mardi 9 avril 2024

[Peretti, Camille (de)] L'Inconnue du portrait

 


 



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Titre : L'Inconnue du portrait

Auteur : Camille de PERETTI

Parution : 2024 (Calmann-Lévy)

Pages : 350

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

«  La toile vibrait de beauté. Elle en avait le souffle coupé et se noyait dans l’œil bleu ciel piqueté de vert. Est-ce qu’elle était réellement le sosie de cette inconnue ?  » 
Peint à Vienne en 1910, le tableau de Gustav Klimt Portrait d’une dame est acheté par un collectionneur anonyme en 1916, retouché par le maître un an plus tard, puis volé en 1997, avant de réapparaître en 2019 dans les jardins d’un musée d’art moderne en Italie.
Aucun expert en art, aucun conservateur de musée, aucun enquêteur de police ne sait qui était la jeune femme représentée sur le tableau, ni quels mystères entourent l’histoire mouvementée de son portrait. 
Des rues de Vienne en 1900 au Texas des années 1980, du Manhattan de la Grande Dépression à l’Italie contemporaine, Camille de Peretti imagine la destinée de cette jeune femme, ainsi que celles de ses descendants. Une fresque magistrale où se mêlent secrets de familles, succès éclatants, amours contrariées, disparitions et drames retentissants.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Camille de Peretti est née en 1980 à Paris. Elle a effectué sa scolarité à l'École active bilingue Jeannine-Manuel. Après une hypokhâgne et une khâgne, elle intègre l’ESSEC. Apprentie analyste financière dans une banque d’affaires singapourienne, professeur de cuisine française à la télévision japonaise dans une émission intitulée « La Cuisine de Camille », une fois son diplôme en poche elle s'inscrit aux cours Florent et crée une entreprise d’événementiel.
Passionnée de peinture et de littérature, depuis 2005, elle se consacre à l’écriture.
Elle est l’autrice de neuf romans dont Thornytorinx (Belfond, 2005 - prix du Premier roman de Chambéry), Le Sang des Mirabelles, (Calmann-Lévy, 2019) et L’Inconnue du portrait, (Calmann-Lévy, 2024).

 

 

Avis :

Fréquentant avec passion les musées, Camille de Peretti s’est emparée des mystères entourant une œuvre de Klimt, « Portrait d’une dame », pour en tirer une autre fresque, très romanesque celle-là, couvrant trois générations d’une même famille entre Vienne et New York.

C’est un petit tableau de Klimt, un portrait de femme en buste à l’expression langoureuse, bouche entrouverte et pommettes enfiévrées. Peinte à Vienne en 1917, l’oeuvre coule des jours paisibles entre les murs d’une pinacothèque de province, en Italie, lorsque, coup sur coup, elle défraye la chronique. En 1996, l’on s’avise que le tableau est en réalité double, son épaisse couche de vernis en cachant un autre, le portrait disparu en 1912 d’une femme dont on réalise alors qu’elle est la même. Mais, non contente de déjà faire couler beaucoup d’encre, l’inconnue repeinte entame alors de rocambolesques aventures. Volée deux fois l’année qui suit – l’original d’abord, puis la copie dont personne n’avait remarqué qu’elle avait pris sa place au musée –, elle disparaît avec la promesse d’un retour vingt ans plus tard. En 2019 et avec un peu de retard, c’est chose faite : à l’occasion de travaux d’entretien d’un mur extérieur du musée italien, la belle est retrouvée par un jardinier, cachée dans un sac poubelle puis glissée dans une trappe mangée par le lierre. L’escapade de la femme sans nom et étrangement repeinte reste un mystère…

Eminemment elliptiques, ces peu ordinaires faits de départ ont de quoi frapper l’imagination. Et de l’imagination, à défaut de tout autre matériau disponible, l’auteur en a à revendre. Avec pour focale le tableau dont la dame prend vie pour devenir un personnage en soi, à jamais ombré par les non-dits et les secrets censés couper court à l’inconvenance et au scandale, elle déploie sur un siècle l’histoire résolument romanesque de descendants cherchant eux aussi à élucider un mystère : celui de leurs origines. De la Vienne décadente du début du XXe siècle incarnée par le triste sort d’un héritier de bonne famille, au rêve américain d’un self-made man new-yorkais enrichi sur le krach de 1929, puis d’une jeune avocate s’efforçant d’effacer son accent texan dans le Manhattan d’aujourd’hui, trois destins s’entrelacent par-delà siècles et continents, cousus l’un à l’autre par la seule trace tangible laissée par une presque inconnue : son portrait.

Si, nous faisant traverser lieux et époques d’une manière évocatrice et vivante, l’histoire se lit sans déplaisir aucun, la curiosité aiguillonnée par l’enchevêtrement et la reproduction des secrets d’alcôve et de famille, l’on achève malgré tout cette lecture avec en bouche la frustration d’un scenario un rien tiré par les cheveux, aux personnages un peu trop lisses et n’évitant pas toujours les poncifs. Est-ce d’avoir déjà trop lu de ces récits usant d’une œuvre, d’un instrument de musique ou d’un objet comme trait d’union entre plusieurs destins et périodes ? Cette impression de déjà-lu et d’assez convenu laisse poindre le regret d’un plat un peu trop fade pour régaler totalement. L’on pourra tenter de s’en consoler en se raccrochant à l’agréable fluidité de sa lecture et en rêvant à son tour au mystère du tableau de Klimt. (3/5)


 

Citations :

Pearl avait une vision pour le moins passive de l’amitié. Jamais elle ne serait allée vers une fille pour lui demander « Veux-tu être mon amie ? » Mais si on s’avançait vers elle, elle était prête à se donner tout entière, dès la première seconde. Elle savait qu’elle attendait d’être choisie, plus que cela encore, elle attendait d’être reconnue. Et paradoxalement, n’importe qui aurait fait l’affaire. La littérature regorgeait d’âmes sœurs et d’amitiés exemplaires. Dès qu’il était question d’amour, il fallait trouver sa moitié. Ainsi, les poètes avaient décidé d’ignorer toutes celles et ceux qui s’accommoderaient du premier venu sans faire tant de manières. Car rares étaient les bocaux qui trouvaient leur couvercle, celui dont le matériau, le diamètre et le nombre de tours de vis leur allaient à la perfection. Dans la majorité des cas, un carré de papier aluminium et un peu de bonne volonté suffisaient. Une illusion de couvercle, modelé, corné et plissé sur les bords. Il fallait seulement faire attention à ne pas se déchirer si on décidait de changer de bocal. Tous les carrés d’aluminium savaient cela.
 

 « Le goût, c’est bon pour les amateurs de vin et les cuisiniers. L’art n’a rien à voir avec le goût » disait un certain Gustav Klimt.
 

Isidore avait confié à Pearl qu’il ne comprenait pas qu’on puisse naître avec autant de chances, la beauté de sa mère, le compte en banque de son père, et ainsi gâcher sa vie. Comme quoi, la bâtardise avait du bon. Pour obtenir quelque chose, rien ne valait d’en avoir été privé.
 

Être amoureux n’exclut pas d’être lucide, car repérer les défauts de l’autre n’implique pas pour autant qu’on les comptabilise.
 

Le malheur force celui qu’il frappe à inventer un lieu où se réfugier, à se composer une autre vérité, plus belle, plus flamboyante. Ils ne peuvent pas développer leur imagination, ceux qui sont satisfaits de leur vie, ceux à qui la réalité suffit. 
 

Le syndrome de Stendhal, c’est le trouble physique et psychologique que peut provoquer une œuvre d’art, Henry.

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