pentalogies : Le Poids des secrets, Au cœur du Yamato et L’Ombre du chardon. Ces quinze volumes peuvent parfaitement se lire individuellement, ou dans le désordre - c'est bien là l'étonnant art de la construction que maîtrise Aki Shimazaki.

 

 

Avis :

Coréenne émigrée au Japon, la mère de la toute jeune Jonhi Kim disparaît lors du massacre de ses compatriotes en 1923, au lendemain du séisme qui vient de dévaster la région du Kanto. Le prêtre catholique qui a recueilli l’orpheline parvient à la faire passer pour Japonaise. Devenue Mariko, elle passera sa vie à cacher ses origines étrangères au plus profond d’elle-même, jusqu’à ce que, au soir de sa vie, un autre secret resurgisse, lié cette fois à l’identité d’un père qu’elle avait toujours cru ne pas connaître.

Mariko n’est autre que la mère de Yukio, personnage principal du deuxième volet de la pentalogie. Ce retour dans le passé vient ajouter une nouvelle épaisseur aux couches de secrets qui entourent cette famille, éclairant d’un jour nouveau le récit des précédents tomes. L’on y découvre le terrible sort des zaïnichi, ces Coréens que le déclin économique de leur pays après son invasion par les Japonais a contraint à l’exil auprès de ceux-là-mêmes qui les méprisent au nom d’une persistante idéologie raciste. Objets de toutes les discriminations et persécutions, certains tentent de changer discrètement d’identité, comme Mariko, celant leur secret jusqu’auprès de leur descendance, pour lui permettre de vivre normalement dans un Japon qui ne tolère pas la double appartenance nationale et culturelle.

Comment ne pas fondre pour cette vieille dame si digne et si fragile qui se sera appliquée toute sa vie à occulter ses origines et son identité, trouvant jusqu’au bout la force de protéger son fils et ses petits-enfants pour qu’ils puissent construire librement leur vie ? Comme toujours chez Aki Shimazaki, l’émotion affleure avec la plus grande délicatesse, une extrême pudeur entourant la souffrance de personnages dont l’auteur restitue toute la profondeur avec une confondante sobriété. Quelle subtilité derrière l’apparente simplicité du récit, ciselé jusqu’à l’épure. Et quel tour de force de rendre chaque livre de la série à la fois indépendant et si complémentaire aux autres. Coup de coeur. (5/5)

 

Citations :

« Nos fils étaient toujours parmi les meilleurs de la classe. Quand l’aîné a eu seize ans, il nous a demandé d’obtenir la nationalité japonaise pour toute la famille. Cela nous a étonnés. Il a dit : “Sans cela, j’aurai beau étudier fort et entrer dans une bonne université, je ne pourrai jamais trouver un bon emploi. J’aimerais devenir professeur de mathématiques. Il n’est même pas certain que l’école accepte que les zaïnichi  se présentent à l’examen d’admission.” Mon mari lui a expliqué : “Tu dois comprendre que kika ne veut pas dire simplement obtenir la nationalité japonaise tout en gardant son identité raciale. Il faut abandonner la nationalité d’origine et être Japonais avec un nom japonais. Et si tu es devenu Japonais, les Coréens d’ici ne t’accepteront plus comme compatriote et les Japonais ne te considéreront jamais comme Japonais s’ils apprennent que tu es d’origine coréenne. Cela n’a aucun sens. Si tu tiens vraiment à devenir professeur, va à l’étranger. Même si tu réussis bien dans ta profession, je ne serai pas heureux de savoir que tu dois encore cacher ton identité.” »

« Mes enfants étaient toujours la cible de l’ijime [brimades] . Leurs camarades se moquaient du nom coréen en disant “Toi, Chôsenjin [Coréen] !” Souvent, nos fils rentraient à la maison, le visage blessé. Et notre fille pleurait constamment, car ses camarades lui volaient ses fournitures scolaires et les jetaient à la poubelle. À l’époque de la colonisation, le gouvernement du Japon exigeait que nous portions un nom japonais. Mais mon mari ne l’a jamais accepté. Quand mes enfants nous ont demandé de changer leur nom en japonais, mon mari leur a dit : “Nous ne changeons pas notre nom pour cacher notre identité coréenne. Vous n’avez rien à corriger. C’est vos camarades qui doivent corriger leur attitude !” Il avait tout à fait raison. Mais j’avais pitié de nos enfants. Je comprends le sentiment des parents qui utilisaient un nom japonais. Pourtant, ce n’est pas facile non plus de vivre en cachant son identité ; leur vie doit être aussi difficile que la nôtre, car ils ne peuvent échapper non plus aux obstacles que tous les zaïnichi coréens affrontent et ils doivent avoir un poids sur la conscience, comme s’ils se mentaient à eux-mêmes. »

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