J'ai beaucoup aimé
Titre : Les agneaux d'Abel (Mieii lui Abel)
Auteur : Clelia Ifrim
Traduction : Gabrielle DANOUX
Parution : en roumain et en français
en 2023 (Limes)
Pages : 60
Présentation de l'éditeur :
Dès le premier vers, la poésie de Clelia Ifrim ouvre des fenêtres, vers
l’intérieur des êtres et de la nature, afin de « faire pour [eux]/
littératie foncière/ et écrire dans leur langue,/ j’étais ici aussi ! ».
Le témoignage court, mais doux et fort à la fois d’un voyage
initiatique et mystique dans les terres « des racines ». Mais ces
fenêtres sont aussi autant de ponts vers l’extérieur céleste qu’il
importe au lecteur d’explorer pieusement.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur et sur la traductrice :
Clelia Ifrim est née à Bucarest, où elle vit toujours.
Elle est membre de l’Union des écrivains de Roumanie (USR), de
l’Association internationale des écrivains et artistes (IWA) des
États-Unis, de l’Association universelle des poètes japonais (JUNPA),
membre honoraire à vie de la Fondation culturelle libanaise Naji Naaman.
Trois de ses recueils de poésie ont été traduits en japonais par Mariko
Sumikura et publiés par JUNPA Books au Japon. Deux de ses poèmes ont
été sélectionnés par la JAXA — l’agence spatiale japonaise — et déposés
sur le module spatial Kibo de la Station spatiale internationale.
Avis :
Cette fois publié directement dans une édition bilingue franco-roumaine, le dernier recueil de poésie de Clelia Ifrim tient en quelques pages seulement, qui suffisent à éblouir de fulgurances tapies au détour des mots ou des images.Hiver, arbres nus, lumière étincelante sur la glace, gel blanc et immobilité de pierre : les paysages intérieurs de l’auteur sont à l’image de cette campagne roumaine enserrée par les doigts durs et froids de la répression, de la solitude et de la pauvreté, les gens comme autant de patients confinés en salle d’attente, minces silhouettes dépourvues de l’essentiel, aperçues de loin derrière des fenêtres et des murs gris où s’exerce la pesanteur d’un système résumé à des barbelés. S’ils ne se sont pas transformés en « lourds pompons de pierre » perdus sur le chemin de la fuite, ceux qui ne sont pas partis avec les oiseaux subissent un hiver sans fin de froid et de privations, une éternité de solitude qui obstrue leur gorge et leur poitrine de morceaux de glace.
Pourtant, alors que plus personne ne ramasse les corps duveteux des hirondelles tombées en masse sur les chaussées, l’auteur enchaînée à son « piquet de terre », mais forte de ses racines et de l’écriture, s’ingénie à faire voler écrits et paroles comme des oiseaux, cueillant la pourpre de la lavande ou de la flamme craquée à sa poignée d’allumettes pour maintenir en vie l’espoir et la beauté. Ses vers sont comme ces agneaux offerts au ciel par Abel, le frère de Caïn, parce que « le ciel est un livre », un livre ouvert à la page d’aujourd’hui, et que cette page encore blanche permet de croire que tout est toujours possible.
En vingt poèmes ouvrant sous chaque terme des abysses de sens et d’émotions que seules plusieurs lectures permettront d’apprécier pleinement, Clelia Ifrim donne à ressentir, par intuitions puissantes nées entre mots et images, tout un univers, aussi bien intérieur qu’extérieur. Du grand art… (4/5)
Citation :
Des nuits de la soie reposent sur la corde à linge.
C’est l’hiver et les pinces à linge sont gelées -
hirondelles en bois et en acier.
Des nuits de la soie sont un pont de cordes.
Le vent aussi a gelé.
Personne ne passe.
Chaque hirondelle
a, dans son goitre, une graine de glaçon.
Elles n’ont pas voulu partir à l’automne
dans les pays chauds.
Elles ont voulu rester avec moi.
Pour toujours !
Et moi, dès à présent, je reste avec elle pour l’éternité
avec une graine de glaçon sous la langue.
C’est l’hiver et les pinces à linge sont gelées -
hirondelles en bois et en acier.
Des nuits de la soie sont un pont de cordes.
Le vent aussi a gelé.
Personne ne passe.
Chaque hirondelle
a, dans son goitre, une graine de glaçon.
Elles n’ont pas voulu partir à l’automne
dans les pays chauds.
Elles ont voulu rester avec moi.
Pour toujours !
Et moi, dès à présent, je reste avec elle pour l’éternité
avec une graine de glaçon sous la langue.
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