J'ai aimé
Titre : Le train des enfants
(Il treno dei bambini)
Auteur : Viola ARDONE
Traductrice : Laura BRIGNON
Parution : 2019 en italien,
2021 en français
Editeur : Albin Michel
Pages : 304
Présentation de l'éditeur :
Naples, 1946. Amerigo quitte son quartier pour monter dans un train.
Avec des milliers d’autres enfants du Sud, il traversera toute la
péninsule et passera quelques mois dans une famille du Nord : une
initiative du parti communiste vouée à arracher les plus jeunes à la
misère après le dernier conflit mondial. Loin de ses repères, de sa mère Antonietta et des ruelles de Naples,
Amerigo découvre une autre vie. Déchiré entre l’amour maternel et sa
famille d’adoption, quel chemin choisira-t-il ?
S’inspirant de faits historiques, Viola Ardone raconte l’histoire poignante d’un amour manqué entre un fils et sa mère. Immense succès en Italie et en cours de traduction dans 29 pays, ce roman remarquable révèle une auteure d’exception.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née en 1974, Viola Ardone est diplômée de
lettres. Après quelques années dans l’édition, elle enseigne aujourd’hui
l’italien et le latin, tout en collaborant avec différentes
publications. Le train des enfants est son troisième roman.
Avis :
En 1946, Amerigo, huit ans, vit misérablement avec sa mère Antonietta dans un des quartiers les plus populaires de Naples. Sur une initiative du Parti Communiste, et comme des milliers d’autres enfants du Sud de l’Italie, il est envoyé pour quelques mois dans une famille du Nord de la péninsule, où il découvre un tout autre mode de vie, plein d’appréciables avantages malgré la séparation et le dépaysement. Après une telle expérience, le garçon se retrouve d’autant plus déchiré entre son amour pour sa mère et son attachement à sa famille d’adoption, qu’il vient soudain d’entrevoir à Modène un avenir bien différent de celui qui l’attend à Naples…
S’inspirant d’un épisode de l’après-guerre en Italie, l’auteur s’est glissée par l’imagination dans la tête et le coeur d’un de ces enfants transplantés du jour au lendemain des rues pouilleuses de Naples, où pieds nus et le ventre vide, ils vivaient de mille expédients, à l’aisance confortable d’une famille du Nord, où même la langue est différente, et où l’avenir passe par l’école. Après les angoisses de l’inconnu, le choc du dépaysement et le déchirement de la séparation, l’acclimatation se fait assez avantageusement lorsqu’elle ne prend pas trop le goût amer de la charité. Mais, dès lors, c’est le chemin inverse qu’il faut parcourir six mois plus tard, lorsque sonne l’heure d’un retour parfois cruel à une réalité dont ils perçoivent désormais l'aspect sordide et l’absence d’avenir.
Rédigé à hauteur d’enfant, puis avec la mélancolie d’un homme mûr se retournant sur son parcours, le récit choisit de nous embarquer dans une histoire faite de déchirement et de culpabilité, où, pour grandir, le personnage principal se voit contraint de « troquer ses désirs contre tout ce qu’il a », avec le sentiment de trahir les siens dans ses efforts pour devenir autre. En mettant l’accent sur la dualité d’Amerigo et sur sa relation d’amour manqué avec sa mère, la narration se fait poignante sur tout le dernier quart du roman. Mais servie avec générosité, l’émotion ne suffit pas à masquer la vague sensation de creux de cette dernière partie, peu consistante quant à la personnalité et à la vie d’Amerigo adulte, mais aussi assez peu crédible quant à sa tendre pirouette finale.
Un tant soit peu trop romanesque et sentimentale sur un sujet historique intéressant qui aurait mérité un traitement plus approfondi, cette jolie histoire tendre, fluide et sans temps mort, reste une lecture agréable et facile qui ne manquera pas de faire couler bien des larmes. (3,5/5)
S’inspirant d’un épisode de l’après-guerre en Italie, l’auteur s’est glissée par l’imagination dans la tête et le coeur d’un de ces enfants transplantés du jour au lendemain des rues pouilleuses de Naples, où pieds nus et le ventre vide, ils vivaient de mille expédients, à l’aisance confortable d’une famille du Nord, où même la langue est différente, et où l’avenir passe par l’école. Après les angoisses de l’inconnu, le choc du dépaysement et le déchirement de la séparation, l’acclimatation se fait assez avantageusement lorsqu’elle ne prend pas trop le goût amer de la charité. Mais, dès lors, c’est le chemin inverse qu’il faut parcourir six mois plus tard, lorsque sonne l’heure d’un retour parfois cruel à une réalité dont ils perçoivent désormais l'aspect sordide et l’absence d’avenir.
Rédigé à hauteur d’enfant, puis avec la mélancolie d’un homme mûr se retournant sur son parcours, le récit choisit de nous embarquer dans une histoire faite de déchirement et de culpabilité, où, pour grandir, le personnage principal se voit contraint de « troquer ses désirs contre tout ce qu’il a », avec le sentiment de trahir les siens dans ses efforts pour devenir autre. En mettant l’accent sur la dualité d’Amerigo et sur sa relation d’amour manqué avec sa mère, la narration se fait poignante sur tout le dernier quart du roman. Mais servie avec générosité, l’émotion ne suffit pas à masquer la vague sensation de creux de cette dernière partie, peu consistante quant à la personnalité et à la vie d’Amerigo adulte, mais aussi assez peu crédible quant à sa tendre pirouette finale.
Un tant soit peu trop romanesque et sentimentale sur un sujet historique intéressant qui aurait mérité un traitement plus approfondi, cette jolie histoire tendre, fluide et sans temps mort, reste une lecture agréable et facile qui ne manquera pas de faire couler bien des larmes. (3,5/5)
Citations :
Je prends le vico Figurella a Montecalvario, je tourne dans la via Speranzella et je me retrouve dans le vico Tre Re a Toledo, devant l’église Santa Maria Francesca, où il y a la chaise miraculeuse de la Sainte. Tommasino et moi, on est souvent venus là écouter les histoires, mais je n’y suis jamais entré.
En fait, c’était toujours la même histoire. Les femmes venaient de toute la ville et des alentours pour demander qu’un enfant leur arrive, elles étaient accompagnées par leur mère ou par une autre femme de leur famille, une sœur, une belle-sœur, leur belle-mère. Des femmes pauvres et des femmes riches, sans distinction. C’est la loterie, je me disais. Ma maman Antonietta qui meurt de faim, elle a eu mon frère Luigi et puis moi, mais sans père. Ces dames qui portent des robes colorées et des chaussures cirées, qui ont un mari et tout ce qu’il faut, elles n’ont même pas un seul enfant. S’il y avait une justice, comme dit toujours la Jacasse, les enfants viendraient à ceux qui peuvent se le permettre.
Je mange avec un appétit indécent en temps de deuil, gratte de la pointe de ma cuillère tous les résidus de fromage. La faim est sournoise, elle n’a cure des bonnes manières et des sentiments.
Sur le visage de Maddalena se dessine une expression étrange, dont je ne trouve pas d’équivalent dans mes souvenirs. « On ne peut pas tout choisir, on fait certains choix par défaut, parce que les autres nous obligent à les faire…
– C’est à moi, qui ai été mis dans un train à l’âge de sept ans, que tu dis ça ? D’un côté il y avait ma mère, de l’autre tout ce dont je rêvais : une famille, une maison, une chambre rien que pour moi, des repas chauds, le violon. Un homme prêt à me donner son nom de famille. J’ai été aidé, c’est sûr, mais j’ai aussi eu horriblement honte. L’accueil, la solidarité, comme tu dis, ça a aussi un goût amer, à la fois pour ceux qui en font preuve et pour ceux qui en bénéficient. C’est pour ça que c’est si dur. Je rêvais d’être comme les autres. Je voulais faire oublier d’où je venais et pourquoi. J’ai beaucoup reçu mais j’en ai payé le prix en faisant une croix sur pas mal de choses. D’ailleurs, je n’ai jamais raconté mon histoire à personne.
Je n’ai plus le sentiment d’être un touriste, pas non plus celui d’être d’ici. Peut-être que je ne serai toujours que quelqu’un qui est parti.
Le train siffle encore, c’est le départ. Je remonte à bord et gagne la fenêtre, tends le bras, mais sans parvenir à toucher la main de l’enfant. Je lui ai offert mon violon, celui que tu as fait en sorte que je retrouve. Il est exactement à la bonne taille pour lui, on verra s’il a envie d’apprendre. Il pourrait le faire ici, sans avoir à s’échapper, sans avoir à troquer ses désirs contre tout ce qu’il a.
En fait, c’était toujours la même histoire. Les femmes venaient de toute la ville et des alentours pour demander qu’un enfant leur arrive, elles étaient accompagnées par leur mère ou par une autre femme de leur famille, une sœur, une belle-sœur, leur belle-mère. Des femmes pauvres et des femmes riches, sans distinction. C’est la loterie, je me disais. Ma maman Antonietta qui meurt de faim, elle a eu mon frère Luigi et puis moi, mais sans père. Ces dames qui portent des robes colorées et des chaussures cirées, qui ont un mari et tout ce qu’il faut, elles n’ont même pas un seul enfant. S’il y avait une justice, comme dit toujours la Jacasse, les enfants viendraient à ceux qui peuvent se le permettre.
Je mange avec un appétit indécent en temps de deuil, gratte de la pointe de ma cuillère tous les résidus de fromage. La faim est sournoise, elle n’a cure des bonnes manières et des sentiments.
Sur le visage de Maddalena se dessine une expression étrange, dont je ne trouve pas d’équivalent dans mes souvenirs. « On ne peut pas tout choisir, on fait certains choix par défaut, parce que les autres nous obligent à les faire…
– C’est à moi, qui ai été mis dans un train à l’âge de sept ans, que tu dis ça ? D’un côté il y avait ma mère, de l’autre tout ce dont je rêvais : une famille, une maison, une chambre rien que pour moi, des repas chauds, le violon. Un homme prêt à me donner son nom de famille. J’ai été aidé, c’est sûr, mais j’ai aussi eu horriblement honte. L’accueil, la solidarité, comme tu dis, ça a aussi un goût amer, à la fois pour ceux qui en font preuve et pour ceux qui en bénéficient. C’est pour ça que c’est si dur. Je rêvais d’être comme les autres. Je voulais faire oublier d’où je venais et pourquoi. J’ai beaucoup reçu mais j’en ai payé le prix en faisant une croix sur pas mal de choses. D’ailleurs, je n’ai jamais raconté mon histoire à personne.
Je n’ai plus le sentiment d’être un touriste, pas non plus celui d’être d’ici. Peut-être que je ne serai toujours que quelqu’un qui est parti.
Le train siffle encore, c’est le départ. Je remonte à bord et gagne la fenêtre, tends le bras, mais sans parvenir à toucher la main de l’enfant. Je lui ai offert mon violon, celui que tu as fait en sorte que je retrouve. Il est exactement à la bonne taille pour lui, on verra s’il a envie d’apprendre. Il pourrait le faire ici, sans avoir à s’échapper, sans avoir à troquer ses désirs contre tout ce qu’il a.
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