J'ai aimé
Titre : La valse sans fin (Endoresu warutsu)
Auteur : Mayumi INABA
Traductrice : Elisabeth SUETSUGU
Parution : 2014 en japonais
2019 en français (Editions Picquier)
Pages : 144
Présentation de l'éditeur :
C’est l’histoire d’un amour fou entre deux âmes perdues.
Imaginez Kurt Cobain et Courtney Love dans le Japon des années pop.
Ils ont vingt-quatre ans, s’aiment d’un amour d’écorchés vifs, ils se droguent pour endormir le malaise de vivre et rêvent d’une musique absolue, libre, qui pourrait d’un seul son détruire l’ordre du monde. Abe Kaoru est saxophoniste de free jazz, Suzuki Izumi est écrivaine. De 1973 à 1978, jusqu’à ce que dans un dernier excès Kaoru meure d’une overdose, ils vivent un amour éperdu qui défie les codes et se mesure à la violence.
L’écriture vibrante d’Inaba Mayumi restitue les vies portées à l’incandescence de ce couple de légende.
Imaginez Kurt Cobain et Courtney Love dans le Japon des années pop.
Ils ont vingt-quatre ans, s’aiment d’un amour d’écorchés vifs, ils se droguent pour endormir le malaise de vivre et rêvent d’une musique absolue, libre, qui pourrait d’un seul son détruire l’ordre du monde. Abe Kaoru est saxophoniste de free jazz, Suzuki Izumi est écrivaine. De 1973 à 1978, jusqu’à ce que dans un dernier excès Kaoru meure d’une overdose, ils vivent un amour éperdu qui défie les codes et se mesure à la violence.
L’écriture vibrante d’Inaba Mayumi restitue les vies portées à l’incandescence de ce couple de légende.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née en 1950, Inaba Mayumi gagne à seize ans un concours de poésie
organisé par l’influent magazine Bungei Shunjû, et remporte un prix à
vingt-trois ans pour son premier récit. Depuis elle publie romans et
nouvelles, qui ont entre autres été couronnés par le prix Kawabata et le
prix Tanizaki.
Avis :
Abe Kaoru est un saxophoniste japonais de free jazz, mort à vingt-neuf ans, dans les années soixante-dix, d’une overdose de sédatifs, et devenu mythique dans le milieu du jazz japonais underground. Il fut marié à l’actrice et écrivain Suzuki Izumi : une union bâtie sur un amour-haine désespéré et violent, qu’Inaba Mayumi nous relate du point de vue de la jeune femme.
Kaoru et Izumi sont deux trous noirs qui s’attirent irrépressiblement dans leur chute vers le vide et la destruction : jeunes et paumés, habités par un désespoir qui les dépassent et les empêchent de se construire un avenir, ils ne parviennent qu’à brûler l’instant présent et à se réfugier dans la musique et la drogue. S’accrochant l’un à l’autre dans une danse de mort qui ne pourra avoir de fin que tragique, ils s’entraînent mutuellement vers le fond comme deux naufragés au bord de la noyade.
Le texte est terrible, souvent insupportable, tant l’horreur et le dégoût vous submergent à voir ces deux êtres s’autodétruire de concert, dans une consommation effrénée et effrayante d’alcool et de drogues : déchéance physique, auto-mutilation, crises de violence et désordres psychiatriques jalonnent l’anéantissement de leurs jeunes vies, au fil d’un dévorant mal-être qu’eux-mêmes ne comprennent pas.
Heureusement, derrière le sordide et l’innommable, l’écriture fine et sensible de l’auteur parvient à préserver l’humanité des personnages, dans des éclaircies de tendresse et de lucidité, dans leur attachement mutuel dont on ne sait plus s’il est fait d’amour, de haine, ou de dépendance mais qui ne peut laisser indifférent, ou encore dans les envolées musicales où transperce le génie de Kaoru.
Ce livre est comme un trou d'air qui vous remonte le coeur dans la gorge, y laissant répulsion et désolation à l'idée, qu'hélas, il est inspiré de personnages et de faits réels. (3/5)
J’ai ri en hochant la tête. Je me demandais pourquoi il fallait que je passe ma vie avec cet homme. Je savais que ce mariage serait une chose terrible. C’est à cet instant : au beau milieu du passage piéton rempli de gens, tandis que je lui souriais légèrement, les yeux dans les yeux, j’ai eu une vision. Une image blanche et sèche, lui et moi dansions une danse sans fin dans le monde d’après la mort. Si j’ai compris que c’était après la mort, c’est parce qu’il n’y avait plus personne autour de nous. Dans la rue claire, nous dansions en silence, avec légèreté. Qui sait pourquoi, ce n’était ni un tango, ni une mazurka, ni un rythme de disco. J’ai dansé sans fin avec lui une valse sur un doux rythme à trois temps, lui et moi, seuls tous les deux. Cette vision était peut-être causée par la drogue, à moins que la scène ne me soit apparue pendant un étourdissement, en tout cas je suis restée figée sur place, sans pouvoir décider si c’était un rêve ou une illusion.
Ce bonheur éphémère faisait de mon quotidien une bulle mousseuse qui montait à la surface et crevait aussitôt.
On demande souvent aux jeunes délinquants pourquoi ils sont devenus des voyous. Si on me demandait pourquoi je me suis tranché le petit doigt, je répondrais sans doute, moi aussi : « Parce que je ne veux pas être vaincue par ma propre vie. Parce que je ne peux pas me résoudre à mourir dans le renoncement. L’authenticité de chaque instant est la seule chose qui compte. » Ou encore : « Parce que je ne sais pas à quel ennemi j’ai affaire. » Que peut-on faire en face de son ennemi ? Soit on lui donne tout, soit on se transperce la poitrine en silence, c’est l’un ou l’autre.
La quantité de vie dont nous disposons est décidée depuis le début, ai-je dit d’une voix neutre. Qu’on vive longtemps à petit feu ou qu’on ait une vie brève mais intense, quand on a tout épuisé, il ne reste qu’à mourir. Ce qui compte, c’est la vitesse. Vivre plus vite que tout le reste.
Kaoru et Izumi sont deux trous noirs qui s’attirent irrépressiblement dans leur chute vers le vide et la destruction : jeunes et paumés, habités par un désespoir qui les dépassent et les empêchent de se construire un avenir, ils ne parviennent qu’à brûler l’instant présent et à se réfugier dans la musique et la drogue. S’accrochant l’un à l’autre dans une danse de mort qui ne pourra avoir de fin que tragique, ils s’entraînent mutuellement vers le fond comme deux naufragés au bord de la noyade.
Le texte est terrible, souvent insupportable, tant l’horreur et le dégoût vous submergent à voir ces deux êtres s’autodétruire de concert, dans une consommation effrénée et effrayante d’alcool et de drogues : déchéance physique, auto-mutilation, crises de violence et désordres psychiatriques jalonnent l’anéantissement de leurs jeunes vies, au fil d’un dévorant mal-être qu’eux-mêmes ne comprennent pas.
Heureusement, derrière le sordide et l’innommable, l’écriture fine et sensible de l’auteur parvient à préserver l’humanité des personnages, dans des éclaircies de tendresse et de lucidité, dans leur attachement mutuel dont on ne sait plus s’il est fait d’amour, de haine, ou de dépendance mais qui ne peut laisser indifférent, ou encore dans les envolées musicales où transperce le génie de Kaoru.
Ce livre est comme un trou d'air qui vous remonte le coeur dans la gorge, y laissant répulsion et désolation à l'idée, qu'hélas, il est inspiré de personnages et de faits réels. (3/5)
Citations :
Lui et moi nous ressemblions. Son monde aussi était cassé quelque part. Je n’aurais su dire depuis quand, mais à l’intérieur de son corps chétif, il y avait un trou béant. Il cherchait à combler ce vide par la musique et la drogue. Tout comme moi j’essayais de combler mon propre vide avec les médicaments et les mots… Et ni lui ni moi ne comprenions pourquoi une telle déchirure s’était produite en nous.J’ai ri en hochant la tête. Je me demandais pourquoi il fallait que je passe ma vie avec cet homme. Je savais que ce mariage serait une chose terrible. C’est à cet instant : au beau milieu du passage piéton rempli de gens, tandis que je lui souriais légèrement, les yeux dans les yeux, j’ai eu une vision. Une image blanche et sèche, lui et moi dansions une danse sans fin dans le monde d’après la mort. Si j’ai compris que c’était après la mort, c’est parce qu’il n’y avait plus personne autour de nous. Dans la rue claire, nous dansions en silence, avec légèreté. Qui sait pourquoi, ce n’était ni un tango, ni une mazurka, ni un rythme de disco. J’ai dansé sans fin avec lui une valse sur un doux rythme à trois temps, lui et moi, seuls tous les deux. Cette vision était peut-être causée par la drogue, à moins que la scène ne me soit apparue pendant un étourdissement, en tout cas je suis restée figée sur place, sans pouvoir décider si c’était un rêve ou une illusion.
Ce bonheur éphémère faisait de mon quotidien une bulle mousseuse qui montait à la surface et crevait aussitôt.
On demande souvent aux jeunes délinquants pourquoi ils sont devenus des voyous. Si on me demandait pourquoi je me suis tranché le petit doigt, je répondrais sans doute, moi aussi : « Parce que je ne veux pas être vaincue par ma propre vie. Parce que je ne peux pas me résoudre à mourir dans le renoncement. L’authenticité de chaque instant est la seule chose qui compte. » Ou encore : « Parce que je ne sais pas à quel ennemi j’ai affaire. » Que peut-on faire en face de son ennemi ? Soit on lui donne tout, soit on se transperce la poitrine en silence, c’est l’un ou l’autre.
La quantité de vie dont nous disposons est décidée depuis le début, ai-je dit d’une voix neutre. Qu’on vive longtemps à petit feu ou qu’on ait une vie brève mais intense, quand on a tout épuisé, il ne reste qu’à mourir. Ce qui compte, c’est la vitesse. Vivre plus vite que tout le reste.
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