J'ai beaucoup aimé
Titre : Les godillots de ma mère
(Ghetele mamei)
Auteur : Clelia IFRIM
Traduction : Gabrielle DANOUX
Parution : en roumain en 2019,
en français en 2024 (Nombre 7)
Pages : 92
Présentation de l'éditeur :
Un oiseau dans chaque humain. L’ange qui porte les godillots de ma mère fut lui aussi autrefois une grue cendrée. Je le connais depuis l’enfance quand je jouais avec lui. Revenu rendre visite à sa famille, il me raconte des histoires vraies. Lorsqu’ils font de longs voyages, les oiseaux migrateurs emportent dans leur bec un morceau de bois. Au-dessus de l’immense océan, ils éprouvent de la fatigue et ne peuvent plus voler, ils laissent alors le morceau de bois tomber et s’assoient sur ce petit radeau pour la suite du voyage. Je sais par l’ange-grue cendrée, que ceux qui atteignent le rivage entrent dans le monde en tant qu’humains.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur et la traductrice :
Avis :
Reconnue bien au-delà des frontières roumaines, notamment au Liban, aux Etats-Unis et au Japon, mais aussi dans l’espace puisque deux de ses poèmes ont été déposés sur un module de la Station spatiale internationale, l'oeuvre poétique de Clelia Ifrim pénètre pour la seconde fois la sphère francophone grâce à la traduction par Gabrielle Danoux de ce nouvel ouvrage.Une flopée d’oiseaux, un parfum de lavande et de fleur d’oranger, et la lumière aveuglante du soleil sur les toits gris aluminium... Une mémoire sensorielle, volatile mais tenace, investit de ses fantômes les fragments délicats de ce recueil de poèmes. Des détails reviennent par flashes, en impressions fugaces nuancées de variantes, et ces infimes touches superposées suggèrent peu à peu les contours d’une ancienne vie champêtre, celle de l’enfance de l’auteur dans un village de Roumanie.
Comme au travers d’un rideau que la brise du temps agiterait faiblement, suffisamment pour dévoiler quelques trouées changeantes de souvenirs, l’on saisit ainsi par bribes un tableau qui, à première vue bucolique et paisible, s’avère traversé de craquelures tenant chacune en à peine quelques mots. Malgré les cieux étoilés, les champs de fleurs et la soie des maïs, l’on perçoit que la vie est dure, plutôt misérable et pleine de drames silencieux. On y trompe sa faim par une gorgée d’eau. Lorsque sa mère ne travaille pas, la fille est heureuse de lui emprunter ses godillots usés pour se rendre à l’école. Le père ouvrier soudeur soigne ses yeux enflammés avec des rondelles de pommes de terre. Des hommes s’échinent aux côtés de chevaux aveugles dans une mine de sel. Une grenade oubliée de la guerre emporte une enfant, la tante de l’auteur, dans l’explosion d’une fleur de sang. Pourtant, nulle désolation n’imprègne ces pages, au contraire lumineuses, aussi bien de délicatesse et de tendresse filiale que de finesse et de joliesse d’expression. Sous les mots se creuse l’empreinte d’un monde disparu, restée au plus profond de la sensibilité de l’écrivain, et qui, nimbée de mystère par d’abyssales ellipses poétiques, vient à la rencontre de l’émotion du lecteur.
Un bien joli recueil, sur lequel l’on revient encore et encore après l’avoir parcouru, tant il recèle de sens et d’émotions entre les mots. (4/5)
Citations :
de la cuisse de l’éclair.
Une seconde plus tard :
Que des cendres.
Une seconde plus tôt :
Qu’un chiffon de feu.
Je me rends en périphérie de la ville,
Près de l’eau où j’ai grandi.
J’y ai vu plusieurs fois,
L’homme-éclair
Laver son corps près du pont.
Un millier d’oiseaux propulsés par sa cuisse
Commençait à gazouiller.
C’était le début de la pluie printanière.
J’ouvre toutes les fenêtres.
La fureur de la ville, le bruit mécanique,
Jusqu’à la fenêtre -
Impossible d’aller plus loin.
Ne peut pas entrer dans la pièce.
Les fenêtres sont vivantes.
Elles ont des épées à portée de main.
Les anges des fenêtres
Sont identiques à ceux
De la Porte du Paradis.
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