J'ai beaucoup aimé
Titre : Blizzard
Auteur : Marie VINGTRAS
Parution : 2021 (L'Olivier)
Pages : 192
Présentation de l'éditeur :
Le blizzard fait rage en Alaska. Au coeur de la
tempête, un jeune garçon disparaît. Il n'aura fallu que quelques
secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de
l'enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de
près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée
contre la mort s'engage alors, où la destinée de chacun, face aux
éléments, se dévoile. Avec ce huis clos en pleine nature, Marie
Vingtras, d'une écriture incisive, s'attache à l'intimité de ses
personnages et, tout en finesse, révèle les tourments de leur âme.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Marie Vingtras est française. Elle emprunte
son nom de plume à Arthur Vingtras (1855-1929), de son vrai nom Caroline
Rémy, journaliste et écrivain féministe et libertaire.
Avis :
Un moment d’inattention, et Bess perd dans le blizzard le jeune garçon dont elle a la garde. La poignée d’habitants de ce bout d’Alaska se joint aussitôt à la recherche de l’enfant. Dans la course contre la montre qui s’engage, chacun se révèle, pour le meilleur comme pour le pire…
Personne n’atterrit par hasard dans un bout du monde dont les conditions extrêmes font de la vie quotidienne un enfer. Ainsi, tous les habitants de ce coin isolé d’Alaska traînent de bien lourdes valises, qu’ils espèrent enfin parvenir à poser. C’est sans compter l’irrémédiable et paradoxale promiscuité à laquelle les condamne l’isolement de leur petit groupe dans cet environnement difficile. Lorsque la tempête achève de les enfermer dans sa terrifiante boule à neige, les voici confrontés les uns aux autres dans un huis clos d’autant plus redoutable que l’urgence et le danger libèrent soudain les instincts jusqu’ici réprimés.
Les chapitres brefs et la narration sobre contribuent à l’efficacité du récit, qui, à partir d’une seule unité de temps et de lieu - ces quelques heures dans la neige à la merci les uns des autres -, nous projette dans la tête de quatre narrateurs, et nous révèle peu à peu, à travers leurs monologues, la noirceur dramatique de leurs parcours venus se télescoper en un tumultueux point d’orgue. Secrets et douleurs longuement macérés finissent alors par détoner avec une violence qui n’a d’égale que celle des éléments déchaînés.
Premier roman parfaitement maîtrisé, Blizzard entraîne le lecteur dans une trépidation croissante bâtie sur d’incessants changements de rythme. Tandis que ses grands espaces de nature rude et sauvage y servent d’implacables révélateurs d’une nature humaine soudain dépouillée de tout artifice, s’y déploie un récit dense et noir, très prenant, à la résonance très américaine. (4/5)
Personne n’atterrit par hasard dans un bout du monde dont les conditions extrêmes font de la vie quotidienne un enfer. Ainsi, tous les habitants de ce coin isolé d’Alaska traînent de bien lourdes valises, qu’ils espèrent enfin parvenir à poser. C’est sans compter l’irrémédiable et paradoxale promiscuité à laquelle les condamne l’isolement de leur petit groupe dans cet environnement difficile. Lorsque la tempête achève de les enfermer dans sa terrifiante boule à neige, les voici confrontés les uns aux autres dans un huis clos d’autant plus redoutable que l’urgence et le danger libèrent soudain les instincts jusqu’ici réprimés.
Les chapitres brefs et la narration sobre contribuent à l’efficacité du récit, qui, à partir d’une seule unité de temps et de lieu - ces quelques heures dans la neige à la merci les uns des autres -, nous projette dans la tête de quatre narrateurs, et nous révèle peu à peu, à travers leurs monologues, la noirceur dramatique de leurs parcours venus se télescoper en un tumultueux point d’orgue. Secrets et douleurs longuement macérés finissent alors par détoner avec une violence qui n’a d’égale que celle des éléments déchaînés.
Premier roman parfaitement maîtrisé, Blizzard entraîne le lecteur dans une trépidation croissante bâtie sur d’incessants changements de rythme. Tandis que ses grands espaces de nature rude et sauvage y servent d’implacables révélateurs d’une nature humaine soudain dépouillée de tout artifice, s’y déploie un récit dense et noir, très prenant, à la résonance très américaine. (4/5)
Citations :
Quand je lui demandais comment il faisait pour savoir tout sur tout, il souriait. Il disait qu’il était loin de tout savoir, mais que le plus important, à part l’expérience, c’était de faire confiance à son intuition pour se sortir des situations délicates. Papa était convaincu que rien ne remplaçait notre instinct d’homme primitif, qu’il fallait s’écouter et écouter la nature. Si nous étions suffisamment attentifs, elle nous donnait toutes les indications utiles rien qu’à la manière dont le vent avait tourné ou les oiseaux cessé de chanter. Quand j’ai raconté ça à Faye, elle a trouvé ça drôle parce qu’à New York ses amis payaient une fortune pour des cours destinés à les reconnecter avec leur « moi ». Par ici, le « moi sauvage », il valait mieux le découvrir rapidement, sinon ça devenait compliqué de tenir dehors.
Quand Magnus m’a ouvert sa porte, j’ai compris bien vite qu’ici les gens vous demandaient jamais d’où vous veniez. Vous pouviez vous être sorti les fesses tout droit de l’enfer ou être descendu du paradis, ça faisait pas de différence. Si vous étiez prêt à vivre au milieu de nulle part, à travailler dur, quel que soit le temps, et à pas vous plaindre, il y avait une place pour vous.
Leslie est rentré au bout de quelques mois à peine avec le genou en miettes après l’explosion d’une bombe artisanale au passage de son convoi. Il s’en était bien tiré, selon ses supérieurs, les autres n’avaient pas survécu, mais cela ne les a pas empêchés de le renvoyer chez nous comme un ballot de linge sale, une marchandise obsolète, sans valeur. Il ne pouvait plus se battre, il pouvait à peine marcher, sa carrière était finie avant même d’avoir réellement commencé. Martha était triste et soulagée en même temps. Il était revenu entier, disait-elle, pas allongé dans une boîte scellée de plomb. Moi aussi, j’ai cru que nous avions retrouvé notre fils. Un père et une mère ne comprennent pas toujours qu’il y a autre chose qu’un genou, des béquilles et la démarche claudicante d’un jeune homme entré brutalement dans l’âge adulte. Il y avait sa tête et tout ce qu’ils avaient mis dedans sans que personne en ait parlé. Les drogues pour ne pas dormir, les amphétamines pour se sentir invincible au combat, les pilules qu’on donne sans même dire ce que c’était parce que celui qui les prend est un soldat et qu’il n’a pas son mot à dire. Est-ce qu’il y a eu un médecin militaire pour prétendre que c’était pour leur bien ? Que c’était le petit cocktail de bienvenue identique à celui que prendraient des retraités pour rester en forme ? Je ne savais pas encore exactement ce qu’il avait pris, mais après les cauchemars que j’attribuais aux combats, après les nuits d’insomnie, les crises de delirium, après le chien des voisins dont il avait brisé la nuque à coups de béquille parce qu’il aboyait trop fort, j’ai dû me résoudre à admettre que c’était un autre qui était rentré d’Irak. Un étranger dans ma maison, si loin de cet enfant nu qui avait rempli ses poumons d’air, posé sur le ventre de sa mère, et qui nous avait rendus meilleurs que nous ne l’étions auparavant. La guerre nous avait pris notre fils et elle ne nous avait restitué que le négatif de la photo, juste une ombre blanche sur un fond désespérément sombre.
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