lundi 15 décembre 2025

[Desarthe, Agnès] L'oreille absolue

 




 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : L'oreille absolue

Auteur : Agnès DESARTHE

Parution : 2025 (L'Olivier)

Pages : 144 

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« C’était un hiver lumineux et sec où rien ne semblait devoir mourir. »
Un petit garçon intenable rencontre un homme au bout du rouleau. Une femme retrouve son amant disparu. Un musicien prépare un concours avec un jeune prodige qui ne sait pas lire une note. Deux adolescents filent à moto sans casque. Ces personnages – et bien d’autres encore - semblent n’avoir aucun lien entre eux, si ce n’est que tous appartiennent à la même harmonie municipale. Mais une fillette timide promise à un brillant avenir les observe sans qu’ils le sachent. Elle comprend qu’un fil les relie tous et qu’un sort a suspendu pour un temps les drames individuels. Que ce fil vienne à rompre, et tous tomberont. La musique, alors, s’arrêtera.
Dans cet admirable roman polyphonique, Agnès Desarthe s’amuse à nouer et dénouer les destins par le seul jeu de l’écriture.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Agnès Desarthe a publié onze romans aux Éditions de l’Olivier, dont Un secret sans importance (prix du Livre Inter 1996), Dans la nuit brune (prix Renaudot des lycéens 2010), Ce cœur changeant (Prix littéraire du Monde 2015), L’Éternel fiancé (Prix de l’héroïne Madame Figaro, 2021) et Le Château des rentiers (en lice pour le Goncourt 2023).

 

 

Avis :

Bref et dense, écrit dans l’esprit d’une musique de chambre, L’oreille absolue fait résonner les obsessions d’Agnès Desarthe – quête de sens, mémoire intime et collective, communauté comme espace fragile où se jouent accords et dissonances de l’existence – en une partition littéraire dont la musicalité constitue le véritable moteur narratif.

L’histoire se tisse autour de nombreux personnages, rassemblés par l’harmonie municipale de leur petite commune. Jeunes ou vieux, chacun trouve sa place dans l’ensemble, en une communion qui suspend le cours ordinaire de la vie, comme une trêve lumineuse et magique où le temps s’arrête et la fatalité se tait. 

Dès lors, le roman se déploie comme une pièce musicale, chaque voix y allant de son récit de vie comme en autant de couplets, ponctués par un refrain poétique et lancinant, qui rappelle ce que, des cruautés de l’existence, la musique fait oublier : « C’est un hiver lumineux et sec où rien ni personne ne doit mourir. » 

Comme une incantation, ce refrain tisse un lien fragile entre des voix disparates, qui, en croisant leurs trajectoires solitaires vers un destin provisoirement suspendu, composent une mosaïque sonore à l’image des existences dessinant ensemble la trame de l’humanité. 

Par-delà la métaphore musicale, c’est l’écriture elle-même qui se fait instrument : phrases brèves ou amples, reprises et variations, silences ménagés comme des pauses. Plus qu’un don technique, l’« oreille absolue » est ici une disposition à l’écoute, une manière d’accueillir la pluralité des chants et de leur donner place dans le tissu du récit.

Aussi belle soit-elle, la portée métaphorique du texte ne se révèle qu’à l’issue d’un effort d’écoute, grâce à une disponibilité à la polyphonie et à ses dissonances. Ce n’est qu’en traversant une désorientation initiale que l’on accède à la justesse de cette composition littéraire, où la musique figure une humanité vulnérable et souffrante, mais capable, l’espace d’un instant, de se tenir ensemble et d’oublier sa condition mortelle.

Au final, L’oreille absolue rappelle que la littérature, comme la musique, n’offre pas de réponses mais une expérience : celle d’un déplacement, d’une écoute qui déroute avant d’éclairer et qui fait surgir, au cœur du chaos, une forme de sens partagé. Elle apparaît ainsi une consolation face à la condition humaine, suspendant un instant la conscience de notre finitude solitaire et inexorable, et ouvrant à la possibilité d’un accord fragile mais commun. Un roman exigeant, brillant et subtil, où musique et écriture se rejoignent dans l'art délicat de panser l'âme. (4/5)

 

Citations :

– Tu connais le nom des notes ? 
– J’ai pas besoin de le connaître, elles le disent. Elles font leur son et en même temps, elles crient leur nom de note.

Comme lui, les habitants du village, réunis dans la salle des fêtes pour le concert de Noël, revivent pêle-mêle peines et joies brassées par la musique, car c’est un hiver lumineux et sec où rien ni personne ne semble vouloir mourir, si bien que pour un temps, seuls les souvenirs, comme des guirlandes colorées dans la nuit, occupent les esprits et font verser des larmes ou monter des sourires.

 

 

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