J'ai beaucoup aimé
Titre : L'homme à l'affiche
(El hombre del cartel)
Auteur : Maria José FERRADA
Traduction : Marianne MILLON
Parution : en espagnol (Chili) en 2021,
en français (Stock) en 2025
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Ramón vit dans un bidonville. Du jour au lendemain, il accepte de
s’occuper d’un énorme panneau publicitaire en bord d’autoroute. Il
décide d’en faire sa nouvelle maison, espérant saisir dans l’air le sens
des choses. On le tient pour fou. Seuls sa compagne Paulina et son
neveu Miguel lui rendent visite.
Avec un humour acerbe et une connaissance approfondie de la psychologie de l’enfant (déjà présente dans Kramp), María José Ferrada brosse le portrait d’une société qui, au nom de la paix, n’hésite pas à recourir à la violence.
Comment résister et trouver la lumière quand la cruauté et l’absurdité sont à l’œuvre ? C’est ce à quoi certains personnages de ce roman tentent de répondre.
Avec un humour acerbe et une connaissance approfondie de la psychologie de l’enfant (déjà présente dans Kramp), María José Ferrada brosse le portrait d’une société qui, au nom de la paix, n’hésite pas à recourir à la violence.
Comment résister et trouver la lumière quand la cruauté et l’absurdité sont à l’œuvre ? C’est ce à quoi certains personnages de ce roman tentent de répondre.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
María José Ferrada (Chili, 1977) est journaliste et écrivain. Ses livres
pour enfants ont été publiés dans le monde hispanophone, en Italie, au
Brésil et au Japon et ont reçu de nombreux prix, dont le Ciudad de
Orihuela de poésie, Academia du meilleur livre publié au Chili (2013). Kramp
est son premier roman pour adultes. Il a reçu le Prix du Cercle des
critiques d’art (2017), du Meilleur roman décerné par le ministère de la
Culture (2018) et le Prix de littérature de la ville de Santiago. Kramp a
été publié en Argentine, Uruguay, Espagne et traduit en anglais (USA),
allemand, polonais, italien, danois et portugais du Brésil.
Avis :
Usant des ressorts narratifs qui ont fait sa renommée en littérature jeunesse, Maria José Ferrada poursuit sa transition vers le roman adulte avec un deuxième opus inspiré d’un fait réel. Sous une apparente simplicité poétique, la romancière chilienne livre une fable grave et lumineuse sur la violence sociale, vue à hauteur d’enfant.
Miguel, onze ans, vit avec sa mère dans un quartier pauvre que la traduction nomme « bidonville » – en réalité, un ensemble d’immeubles sociaux pour travailleurs précaires. Le quotidien est morne, jusqu’au jour où son oncle Ramón quitte son emploi en usine pour devenir gardien d’un immense panneau publicitaire Coca Cola surplombant l’autoroute. Très vite, il s’installe dans la structure même de l’affiche, tel un stylite moderne, entre alcool, solitude et rêverie.
Ce geste, d’abord perçu comme une excentricité, se retrouve bientôt au coeur de toutes les attentions. Miguel, émerveillé, rejoint son oncle en cachette. Sa tante Paulina, discrète mais compréhensive, accepte cette folie au nom de la part d’amour, « peu valorisée, [qui] consiste à voir l’autre suivre son chemin ». Mais les voisins, eux, oscillent entre moquerie, rejet et violence, surtout lorsque des « Sans Maison » s’installent autour du panneau, ravivant le spectre de leur propre passé marginalisé.
Le panneau publicitaire devient alors une métaphore puissante : promesse creuse de bonheur marchand, il surplombe une communauté en quête de dignité. L’installation de Ramón dans ses hauteurs détourne ce symbole de domination économique pour en faire un espace de liberté, aussi absurde que poétique. Ce geste, en apparence fou, interroge la frontière entre marginalité et sagesse, entre folie et lucidité.
Le drame qui s’ensuit est une tragique répétition du passé semblant rappeler que, dans ce Chili fracturé par des décennies de néolibéralisme autoritaire, l’on n’échappe jamais à l’adversité du destin. Pourtant, Miguel en est témoin : c’est en s’éloignant du « bruit du monde » et des injonctions sociales que Ramón lui offre les seuls instants de liberté et de poésie de sa vie.
Avec sa prose épurée, ses images tendres et son humour discret, Maria José Ferrada transforme un fait divers en une réflexion sur la liberté, le bonheur et la résistance intime. Elle adopte une esthétique du dépouillement, presque enfantine, qui contraste avec la gravité du propos et laisse place à l’émotion brute. Grâce à un oncle en rupture et une tante fidèle à ses rêves, Miguel entrevoit un avenir qui ne serait plus une répétition du passé, mais une désobéissance douce, en même temps qu'une transmission poétique. Subtil, méditatif et décentré. (4/5)
Miguel, onze ans, vit avec sa mère dans un quartier pauvre que la traduction nomme « bidonville » – en réalité, un ensemble d’immeubles sociaux pour travailleurs précaires. Le quotidien est morne, jusqu’au jour où son oncle Ramón quitte son emploi en usine pour devenir gardien d’un immense panneau publicitaire Coca Cola surplombant l’autoroute. Très vite, il s’installe dans la structure même de l’affiche, tel un stylite moderne, entre alcool, solitude et rêverie.
Ce geste, d’abord perçu comme une excentricité, se retrouve bientôt au coeur de toutes les attentions. Miguel, émerveillé, rejoint son oncle en cachette. Sa tante Paulina, discrète mais compréhensive, accepte cette folie au nom de la part d’amour, « peu valorisée, [qui] consiste à voir l’autre suivre son chemin ». Mais les voisins, eux, oscillent entre moquerie, rejet et violence, surtout lorsque des « Sans Maison » s’installent autour du panneau, ravivant le spectre de leur propre passé marginalisé.
Le panneau publicitaire devient alors une métaphore puissante : promesse creuse de bonheur marchand, il surplombe une communauté en quête de dignité. L’installation de Ramón dans ses hauteurs détourne ce symbole de domination économique pour en faire un espace de liberté, aussi absurde que poétique. Ce geste, en apparence fou, interroge la frontière entre marginalité et sagesse, entre folie et lucidité.
Le drame qui s’ensuit est une tragique répétition du passé semblant rappeler que, dans ce Chili fracturé par des décennies de néolibéralisme autoritaire, l’on n’échappe jamais à l’adversité du destin. Pourtant, Miguel en est témoin : c’est en s’éloignant du « bruit du monde » et des injonctions sociales que Ramón lui offre les seuls instants de liberté et de poésie de sa vie.
Avec sa prose épurée, ses images tendres et son humour discret, Maria José Ferrada transforme un fait divers en une réflexion sur la liberté, le bonheur et la résistance intime. Elle adopte une esthétique du dépouillement, presque enfantine, qui contraste avec la gravité du propos et laisse place à l’émotion brute. Grâce à un oncle en rupture et une tante fidèle à ses rêves, Miguel entrevoit un avenir qui ne serait plus une répétition du passé, mais une désobéissance douce, en même temps qu'une transmission poétique. Subtil, méditatif et décentré. (4/5)
Citations :
— Action, réaction, m’a dit Ramón un jour.
— Ça veut dire quoi ?
— Que la terre est ronde et que si tu jettes une pierre avec assez de force devant toi, tu la reçois dans le dos.
— Personne n’a autant de force, ai-je allégué.
— Action, réaction, a-t-il répété, sans tenir compte de ma réponse.
— Ça veut dire quoi ?
— Que la terre est ronde et que si tu jettes une pierre avec assez de force devant toi, tu la reçois dans le dos.
— Personne n’a autant de force, ai-je allégué.
— Action, réaction, a-t-il répété, sans tenir compte de ma réponse.
— Tu aimes mon potager, Miguel ? demanda-t-il au bout d’un moment.
— Quel potager ?
— Celui-ci, et il désigna l’horizon qu’on voyait au-dessus des collines.
— Ce n’est pas un potager.
— Comment ça ? J’ai semé des ampoules et vois comme elles ont poussé vite.
La nuit était tombée et Ramón ne se trompait pas : les lumières nées des fenêtres, des lampadaires et des voitures qui empruntaient la route à cette heure, ressemblaient aux citrons et aux oranges brillantes qu’un jardinier étourdi aurait laissé tomber dans le jardin de la nuit.
— Je vais prendre un demi-kilo, dis-je au bout d’un moment.
— Un demi-kilo de quoi ?
— De lumières.
Une part de l’amour, peu valorisée, consiste à voir l’autre suivre son chemin.
Ramón parti vivre dans une affiche, Paulina ne tarda pas à comprendre qu’il ne redescendrait pas, mais plutôt que de le lui demander elle le laissa rester là-haut. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Personne ne m’avait demandé de croire à la plaisanterie – « Qu’il est grand, ton fils », « Comment va ton père ? » – et à partir de là j’avais créé une famille imaginaire qui avait duré encore moins longtemps qu’une vraie. Ce n’était pas si grave. Tous ceux qui, comme moi, avaient réussi à vivre au-delà de dix ans, avaient la carapace épaisse d’un cafard.

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