Coup de coeur
Titre : Les guerriers de l'hiver
Auteur : Olivier NOREK
Parution : 2024 (Michel Lafon)
Pages : 448
Présentation de l'éditeur :
« Je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu.
– Je ne parle pas leur langue, camarade.
– Et je ne pourrais te traduire ce mot, car il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination… Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. »
Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent.
Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l'ennemi, et parmi ses soldats naît une légende. La légende de Simo, la Mort Blanche.
– Je ne parle pas leur langue, camarade.
– Et je ne pourrais te traduire ce mot, car il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination… Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. »
Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent.
Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l'ennemi, et parmi ses soldats naît une légende. La légende de Simo, la Mort Blanche.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Engagé dans l'humanitaire pendant la guerre en
ex-Yougoslavie, puis capitaine de police à la section Enquête et
Recherche de la police judiciaire du 93 pendant dix-huit ans, OLIVIER
NOREK est l'auteur de la trilogie du capitaine Coste (Code 93,
Territoires et Surtensions) et du bouleversant roman social Entre deux
mondes, largement salués par la critique, lauréats de nombreux prix
littéraires et traduits dans près de dix pays.
Avis :
Auteur de polars et de thrillers sociaux à succès, l’ancien militaire et capitaine de police Olivier Norek met cette fois la fluidité de sa plume et ses talents de scénariste au service d’un impressionnant et immersif roman historique dont les résonances avec l’actualité tintent comme un avertissement.
Nous sommes fin novembre 1939, lorsque la seconde guerre mondiale ressemble encore à une « drôle de guerre ». Pour protéger la ville frontalière de Léningrad du risque d’invasion allemande et faute d’un accord sur la création d’une zone tampon en territoire finlandais, Staline décide d’envahir son voisin par la force, convaincu de ne faire qu’une bouchée de ce petit pays. Pourtant, malgré la supériorité écrasante des forces soviétiques, le conflit entendu comme une question de semaines s’enlise entre tranchées et guérilla, la résistance aussi bien militaire que civile des Finlandais galvanisés bloquant l’avancée d’une armée ennemie mal préparée et trop sûre d’elle. Et c’est toute une saison de neige et de glace, par des températures atteignant les moins cinquante degrés, que dure ce qu’on appelle bientôt la Guerre d’Hiver, entre une « nation ogre de cent soixante et onze millions d’habitants » et un Petit Poucet de « trois millions et demi d’âmes ».
Suivant les mois du conflit au rythme des victoires et des défaites, Olivier Norek nous immerge dans l’inhumaine absurdité de cette guerre – l’URSS ne réussira jamais à pénétrer de plus d’une quinzaine de kilomètres à l’intérieur de la Finlande, sacrifiant pour cela des centaines de milliers d’hommes dans des opérations particulièrement inconséquentes et insensées – en un enchaînement de tableaux dantesques et saisissants, en tout point fidèles à la vérité historique. Nourri d’une documentation aussi minutieuse que colossale, son récit prend vie avec naturel et réalisme, et c’est la peur au ventre et la chair transie que l’on avance aux côtés des protagonistes, tous réels mais plus extraordinaires que bien des personnages de fiction.
Ainsi en est-il de l’héroïque Simo Häyhä, considéré comme le meilleur sniper de tous les temps. Surnommé par les Soviétiques « La Mort Blanche » tant il sème la mort et la terreur au bout de son invisible lunette, il n’était pourtant à l’origine qu’un jeune homme épris de nature et de forêts qui excellait à la chasse. Son portrait, comme celui d’autres hommes et femmes sortis de la vie civile pour défendre leur pays avec la dernière énergie, rend hommage à tous ces Finlandais qui, partis « se battre contre des monstres », n’ont finalement découvert « à [leurs] pieds que des hommes », envoyés au carnage avec une glaçante inconséquence.
Cette guerre qui, véritable aveu de faiblesse soviétique, changea peut-être le cours de l’Histoire en convainquant Hitler d’ouvrir le front de l’Est, est pourtant aujourd’hui largement oubliée, sa mémoire désastreuse notamment effacée des manuels scolaires russes. Elle entre forcément en écho avec la guerre contemporaine en Ukraine, autre petit pays largement sous-estimé par son géant de voisin à la préparation fort incertaine.
Des enquêtes policières à l’investigation historique, Olivier Norek réussit avec brio le changement de registre. En tout point véridique, son récit de guerre sur l’âpre fond de l’hiver nordique est tout aussi édifiant que passionnant, son imprégnation historique n’ayant d’égale que la puissance de sa narration. Une lecture glaçante au propre comme au figuré, qui a bien des raisons de se retrouver dans la sélection de plusieurs prix littéraires. Coup de coeur. (5/5)
Nous sommes fin novembre 1939, lorsque la seconde guerre mondiale ressemble encore à une « drôle de guerre ». Pour protéger la ville frontalière de Léningrad du risque d’invasion allemande et faute d’un accord sur la création d’une zone tampon en territoire finlandais, Staline décide d’envahir son voisin par la force, convaincu de ne faire qu’une bouchée de ce petit pays. Pourtant, malgré la supériorité écrasante des forces soviétiques, le conflit entendu comme une question de semaines s’enlise entre tranchées et guérilla, la résistance aussi bien militaire que civile des Finlandais galvanisés bloquant l’avancée d’une armée ennemie mal préparée et trop sûre d’elle. Et c’est toute une saison de neige et de glace, par des températures atteignant les moins cinquante degrés, que dure ce qu’on appelle bientôt la Guerre d’Hiver, entre une « nation ogre de cent soixante et onze millions d’habitants » et un Petit Poucet de « trois millions et demi d’âmes ».
Suivant les mois du conflit au rythme des victoires et des défaites, Olivier Norek nous immerge dans l’inhumaine absurdité de cette guerre – l’URSS ne réussira jamais à pénétrer de plus d’une quinzaine de kilomètres à l’intérieur de la Finlande, sacrifiant pour cela des centaines de milliers d’hommes dans des opérations particulièrement inconséquentes et insensées – en un enchaînement de tableaux dantesques et saisissants, en tout point fidèles à la vérité historique. Nourri d’une documentation aussi minutieuse que colossale, son récit prend vie avec naturel et réalisme, et c’est la peur au ventre et la chair transie que l’on avance aux côtés des protagonistes, tous réels mais plus extraordinaires que bien des personnages de fiction.
Ainsi en est-il de l’héroïque Simo Häyhä, considéré comme le meilleur sniper de tous les temps. Surnommé par les Soviétiques « La Mort Blanche » tant il sème la mort et la terreur au bout de son invisible lunette, il n’était pourtant à l’origine qu’un jeune homme épris de nature et de forêts qui excellait à la chasse. Son portrait, comme celui d’autres hommes et femmes sortis de la vie civile pour défendre leur pays avec la dernière énergie, rend hommage à tous ces Finlandais qui, partis « se battre contre des monstres », n’ont finalement découvert « à [leurs] pieds que des hommes », envoyés au carnage avec une glaçante inconséquence.
Cette guerre qui, véritable aveu de faiblesse soviétique, changea peut-être le cours de l’Histoire en convainquant Hitler d’ouvrir le front de l’Est, est pourtant aujourd’hui largement oubliée, sa mémoire désastreuse notamment effacée des manuels scolaires russes. Elle entre forcément en écho avec la guerre contemporaine en Ukraine, autre petit pays largement sous-estimé par son géant de voisin à la préparation fort incertaine.
Des enquêtes policières à l’investigation historique, Olivier Norek réussit avec brio le changement de registre. En tout point véridique, son récit de guerre sur l’âpre fond de l’hiver nordique est tout aussi édifiant que passionnant, son imprégnation historique n’ayant d’égale que la puissance de sa narration. Une lecture glaçante au propre comme au figuré, qui a bien des raisons de se retrouver dans la sélection de plusieurs prix littéraires. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
– Ne connais-tu pas la nouvelle ? poursuivit Sadovski. Le général Habarov a reçu par radio l’information qu’un contrôleur de la Stavka allait venir sur le front pour chercher à comprendre notre inefficacité. Il sera là demain, par le train de ravitaillement.
– Et qu’as-tu commandé au ravitaillement ?
– Des armes et des munitions, comme chacune des deux cent quarante autres unités, j’imagine.
– Nous en avons déjà pour plusieurs guerres, objecta le militaire. As-tu au moins demandé des vêtements chauds et de la nourriture ?
– Que crois-tu ? Que j’allais me plaindre ? Dire au Kremlin que nous avons froid et faim ? Souligner discrètement que nous sommes arrivés mal préparés ? Non merci. Par contre, j’ai demandé des portraits de Staline. Chaque unité doit en arborer un par respect pour notre Chef suprême, et il nous en manque.
– Une telle requête aura bel effet dans ton dossier. Mais sur le terrain…
– Je crains davantage Celui pour qui l’on se bat, que ceux contre qui on se bat. Et tu devrais aussi.
– Et qu’as-tu commandé au ravitaillement ?
– Des armes et des munitions, comme chacune des deux cent quarante autres unités, j’imagine.
– Nous en avons déjà pour plusieurs guerres, objecta le militaire. As-tu au moins demandé des vêtements chauds et de la nourriture ?
– Que crois-tu ? Que j’allais me plaindre ? Dire au Kremlin que nous avons froid et faim ? Souligner discrètement que nous sommes arrivés mal préparés ? Non merci. Par contre, j’ai demandé des portraits de Staline. Chaque unité doit en arborer un par respect pour notre Chef suprême, et il nous en manque.
– Une telle requête aura bel effet dans ton dossier. Mais sur le terrain…
– Je crains davantage Celui pour qui l’on se bat, que ceux contre qui on se bat. Et tu devrais aussi.
Depuis le début du conflit, la constante peur de l’échec – qui se soldait inévitablement par une balle dans la tête – inhibait toute initiative des officiers et plaçait l’idéologie et l’obéissance au-dessus de la tactique ou des réalités du terrain.
Ukrainiens, Roumains, Géorgiens, Mongols, Turcs, Azéris, Kazakhs, Tadjiks, Uzbeks, Biélorusses, Arméniens… Aucun n’avait souhaité partir en guerre. Tous avaient été enrôlés de force. Et forcer un homme revient à fabriquer un insoumis.
La Finlande avait en stock autant de bombes pour toute la guerre que la Russie pouvait en envoyer en une seule journée. Mais pour arriver à ce résultat, Staline avait imposé à ses usines un tel rendement qu’elles étaient incapables de suivre, et pour ne pas subir sa colère, elles livraient des obus dont un tiers étaient sous-chargés en explosifs ou mal assemblés. À commander par la terreur, Staline provoquait ses propres déboires.
– Il y a quelque chose que je crois, et quelque chose dont je suis certain, répondit Timochenko. Je crois que cette guerre a unifié la Finlande comme jamais avant, et si elle est devenue une forteresse, nous en avons été le ciment. Et je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu.
– Je ne parle pas leur langue, camarade, s’excusa Molotov.
– Et je ne peux te traduire ce mot. Il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. L’état d’esprit d’un peuple qui vit dans une nature sauvage, par un froid mordant, avec un ensoleillement rare. Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. Je te dirais que cela parle aussi de leur courage, mais il manquerait encore beaucoup de mots pour définir ce qu’est le Sisu. Il faudrait y ajouter, l’obstination, le cran, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination, la volonté… Et le caractère pour le moins complexe qui va avec, puisqu’ils sont aussi froids et sauvages que le cœur de leurs forêts.
Devant eux, de la glace, émergeaient des piques et des pointes, comme le fond tapissé d’un immense piège à ours. Viktor avança d’un pas méfiant, fusil dressé en avant, prêt à tirer, avança encore, jusqu’à comprendre. Ils marchèrent alors dans un silence respectueux, à travers ce cimetière de soldats russes, pris la veille dans l’eau gelée puis figés avant même de sombrer, et dont les bras, les canons des fusils, les baïonnettes, les bâtons et les skis, le haut du corps parfois, hérissaient la surface du golfe comme des herbes folles de chair, de bois et de métal. Morts avec eux émergeaient aussi les têtes des chevaux, la crinière en une vague noire immobile scintillante de cristaux de neige, l’écume ivoire de leur dernier effort glacée aux commissures de leurs lèvres.
Ici et là, collés sous la surface de la glace, on distinguait enfin les visages blancs de ceux qui avaient coulé à pic dans l’eau bleu glacier puis tenté de remonter avant d’être bloqués par un plafond transparent, bouches ouvertes en une dernière respiration. Sans états d’âme, il fallait marcher sur eux pour progresser.
Ici et là, collés sous la surface de la glace, on distinguait enfin les visages blancs de ceux qui avaient coulé à pic dans l’eau bleu glacier puis tenté de remonter avant d’être bloqués par un plafond transparent, bouches ouvertes en une dernière respiration. Sans états d’âme, il fallait marcher sur eux pour progresser.
Pourtant, si la Russie et la Finlande avaient, semble-t-il, gagné pour l’une, capitulé pour l’autre, la réalité était totalement inverse. Une nation ogre de cent soixante et onze millions d’habitants n’avait pas réussi à dominer un pays pacifique de trois millions et demi d’âmes, ni à avancer de plus de quinze kilomètres dans les terres convoitées. Une fausse défaite devenait une victoire honteuse pour Staline (…).
La laborieuse victoire russe attira l’attention d’Adolf Hitler, comme le sang d’une bête blessée allèche le prédateur. Le projet initial de l’armée allemande était de régler le front de l’Ouest et, seulement après, de fondre sur la Russie. Mais face aux piètres résultats de l’armée Rouge sur la Finlande, elle modifia ses plans et lança sur l’Union soviétique affaiblie près de quatre millions de ses soldats dans la plus grande invasion de l’Histoire militaire, sous le nom d’opération Barbarossa…
Sans le courage de Simo, sans le Sisu, cette âme de feu et de glace, personne ne peut imaginer ce que l’Europe ou le monde seraient aujourd’hui, ni les puissances aux pouvoirs.
Personne, aujourd’hui, ne sait réellement ce que l’on doit aux soldats finlandais de la Guerre d’Hiver.
Si ces événements ont bientôt un siècle, ils nous renvoient à l’Histoire actuelle et nous mettent en garde.
La guerre survient souvent par surprise, et il faut toujours un premier mort sur notre sol pour y croire vraiment.
Du même auteur sur ce blog :
Bonsoir, je suis en train de le lire, j'en suis à plus de la moitié, c'est bien et cela permet de m'apprendre une page de l'histoire de la deuxième guerre mondiale. Norek est vraiment un écrivain éclectique. Bonne soirée.
RépondreSupprimerBonsoir, une très bonne surprise que ce changement de registre. Moi aussi, j'y ai découvert un pan d'histoire.
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