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jeudi 21 mai 2020

[Copleton, Jackie] La voix des vagues





Coup de coeur đź’“

 

Titre : La voix des vagues
          (A dictionary of mutual understanding)

Auteur : Jackie COPLETON

Traducteur : Freddy MICHALSKI

Parution : en anglais en 2015,
                en français en 2016 chez Les Escales

Pages : 304

 

 

 

 

 

 

PrĂ©sentation de l'Ă©diteur :   

Lorsqu’un homme horriblement défiguré frappe à la porte d’Amaterasu Takahashi et qu’il prétend être son petit-fils disparu depuis des années, Amaterasu est bouleversée. Elle aimerait tellement le croire, mais comment savoir s’il dit la vérité ? Ce qu’elle sait c’est que sa fille et son petit-fils sont forcément morts le 9 août 1945, le jour où les Américains ont bombardé Nagasaki ; elle sait aussi qu’elle a fouillé sa ville en ruine à la recherche des siens pendant des semaines. Avec l’arrivée de cet homme, Amaterasu doit se replonger dans un passé douloureux dominé par le chagrin, la perte et le remord.
Elle qui a quittĂ© son pays natal, le Japon, pour les États-Unis se remĂ©more ce qu’elle a voulu oublier : son pays, sa jeunesse et sa relation compliquĂ©e avec sa fille. L’apparition de l’étranger sort Amaterasu de sa mĂ©lancolie et ouvre une boĂ®te de Pandore d’oĂą s’échappent les souvenirs qu’elle a laissĂ© derrière elle … 

 

 

Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :

Jackie Copleton a enseigné l’anglais pendant plusieurs années à Nagasaki et à Saporo. Elle vit désormais avec son mari à Newcastle, au Royaume-Uni.

 

 

Avis :

Quatre dĂ©cennies après avoir quittĂ© le Japon pour les Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre mondiale, Amaterasu Takahashi, dĂ©sormais veuve et âgĂ©e, est bouleversĂ©e par la visite d’un homme dĂ©figurĂ© qui se prĂ©sente comme son petit-fils, pourtant dĂ©clarĂ© mort Ă  sept ans au cours de l’explosion de la bombe atomique Ă  Nagasaki. Cette irruption fait aussitĂ´t dĂ©ferler les souvenirs qu’elle avait si soigneusement et si dĂ©sespĂ©rĂ©ment tentĂ© d’ensevelir : ceux de la guerre et de l’atrocitĂ© vĂ©cue Ă  Nagasaki, mais aussi ceux de toute sa vie au Japon, entachĂ©e de secrets aux consĂ©quences dramatiques.

La ville de Nagasaki, où l’auteur a elle-même vécu quelques années, et les événements historiques, en particulier l’explosion atomique et les insoutenables scènes des heures et des jours qui suivirent, sont évoqués avec une acuité qui immerge de manière saisissante dans la vie du Japon des années trente et quarante. Chaque chapitre est ponctué par un extrait du Dictionnaire Anglais de Culture Japonaise de Hoffer et Honna, accentuant le dépaysement par la découverte de notions sans équivalence occidentale.

Dans cet impressionnant et foisonnant cadre général, se déploie l’histoire individuelle d’une famille impliquant quatre générations, restituée par d’incessants retours dans le passé qui dessinent peu à peu une intrigue prenante aux ramifications intriquées et aux personnages forts et attachants, empêtrés dans leurs secrets, leurs contradictions et leurs déchirures. L’émotion est bien sûr au rendez-vous lorsque la grande et la petite histoires se télescopent, enfermant à jamais Amaterasu dans ses remords et sa culpabilité, et figeant amour et haine dans un conflit éternellement irrésolu. Elle jaillit de plus belle lorsque le visiteur surgi du passé fait voler en éclats la carapace de la vieille femme, la forçant à se confronter à ses souffrances mais aussi, enfin, à trouver le courage de revivre et de se réconcilier avec son identité japonaise.

Ce premier roman s’avère une rĂ©ussite sur tous les plans : portĂ© par un style fluide et agrĂ©able et par une construction propice Ă  la fois au suspense et Ă  la nostalgie du temps qui passe, il nous plonge dans une saga familiale captivante, mise en relief par une Ă©vocation historique crĂ©dible et vivante, et une immersion dans la culture japonaise Ă©tonnante et fascinante. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

L’anthropologue Ruth Benedict a un jour déclaré que le fondement de la culture japonaise est la honte et celui de la culture américaine, un certain sens du péché ou de la culpabilité. Dans une société dont la honte est la pierre d’achoppement, perdre la face équivaut à avoir son ego détruit. Par exemple, jadis, les guerriers samouraïs étaient des hommes fiers. Lorsqu’ils étaient trop pauvres pour se payer un repas, ils gardaient un cure-dent aux lèvres pour montrer aux yeux du monde qu’ils venaient de manger.

MalgrĂ© la distance, ma position sur les hauteurs et la pĂ©nombre Ă  l’intĂ©rieur de l’épicerie oĂą je me trouvais, j’étais suffisamment près pour savoir qu’il s’agissait du bruit qui accompagne la fin de toute existence. Jamais encore je n’en avais entendu de semblable. J’eus l’impression que le cĹ“ur du monde venait d’exploser. Certains allaient le dĂ©crire par la suite comme un bang mais il ressemblait plus au fracas d’une porte se rabattant violemment sur ses gonds ou Ă  la collision de plein fouet d’un camion-citerne et d’une voiture. Il n’existe pas de mot pour ce que nous avons entendu ce jour-lĂ . Il ne doit jamais y en avoir. Donner un nom Ă  ce son risquerait de signifier qu’il pourrait se reproduire. Quel terme serait Ă  mĂŞme de capturer les rugissements de tous les orages jamais entendus, tous les volcans, tsunamis et avalanches jamais vus en train de dĂ©chirer la terre et d’engloutir toutes les villes sous les flammes, les vagues, les vents ? Ne trouvez jamais les termes adĂ©quats capables de dĂ©crire une telle horreur de bruit ni le silence qui s’était ensuivi.

A l’époque féodale, hommes et femmes en relations intimes n’étaient pas censés se montrer proches l’un de l’autre en public, sans même parler de bras entrelacés ou de mains tenues. Une des rares occasions où ces gestes étaient permis était les jours de pluie, quand ils pouvaient jouir de l’intimité d’un parapluie partagé. En conséquence, si un homme proposait un parapluie à une femme, son geste était souvent interprété comme l’expression implicite de son amour pour elle. Depuis lors, un homme et une femme amoureux se décrivent comme partageant un parapluie.

Vous ne devez pas gâcher vos talents d’artiste. C’est tellement beau de pouvoir montrer au monde la façon dont vous le voyez, ses ombres, ses lumières et les espaces entre les deux. Des détails qui nous échappent dans la vie quotidienne. L’art nous rappelle tout ce que nous n’avons pas le temps de voir.

 

La Ronde des Livres - Challenge 
Multi-DĂ©fis du Printemps 2020

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