mardi 8 avril 2025

[Khadra, Yasmina] Coeur-d'amande

 





J'ai aimé

 

Titre : Coeur-d'amande

Auteur : Yasmina KHADRA

Parution :  2025 (Mialet Barrault)

Pages : 320

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

Au pied du Sacré-Cœur où il habite, la vie n’a pas gâté Nestor. Rejeté à sa naissance par sa mère qui n’a pas supporté qu’il soit anormalement petit, il vit chez sa grand-mère qui l’a recueilli et qu’il adore. Elle subvient à leurs besoins avec sa maigre retraite de professeur de français tandis que son petit-fils, animé d’une inlassable vitalité et d’un incurable optimisme, cherche et trouve mille occasions d’améliorer leur ordinaire dans ce quartier de Barbès où s’entremêlent tous les peuples, tous les destins, tous les désespoirs. Yasmina Khadra fait ici un portrait éblouissant de ce quartier singulier et de sa population.

Mais le jour où la vieille dame commence à perdre la tête et doit être placée dans une maison de retraite, sa fille décide de vendre l’appartement qui est le seul refuge de ce fils qu’elle ne veut toujours pas connaître. Pour Nestor, tout s’effondre. Il lui reste la violence de ses rêves et les mots que lui a appris sa grand-mère. Ces mots qu’il va jeter sur le papier pour crier cette rage de vivre qui l’habite. Dans le quartier, ses amis arabes le surnomment « Cœur-d’amande ». Ce sera le titre de son livre.
Et qui sait… Nul n’est à l’abri d’un succès. 

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Yasmina Khadra est l’auteur de la trilogie Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad, ou encore Ce que le jour doit à la nuit. Traduits dans une cinquantaine de pays, ces livres ont touché des millions de lecteurs dans le monde.

 

 

Avis : 

Rompant avec la violence et les conflits au centre de ses précédents ouvrages, Yasmina Khadra s’inspire d’une pâtisserie algérienne,  « qaleb ellouz » ou « coeur-d’amande », très consommée pendant les soirées du Ramadan et évocatrice de douceur dans une période harassante, pour nous emmener dans un Montmartre populaire aux allures d’oasis d’amitié et de solidarité.

Rejeté par sa mère parce qu’atteint de nanisme, Nestor le narrateur n’en a pas moins toujours vécu avec bonheur auprès d’une grand-mère aimante, dans un modeste appartement de Barbès, au pied de la Butte Montmartre. Désormais âgée, celle qui, retraitée de l’éducation nationale, a su l’instruire quand l’école supportait mal son handicap et encourager chez lui l’amour des livres et de l‘écriture, commence toutefois à perdre la tête. D’abord licencié du magasin de chaussures qui l’employait, puis expulsé du logement où il vivait avec sa chère aïeule lorsque celle-ci est envoyée en maison de retraite par le juge des tutelles, Nestor voit sa vie, jusqu’ici précaire mais joyeuse, s’effondrer comme un château de cartes.

« On est qu’une idée, mon gars, une seule et unique misérable saloperie d’idée. L’idée que l’on se fait de soi ou bien l’idée que les autres se font de nous. Avec laquelle tu veux vivre ? »
Comme l’auteur a su faire avec les coups du sort grâce à ce qu’il explique d’un optimisme bâti sur l’amitié et sur des lectures qui l’ont marqué, Nestor, entouré d’indéfectibles copains et soutenu par les petites gens de son quartier, va réussir à affronter l’adversité et à reprendre son destin en main. « Je considère l’existence comme une offrande inespérée sous une cloche de verre piégée. J’ai le choix entre la contempler en salivant dessus ou bien soulever la cloche. J’ai choisi de prendre le risque. » Et entre courage d’être soi, amitié et solidarité, la résilience sera au rendez-vous malgré la différence, la pauvreté et les duretés de la vie.

Conte à la tonalité feel-good aussi sucré que la pâtisserie de son titre, ce dernier ouvrage en date surprend dans l’oeuvre plutôt dramatique de l’auteur. La relative déception ressentie au premier degré de la lecture s’estompe toutefois face à la puissance de ses arômes particulièrement longs en bouche. Pris d’une vraie affection pour ses personnages – de petites gens comme souvent le coeur sur la main –, ému par la dédicace à la propre grand-mère de l’auteur et à toutes les autres, et comme toujours admiratif de cette plume si belle et si maîtrisée, l’on se laisse malgré soi emporter par le charme tendre et non dénué d’humour de cette histoire de résilience qui semble beaucoup emprunter au tempérament sincèrement optimiste de l’écrivain. Au point que ce nain devenu un géant des lettres à force de ténacité, de solidarité et d’amour de la littérature finit par paraître, d’une certaine façon, une sorte de projection du moi profond de l’auteur. (3,5/5)

 

 

Citations :

Je considère l’existence comme une offrande inespérée sous une cloche de verre piégée. J’ai le choix entre la contempler en salivant dessus ou bien soulever la cloche. J’ai choisi de prendre le risque. Il n’y a pas de risque non négociable pour celui qui veut vivre pleinement sa vie. Celui-là doit savoir gérer les échecs, relever les défis et se désaltérer dans la sueur de son front comme dans une eau bénite. Le monde est une combinaison de hauts et de bas et nous en faisons partie. Personne n’y peut changer grand-chose, mais chacun doit composer avec.


Ce qui importe, c’est refuser crânement d’abdiquer, ne jamais renoncer à son rêve. Si on arrive à prendre son pied là où l’on traîne l’autre, on aura compris comment dépasser ce qui nous empêche d’avancer.


Lorsqu’il pleut sur Paris, c’est comme si on floutait une toile de maître. La plus belle ville du monde se voit délestée de sa féerie, pareille à une vieille diva en train de se démaquiller dans sa loge.


De tous ces moments-là, le plus abominable, le plus cruel est l’instant où je vois Mamie, de l’autre côté de la baie vitrée, pleurer en silence. Son visage est un masque mortuaire. Elle vient de comprendre que sa vie, toute sa vie, est restée là-bas, à Montmartre, refoulée au fond de la pénombre en train d’enténébrer notre petit appart, rue de Steinkerque. Le regard qu’elle m’expédie dans un ultime recours est d’une détresse absolue ; il m’anéantit presque. C’est le regard d’une partante, d’une agonie bâclée qui enclenche son compte à rebours – le regard effaré qui languit déjà des absences et des repères d’antan, et qui dit toutes les peines du monde en un seul mot que ses vieilles lèvres usées n’arrivent pas à évacuer de peur qu’il retentisse d’un bout à l’autre de la terre.
Deux infirmières aident Mamie à marcher vers son destin.

 
J’ai pesé le pour et le contre. Céder à la tentation ou bien me ressaisir ? Pas facile de trancher. J’ai dit à Françoise : « Si j’accepte de coucher avec toi, je vais me détester. Si je refuse, tu vas me détester. » Et Françoise a rétorqué : « Détestons-nous pour voir, et après on sera quittes. »


On est qu’une idée, mon gars, une seule et unique misérable saloperie d’idée. L’idée que l’on se fait de soi ou bien l’idée que les autres se font de nous. Avec laquelle tu veux vivre ?

 

 

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2 commentaires:

  1. Je n'ai toujours pas lu le livre, mais j'en trouve l'image de couverture magnifique!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. Une belle plongée dans ce quartier de Paris, comme l'indique la couverture, Tadloiducine.

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