J'ai beaucoup aimé
Titre : Quelque chose à te dire
Auteur : Carole FIVES
Parution : 2022 (Gallimard)
Pages : 176
Présentation de l'éditeur :
Elsa Feuillet, jeune écrivaine, admire l’œuvre de la grande Béatrice
Blandy, disparue prématurément. Cette femme dont elle a lu tous les
livres incarnait la réussite, le prestige et l’aisance sociale qui lui
font défaut. Lorsque Elsa rencontre le veuf de Béatrice Blandy, une
idylle se noue. Fascinée, elle va peu à peu se glisser dans la vie de sa
romancière fétiche, et explorer son somptueux appartement parisien — à
commencer par le bureau, qui lui est interdit…
Jeu de miroirs ou jeu de dupes ? Carole Fives signe avec Quelque chose à te dire un thriller troublant.
Jeu de miroirs ou jeu de dupes ? Carole Fives signe avec Quelque chose à te dire un thriller troublant.
Un mot sur l'auteur :
Née en 1971, Carole Fives est écrivain, chroniqueuse d'art et plasticienne.
Avis :
Elsa Feuillet, une jeune romancière dont les publications sont jusqu’ici passées inaperçues, voue une admiration sans bornes à Béatrice Blandy, une grande dame de la littérature française récemment disparue. Quelle n’est pas sa surprise, lorsqu’ayant cité une phrase de la célèbre auteur en épigraphe de son dernier roman, elle est contactée par le veuf Thomas Blandy et qu’une rencontre s’organise. Très vite, s’établit entre les deux une relation intime, curieusement triangulaire.
Car, Béatrice a beau être morte, c’est elle qui, omniprésente, préside à l’existence du nouveau couple, Thomas conservant son luxueux appartement à l’état d’un mausolée, et Elsa se glissant si bien dans la défroque de celle qu’elle envisage comme un idéal, qu’elle fait dire à son compagnon : « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! »
Le fait est, qu’après avoir aussi étroitement chaussé les contours physiques de l’existence de la morte, Elsa n’est bientôt plus qu’à deux doigts d’investir également son héritage spirituel. Et, tandis que les clins d’oeil même de la narration viennent souligner son atmosphère de plus en plus hitchcockienne – Thomas suggérant à Elsa que, contrairement aux apparences, c’est peut-être bien James Stewart qui manipule Kim Nowak dans le film Sueurs froides qu’ils sont en train de regarder, « Attendez la fin, vous comprendrez ! » –, se met en place une réflexion, un rien désenchantée, sur la création littéraire et sur le rôle véritable de l’écrivain.
Car, Béatrice a beau être morte, c’est elle qui, omniprésente, préside à l’existence du nouveau couple, Thomas conservant son luxueux appartement à l’état d’un mausolée, et Elsa se glissant si bien dans la défroque de celle qu’elle envisage comme un idéal, qu’elle fait dire à son compagnon : « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! »
Le fait est, qu’après avoir aussi étroitement chaussé les contours physiques de l’existence de la morte, Elsa n’est bientôt plus qu’à deux doigts d’investir également son héritage spirituel. Et, tandis que les clins d’oeil même de la narration viennent souligner son atmosphère de plus en plus hitchcockienne – Thomas suggérant à Elsa que, contrairement aux apparences, c’est peut-être bien James Stewart qui manipule Kim Nowak dans le film Sueurs froides qu’ils sont en train de regarder, « Attendez la fin, vous comprendrez ! » –, se met en place une réflexion, un rien désenchantée, sur la création littéraire et sur le rôle véritable de l’écrivain.
Quand s’arrête l’influence, quand commence le plagiat ? N’est-ce pas l’oeuvre qui compte, peu importe son creuset ? Ne galvaude-t-on pas la littérature en survalorisant « la figure de l’artiste aux dépens de l’oeuvre », les lecteurs ne plébiscitant plus que les auteurs capables d’assurer leur promotion dans les médias, et les éditeurs ne les évaluant plus guère qu’à l’aune de leur valeur marchande ? « Quand elle se plaignit à son éditeur d’être la risée de tout Paris, il lui répondit simplement, ‘’Et alors, tes livres se vendent, c’est bien ce que tu voulais, non ? (...) Estime-toi heureuse !’’ »
A l’heure où narcissisme et marketing finissent trop souvent par occulter les vraies finalités de l’écriture et de la création littéraire, Carole Fives nous rappelle, au moyen d’une intrigue éloquente au retournement inattendu, que la raison d’être de l’écrivain, c’est avant tout d’avoir quelque chose à dire... (4/5)
Citations :
Elsa avait écouté plusieurs entretiens dans lesquels Béatrice expliquait que pour elle, la littérature était une aventure. L’écrivain vivait cette aventure en explorateur, lampe torche à la main, contrairement au lecteur, qui lui emboîtait le pas.
Qu’importe les personnes réelles derrière une œuvre, l’essentiel était l’œuvre elle-même. Notre époque survalorisait la figure de l’artiste aux dépens de l’œuvre, un titre ne se vendait bien que si l’auteur était capable d’en assurer la promotion dans les médias, on préférait des auteurs toujours plus jeunes, toujours plus beaux et sûrs d’eux-mêmes, sortant si possible d’une grande école. La littérature était à l’opposé, et, si elle se présentait le plus souvent sous la figure d’un jeune homme bien coiffé et diplômé de Normale Sup, rodé pour répondre du tac au tac à n’importe quelle question en prime time, Elsa sentait qu’elle était loin, ailleurs.
Où se termine l’influence, l’admiration d’un écrivain pour un autre, résumait Damien Deforêt dans sa pastille de présentation de l’émission, et où débute le véritable plagiat ?
Quand elle se plaignit à son éditeur d’être la risée de tout Paris, il lui répondit simplement, « Et alors, tes livres se vendent, c’est bien ce que tu voulais, non ? Tu n’auras plus de problème de loyer désormais, plus de problème de trésorerie, et tu as du temps devant toi pour écrire. Estime-toi heureuse ! »
Qu’importe les personnes réelles derrière une œuvre, l’essentiel était l’œuvre elle-même. Notre époque survalorisait la figure de l’artiste aux dépens de l’œuvre, un titre ne se vendait bien que si l’auteur était capable d’en assurer la promotion dans les médias, on préférait des auteurs toujours plus jeunes, toujours plus beaux et sûrs d’eux-mêmes, sortant si possible d’une grande école. La littérature était à l’opposé, et, si elle se présentait le plus souvent sous la figure d’un jeune homme bien coiffé et diplômé de Normale Sup, rodé pour répondre du tac au tac à n’importe quelle question en prime time, Elsa sentait qu’elle était loin, ailleurs.
Où se termine l’influence, l’admiration d’un écrivain pour un autre, résumait Damien Deforêt dans sa pastille de présentation de l’émission, et où débute le véritable plagiat ?
Quand elle se plaignit à son éditeur d’être la risée de tout Paris, il lui répondit simplement, « Et alors, tes livres se vendent, c’est bien ce que tu voulais, non ? Tu n’auras plus de problème de loyer désormais, plus de problème de trésorerie, et tu as du temps devant toi pour écrire. Estime-toi heureuse ! »
C'est une écrivaine que je suis volontiers, mais j'ai un peu de retard: j'en suis à "Térébenthine", acquis dernièrement.
RépondreSupprimerPour ma part, je découvre cet auteur avec son dernier livre paru. Je remonterai sans doute le temps pour découvrir ses précédents livres.
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerpour ma part, j'ai trouvé la réflexion sur l'écriture très superficielle et le style vraiment pauvre : j'ai été très déçue.
Il n'y a peut-être pas de beauté particulière dans le style, c'est vrai. Mais je trouve l'écriture efficace et la réflexion qui sous-tend l'histoire pertinente. Votre déception témoigne de la différence de vos attentes... Merci pour votre partage.
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