J'ai beaucoup aimé
Titre : Si tu passes la rivière
Auteur : Geneviève DAMAS
Parution : Luce Wilquin (2011)
Livre de Poche (2014)
Pages : 106
Présentation de l'éditeur :
Il lui avait dit, son père, de ne jamais passer la rivière. À dix-sept
ans, François se souvient encore de la mise en garde paternelle, alors
qu’il était haut comme trois pommes. Il a grandi dans une ferme, où il a
trouvé pour confidents Oscar et Hyménée, deux cochons, ses amis.
Dernier d’une fratrie de cinq enfants, il voit bien qu’il ne ressemble
pas aux autres. Il se demande pourquoi son père lui a fait jurer de ne
jamais franchir la rivière, pourquoi il n’a pas connu sa mère, pourquoi
sa sœur est partie de l’autre côté. À la recherche de réponses, il se
lie d’amitié avec plusieurs villageois. Grâce à eux il découvrira le
mystère de ses origines et la personne par qui tout a commencé.
L’accession d’un être à la conscience de soi, le rôle providentiel des
figures maternelles ou encore la place essentielle de la culture et de
la littérature… autant de thèmes que l’auteur aborde, dans ce premier
roman, avec profondeur et sensibilité.
Un mot sur l'auteur :
Avis :
A dix-sept ans, François n’a jamais quitté la ferme où il a grandi, trimant misérablement aux côtés d’un père sans tendresse et de ses quatre aînés. Malgré sa tête folle, il a pris conscience de l’anormal isolement de sa famille, et mille questions le taraudent. Pour quelles raisons son père lui interdit-il si farouchement de traverser la rivière ? Pourquoi ne parle-t-on jamais de la mère qu’il n’a pas connue ? Et qu’est-ce qui a poussé sa sœur à partir sans retour ? Pour tenter de trouver des réponses, l’adolescent se rapproche de quelques villageois avec lesquels il se lie. Il découvrira bientôt le secret de ses origines…
Rédigé à la première personne, dans le langage fruste et naïf d’un jeune homme maintenu dans un tel état de sauvagerie et de rustauderie qu’il en paraît d’abord un peu simple, le récit sans lieu ni date est celui d’un éveil progressif, d’un passage d’une quasi animalité à une conscience de soi pleine et entière. Alors que depuis le départ de sa sœur, seul être humain à l’avoir aimé, François s’en est trouvé réduit aux seuls liens affectifs qu’il entretient avec ses cochons, ses initiatives, d’abord maladroites puis de plus en plus assurées, vont peu à peu l’extirper de ses conditions misérables et lui permettre les apprentissages essentiels à son émancipation. Il apprend à lire, connaît sa première expérience sexuelle, découvre autour de lui les joies et les souffrances de l’amour, et, en explorant le passé et le secret de ses origines, comprend enfin son identité.
L’histoire, habilement contée, possède beaucoup de charme. Touché par la candeur et la sincérité de François, mais aussi par la fragile et lumineuse humanité de quelques autres personnages, le lecteur évolue à fleur d’émotion et de poésie, alors que le narrateur, jusqu’alors asservi par la misère et l’obscurantisme, s’apprête enfin, et très symboliquement, à sauter la rivière qui le séparait de l’espoir et de la liberté.
Profondément lumineux et optimiste, ce conte symbolique apparaît en frappant contraste d’un autre roman plus récent, pour sa part noir et désespéré, sur une thématique très semblable : Le démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie. Si le premier croit allégoriquement et positivement à tous les possibles, le second les referme sans recours sur l’identique innocence de son narrateur, ne lui laissant pour seul rivière à franchir que celle qui sépare la vie et la mort. (4/5)
Rédigé à la première personne, dans le langage fruste et naïf d’un jeune homme maintenu dans un tel état de sauvagerie et de rustauderie qu’il en paraît d’abord un peu simple, le récit sans lieu ni date est celui d’un éveil progressif, d’un passage d’une quasi animalité à une conscience de soi pleine et entière. Alors que depuis le départ de sa sœur, seul être humain à l’avoir aimé, François s’en est trouvé réduit aux seuls liens affectifs qu’il entretient avec ses cochons, ses initiatives, d’abord maladroites puis de plus en plus assurées, vont peu à peu l’extirper de ses conditions misérables et lui permettre les apprentissages essentiels à son émancipation. Il apprend à lire, connaît sa première expérience sexuelle, découvre autour de lui les joies et les souffrances de l’amour, et, en explorant le passé et le secret de ses origines, comprend enfin son identité.
L’histoire, habilement contée, possède beaucoup de charme. Touché par la candeur et la sincérité de François, mais aussi par la fragile et lumineuse humanité de quelques autres personnages, le lecteur évolue à fleur d’émotion et de poésie, alors que le narrateur, jusqu’alors asservi par la misère et l’obscurantisme, s’apprête enfin, et très symboliquement, à sauter la rivière qui le séparait de l’espoir et de la liberté.
Profondément lumineux et optimiste, ce conte symbolique apparaît en frappant contraste d’un autre roman plus récent, pour sa part noir et désespéré, sur une thématique très semblable : Le démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie. Si le premier croit allégoriquement et positivement à tous les possibles, le second les referme sans recours sur l’identique innocence de son narrateur, ne lui laissant pour seul rivière à franchir que celle qui sépare la vie et la mort. (4/5)
Citations :
Une mère, j’imagine bien que j’en ai eu. Tous les cochons en ont une, pourquoi pas moi ? J’ai beau fouiller dans ma caboche, je ne la vois pas, sinon le visage de Maryse quand j’avais la varicelle et qui me tenait la main et me caressait le front en disant « Fifi ». De notre mère, pas de photo, juste la taloche quand je posais la question au père et ses yeux qui regardaient vers nulle part, le grand silence qui se faisait alors.
Je n’osais pas bouger et en même temps je me tenais prêt à lui sourire, pour qu’il le voie, mon sourire, quand il ouvrirait les yeux, Roger, parce qu’un sourire, ça fait toute la différence, avec un sourire tu n’es plus seul.
À ce moment-là, j’ai eu envie de lui demander de quelle histoire il s’agissait, mais dans ma caboche ça a fait chut car les silences, ce n’est pas bien de les remplir tous en une fois. Alors, je suis rentré chez moi, le nez dans les questions.
J’ai ouvert le paquet, doucement, en épargnant le papier sur lequel il y avait des anges qui pourraient toujours servir. C’était comme un duvet gris, tricoté, une écharpe à serrer autour du cou, et tu le voyais au premier coup d’œil que les mains aux bagues l’avaient tricotée elles-mêmes, et c’était rempli de fils d’ange, et tout à coup j’ai pensé que la vie était belle. Pas belle comme quelque chose que tu observes dans une vitrine et qui ne t’appartient pas, qui ne t’appartiendra jamais et qui te nargue et te dis « Ce n’est pas pour toi, petit » ; belle comme quelque chose de sanglant qui te tombe dessus par hasard, qui t’écorche, mais c’est ça la vie quand tu en es le centre, qu’il se passe quelque chose et que cela t’arrive à toi, tu peux dire alors qu’elle est belle, la vie.
Il y en avait plein, des grimoires, lourds et sales et contenant les noms de centaines de Martin, de Sorrente, depuis des années et des années, même d’avant le déluge. Je n’ai pas tout de suite trouvé le bon, et mon impatience me faisait prendre ceux d’à côté alors qu’après je me suis rendu compte que celui que je voulais se trouvait depuis le début face à mes mirettes. J’ai pensé, c’est comme la vie, le secret des secrets se trouve depuis toujours devant toi, et toi, c’est comme si tu avais du brouillard dans les yeux, de la fumée ou de la suie, et tu passes ton temps à tâtonner comme un simple qui n’a rien compris.
Je n’osais pas bouger et en même temps je me tenais prêt à lui sourire, pour qu’il le voie, mon sourire, quand il ouvrirait les yeux, Roger, parce qu’un sourire, ça fait toute la différence, avec un sourire tu n’es plus seul.
À ce moment-là, j’ai eu envie de lui demander de quelle histoire il s’agissait, mais dans ma caboche ça a fait chut car les silences, ce n’est pas bien de les remplir tous en une fois. Alors, je suis rentré chez moi, le nez dans les questions.
J’ai ouvert le paquet, doucement, en épargnant le papier sur lequel il y avait des anges qui pourraient toujours servir. C’était comme un duvet gris, tricoté, une écharpe à serrer autour du cou, et tu le voyais au premier coup d’œil que les mains aux bagues l’avaient tricotée elles-mêmes, et c’était rempli de fils d’ange, et tout à coup j’ai pensé que la vie était belle. Pas belle comme quelque chose que tu observes dans une vitrine et qui ne t’appartient pas, qui ne t’appartiendra jamais et qui te nargue et te dis « Ce n’est pas pour toi, petit » ; belle comme quelque chose de sanglant qui te tombe dessus par hasard, qui t’écorche, mais c’est ça la vie quand tu en es le centre, qu’il se passe quelque chose et que cela t’arrive à toi, tu peux dire alors qu’elle est belle, la vie.
Il y en avait plein, des grimoires, lourds et sales et contenant les noms de centaines de Martin, de Sorrente, depuis des années et des années, même d’avant le déluge. Je n’ai pas tout de suite trouvé le bon, et mon impatience me faisait prendre ceux d’à côté alors qu’après je me suis rendu compte que celui que je voulais se trouvait depuis le début face à mes mirettes. J’ai pensé, c’est comme la vie, le secret des secrets se trouve depuis toujours devant toi, et toi, c’est comme si tu avais du brouillard dans les yeux, de la fumée ou de la suie, et tu passes ton temps à tâtonner comme un simple qui n’a rien compris.
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ROUCHON-BORIE Dimitri : Le démon de la colline aux loups
Bonjour,
RépondreSupprimerJe découvre ton blog grâce à un commentaire sur le blog Chez Sue. Je n'avais pas du tout entendu parler de ce titre, mais je le note avec plaisir pour une future lecture (j'ai Le démon de la colline aux loups, dans ma Pile).
Bonjour Malorie,
SupprimerBienvenue et merci de ce petit mot.
J'ai lu ces deux livres peu de temps l'un après l'autre. Amusant comme ils paraissent comme deux versions, l'une lumineuse et l'autre sombre, de la même thématique ! Bonne lecture.