vendredi 13 décembre 2019

[Uno, Chiyo] Confession amoureuse





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Confession amoureuse (Iro Zange)

Auteur : Chiyo UNO

Traducteurs : Dominique PALME 

                      et Kyôkô SATO

Parution : 1935 en Japonais
                 1992 et 2019 en français (Denoël)

Pages : 272

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Je vous attendrai demain soir, entre six heures et six heures et demie, à la sortie de la gare Sendagaya. J’aurai dans les cheveux une fleur artificielle, une rose rouge…

Joji, un célèbre artiste japonais, reçoit un matin ces quelques mots d’une inconnue. Il n’y prête d’abord pas attention, mais la même lettre insistante revient chaque jour. Vaguement intrigué et certainement flatté, Joji finit par se rendre au rendez-vous.
Il y rencontre Takao, une jeune femme passionnée et déterminée à passer la nuit avec lui. D’abord effrayé par cette attitude, comparable selon lui à celle d’un homme, le peintre cède à Takao, qui finira par disparaître aussi mystérieusement qu’elle est apparue…

Glissée dans la peau d’un homme, la romancière se joue de notre don Juan pour mieux en révéler les faiblesses et les travers. Publié pour la première fois dans les années trente, cette Confession amoureuse est un roman d’une indéniable modernité.


Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Née en 1897, Chiyo Uno est l'une des plus célèbres romancières japonaises. Elle rencontre le succès en 1935 avec Confession amoureuse. Saluée pour son ton inimitable, elle est lauréate de plusieurs prix littéraires, notamment pour Ohan, qui sera adapté à l’écran. Très intéressée par la mode et notamment les tendances venues des États-Unis, elle fonde Sutairu, ou Style, le premier magazine de mode occidentale au Japon, et lance également une marque de kimonos. À travers le vêtement et l’apparence, c’est bien sûr une autre question qui est en jeu, celle de la liberté et du rôle de la femme. Chiyo Uno mena en effet dans le Tokyo des années 20 une vie de bohème, loin de la soumission imposée aux Japonaises de l’époque. En 1990, Chiyo Uno reçoit la reconnaissance officielle japonaise pour sa contribution remarquable dans le domaine culturel. Cette femme libre qui n’obéissait qu’à ses propres règles est décédée à l’âge de 98 ans.


Avis :

Peintre doté d'une certaine renommée dans le Japon des années trente, Yuasa Joji se laisse porter par ses succès féminins, incapable de décider clairement entre les femmes qui tournent autour de lui. Alors qu'il peine à couper le lien avec sa première épouse dont il divorce, il se laisse séduire par la fantasque Takao qui s’échappe alors aussitôt, tombe amoureux de la belle Tsuyoko sans se donner les moyens de contrer l'opposition de sa famille, et, par facilité, finit par se remarier avec la jeune et bien dotée Tomoko, pour le regretter aussitôt.

Derrière les apparences du séducteur, se cache en fait un homme indécis, qui s'en remet toujours aux autres et aux événements pour infléchir le cours de sa vie. Répugnant à déplaire ou à contredire, toujours dans le sens du courant, il s'avère incapable de faire des choix et encore moins de les imposer, se contentant de se croire amoureux ou aimé, sans disséquer clairement ses propres sentiments ni chercher à voir au-delà des apparences. Naïf, veule et immature, mais sans méchanceté aucune, il finit par être le jouet de ses conquêtes ou de leur entourage, éternel coeur d'artichaut qui, pour son malheur, ne sait plus qui il aime ni qui l'aime.

Agaçant, l'homme reste malgré tout sympathique, car pitoyable et malheureux. Toute l'intrigue se déroule de son point de vue de narrateur, c'est-à-dire plutôt neutre et passif, sans grand sentiment ni état d'âme, si ce n'est un profond désarroi.

Chiyo Uno nous renvoie ici le trouble d’un Japon tiraillé entre modernité et traditions, à une époque où elle faisait elle-même figure d’exception par sa vie tumultueuse et sa lutte pour l’émancipation féminine. Son état d’esprit précurseur se retrouve dans la détermination et l’insolence de ses personnages de femmes. Il confère à ce récit une dimension critique et moqueuse à l’égard du patriarcat nippon, en même temps qu’une étonnante modernité.

Mené d’une plume fluide et alerte, ce roman agréablement dépaysant dévoile avec subtilité les complexités du Japon, au travers du regard ironique d’une femme en rébellion contre l’hypocrisie d’une société très attachée à l’honneur, avant tout masculin. (4/5)


Citations : 

Pour Tomoko, le mariage n’est qu’une étiquette collée sur une boîte de conserve. Peu importe le contenu, pourvu que l’apparence soit brillante, enviable, heureuse.

Et retrouvant le sentiment de solitude qui était le mien quand je peignais dans ma chambre, à l’étranger, je m’étais réfugié dans le travail, j’y avais consacré tout mon temps. Le travail. Je pensais que cela seul me sauverait. Il ne pouvait pas en être autrement. Mais je m’étais vite aperçu que mon long séjour en Occident m’avait coupé de tout lien avec la réalité de la société japonaise. J’étais devenu un laissé-pour-compte. Et je ne savais comment faire pour me remettre sur les rails. Cela me remplissait d’inquiétude. J’étais de retour au Japon, mais dans ce pays je me sentais encore plus étranger qu’en Europe. Sur quoi pouvais-je bien m’appuyer ? Ce sentiment de solitude ne me quittait pas un instant. Même chez moi, je m’enfermais dans mon mutisme. Je restais assis là, avec la sensation que mon corps s’enlisait peu à peu dans le sol. Était-il possible que je disparaisse ainsi ?

Cette femme avait tant d’affection pour sa nièce qu’elle envisageait depuis longtemps d’en faire sa fille adoptive. « Je veux bien devenir sa fille, mais je serai obligée, là aussi, de me marier avec quelqu’un qu’elle aura choisi… », m’avait confié Tsuyuko un jour.

Même au moment d’écrire son message d’adieu, Tsuyuko avait refusé de laisser une seule ligne à ses parents. Quant à eux, une atteinte à l’honneur de leur famille les effrayait plus que la mort éventuelle de leur fille.

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