J'ai beaucoup aimé
Titre : Henua
Auteur : Marin LEDUN
Parution : 2025 (Gallimard)
Pages : 416
Présentation de l'éditeur :
Henua. La terre natale, la terre-mère.
Henua Ènana, la Terre des Hommes, véritable nom de l’archipel des Marquises, où est retrouvé le corps de Paiotoka O’Connor, une jeune mère respectée, éprise de liberté, aimant passionnément Nuku Hiva, son île.
Le lieutenant de gendarmerie Tepano Morel – né d’un père métropolitain et d’une mère marquisienne – est dépêché depuis Tahiti pour enquêter, secondé sur place par Poerava Wong. Si ses investigations lui révèlent progressivement l’envers du paradis marquisien, elles lui permettent également de renouer avec ses racines et la mémoire de sa mère, personnalité connue de beaucoup sur l’île.
Jonglant avec les fantômes de son passé et sa quête de vérité, le lieutenant découvre un pays rongé par les conséquences de la colonisation et hanté par le spectre des essais nucléaires français, où le silence est d’or et où les secrets sont bien gardés...
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Marin Ledun est l’auteur d’une vingtaine de romans dont Les visages écrasés, plusieurs fois récompensé et adapté au cinéma, et L’homme qui a vu l’homme, prix Amila-Meckert. Ses deux précédents romans, Leur âme au diable et Free Queens, ont reçu un accueil particulièrement enthousiaste de la presse et des libraires.
Avis :
Une île comme une cage : entre séquelles de la colonisation, trafic de drogue, braconnage d’espèces protégées et féminicide, le nouveau polar de Marin Ledun raconte l’envers de la carte postale des Marquises.
Le cadavre d’une jeune femme, Paiotoka O’Connor, ayant été découvert sur les hauteurs de l’île Nuku Hiva aux Marquises, le lieutenant Tepano Morel, un « demi » - de mère marquisienne et de père métropolitain - qui n’avait jamais mis les pieds dans l’archipel et la policière locale Poerava Wong sont chargés de l’enquête. Commence un schéma de narration assez classique et linéaire qui, au-delà du suspense de l’investigation, se distingue par sa peinture d’un microcosme îlien et d’un enfermement social bien loin des clichés paradisiaques.
Nuku Hiva, c’est d’abord un écrin de nature et une culture millénaire qui tentent de panser les plaies laissées par la colonisation. Après les terribles conséquences des essais nucléaires et les tentatives d’éradication de traditions et de pratiques culturelles locales fondatrices, comme les chants, les danses, les mythes et les tatouages aux motifs symboliques, les jeunes générations s’efforcent de renouer avec une identité dont leurs aînés ont été coupés. Lui même déconnecté de ses origines et aussi métropolitain que le commun des lecteurs, Tepano se fait nos yeux et nos oreilles dans une découverte riche et dépaysante qui n’a pour autant rien de touristique.
Les étrangers ne se mêlent d’ailleurs guère aux locaux si l’on excepte le tourisme sexuel et la dégustation de gibiers protégés, et c’est en vase clos, à l’arrière des plages et de leurs yachts, dans un silence général d’autant plus bruyant que sur cette petite terre personne n’éternue sans que tous soient au courant, que fermentent pauvreté et violences criminelles sur fond de trafic de drogue, de prostitution et de braconnage d’espèces endémiques en voie de disparition.
Enquête policière prenante, rencontre attachante avec des personnages campés en profondeur, enfin immersion pleine de poésie dans une nature somptueuse et une culture d’une grande richesse : les ingrédients sont réunis pour un polar social et ethnologique de belle facture, qui rend justice à une terre et à un peuple dont la résilience se heurte aujourd’hui à de nouvelles formes de prédation, non plus territoriale, mais écologique et même sexuelle. (4/5)
Le cadavre d’une jeune femme, Paiotoka O’Connor, ayant été découvert sur les hauteurs de l’île Nuku Hiva aux Marquises, le lieutenant Tepano Morel, un « demi » - de mère marquisienne et de père métropolitain - qui n’avait jamais mis les pieds dans l’archipel et la policière locale Poerava Wong sont chargés de l’enquête. Commence un schéma de narration assez classique et linéaire qui, au-delà du suspense de l’investigation, se distingue par sa peinture d’un microcosme îlien et d’un enfermement social bien loin des clichés paradisiaques.
Nuku Hiva, c’est d’abord un écrin de nature et une culture millénaire qui tentent de panser les plaies laissées par la colonisation. Après les terribles conséquences des essais nucléaires et les tentatives d’éradication de traditions et de pratiques culturelles locales fondatrices, comme les chants, les danses, les mythes et les tatouages aux motifs symboliques, les jeunes générations s’efforcent de renouer avec une identité dont leurs aînés ont été coupés. Lui même déconnecté de ses origines et aussi métropolitain que le commun des lecteurs, Tepano se fait nos yeux et nos oreilles dans une découverte riche et dépaysante qui n’a pour autant rien de touristique.
Les étrangers ne se mêlent d’ailleurs guère aux locaux si l’on excepte le tourisme sexuel et la dégustation de gibiers protégés, et c’est en vase clos, à l’arrière des plages et de leurs yachts, dans un silence général d’autant plus bruyant que sur cette petite terre personne n’éternue sans que tous soient au courant, que fermentent pauvreté et violences criminelles sur fond de trafic de drogue, de prostitution et de braconnage d’espèces endémiques en voie de disparition.
Enquête policière prenante, rencontre attachante avec des personnages campés en profondeur, enfin immersion pleine de poésie dans une nature somptueuse et une culture d’une grande richesse : les ingrédients sont réunis pour un polar social et ethnologique de belle facture, qui rend justice à une terre et à un peuple dont la résilience se heurte aujourd’hui à de nouvelles formes de prédation, non plus territoriale, mais écologique et même sexuelle. (4/5)
Citation :
Il faut que tu comprennes quelque chose, dit-il. La vraie histoire des Marquises, pour nous, c'est pas celle de la colonisation à laquelle on nous réduit tout le temps. Oui, c'était horrible. Oui, on a failli disparaître. Oui, l'Église et la France nous ont massacrés. Mais si on en parle autant, c'est aussi parce que c'est la seule période de notre histoire qui est documentée. Pour ma génération, la vraie histoire, c'est celle d'avant, qu'on ne perçoit aujourd'hui qu'à travers des émotions qui subsistent dans nos légendes, dans nos chants, dans le bruit du vent ou dans les motifs du tatouage. Notre histoire, c'est celle qu'on ne connaît pas mais qu'on ressent. La puissance de ma génération tient là-dedans. Elle n'idéalise pas nos ancêtres qui étaient des guerriers violents, mais elle a compris que l'arrivée des Européens a éclipsé notre grande histoire. Cette période s'étale sur près de mille ans où nous étions puissants. Celle-là, personne ne nous la volera parce qu'elle n'intéresse personne. C'est cette puissance que nous recherchons. C'est à nous et à toi de la raconter désormais.
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